Réalisme maintenant = guerre

Michel André Vallée·Vendredi 10 août 2018

Un « ami » Facebook vient de m’adresser une TRIBUNE, et me dit qu’il redoute pour ses petits-enfants un « monde de … », suite à un dossier paru dans la revue Libé. Comme quoi ce journal peut parfois publier d’intéressant articles, même si le lire me fait habituellement des nœuds dans la tête. 

Voici ma réponse, bien plus dure :

Non, nous ne leur laissons pas à nos enfants et petits-enfants un « monde de merde », mais d’horreurs.

Simple au delà de toutes les complexités (réelles et incontournables donc à partir desquelles il faudra bien travailler si nous voulons tenter quelque chose) :

  • d’ici 30 ans, la terre ne pourrait plus nourrir que 1 milliard de personnes > donc 6 milliards de trop ! Les « dirigeants « vont-ils se concerter pour des mesures radicales de sagesse (cf l’article de Boillot) ? La seule réponse qu’ils puissent mettre en œuvre qui agrée au Deep power, c’est une « bonne » guerre mondiale. La preuve, ils la tentent avec le cas Iran, qui pourrait, avec quelques coups de pouce, engager une déflagration entre , on the one hand les States + l’Arabie Saoudite + Israêl (qui vient de passer une Loi d’ « uniformisation » pas par hasard) &Co, and on the other hand l’Iran en 1er ligne plus la zone chiite + la Russie + la Chine & Co (dont la Turquie). L’UE est considérée côté States, mais des renversements sont possibles … d’autant que ce n’est pas du tout ce qu’à prophétisé Michel de Nostredame (je pense là très sérieusement malgré l’apparence) ?

– à force de manipulations ultra-quantiques, nos petits génie du CERN de Genève (et autres synchrocyclotrons majeurs) vont bien nous créer un accident bien plus conséquent que Tchernobyl ou autre, car susceptible de réactions en chaîne hors contrôle >> « Le poète a toujours raison qui voit plus haut que l’horizon ».

– le paramètre climatique : archi traité par ailleurs dont dans l’article de Boillot & al, je ne reprends pas.

etc … etc … etc. »

Or qu’apprends t-on ? Tension croissante entre l’Arabie Saoudite et le Canada avec chantage commercial, … puisque le Canada s’obstine à être exigeant sur les droits de l’homme. Ah bon, il ne se passe rien au Yémen ? Mais c’est bien sur, les tensions entre les States et le Canada (pourtant très américanisé) sont en même temps croissantes ; … et il paraitrait par ailleurs que le Mexique s’obstine (malgré le poids encore important de l’économie du crime) aussi à ne pas se coucher sous les States ! 

Etc … etc … etc …

En fait les lignes de failles se multiplient à qui veut se donner la peine de voir avec, oh un tout petit peu de recul.

Un peu plus de recul, et on peut poser l’hypothèse que la mondialisation commerciale néolibérale se rapproche de ses limites, en ne pouvant plus trop laminer les situations de vie des gens vers le bas et en commençant à dresser les classes moyennes qui se savent ou sentent condamnées par ce système. Même s’il reste encore largement de la marge et si les inégalités ne se sont jamais creusées autant depuis les « anciens régimes ». Mais l’alerte lancée à Davos ces dernières années sur les risques de « mouvements » de (voire par effet de domino « des ») peuples semblerait se concrétiser. Mauvais ça, donc changer de stratégie géopolitique globale ! Aussi grave, les rapprochements Chine – Indes (qui l’aurait cru il y a encore vingt ans) – Russie (dont les occidentaux continuent à se refuser de comprendre l’âme).

La multiplication des failles préparant la « légitimation » d’une Grande guerre est bien en route.

Les Amériques du Sud et les Afriques ne bougeraient que peu ? Que nenni, les failles de tensions sont proches d’explosions partout, ce sont nos médias qui éloignent les informations.

La newsletter du réseau GEAB, une des plus sérieuses agence de géopolitique en langue française, a annoncé l’été de tous les dangers, … en quelque sorte un peu « en creux » / Tribune de Boillot évoquée ci-dessus > nous y sommes presque.

Je sais, il existe des milliers d’initiatives en grandeur réelle de promotion de modes de vie « autrement », alternatifs, d’une économie de décroissance, de production-consommation vivrières non-industrialisée locale, etc, le plus souvent (mais pas toujours) de bonne foi. Ne pas se leurrer : à la fois beaucoup sont saines même si apparaissent à la marge utopiques, mais pour le système elles servent de faire –valoir au Deep power dominant, qui se contente ici ou là de coups de pattes. Que celles et ceux qui y sont continuent, mais sans illusions ; elles –ils pourraient bien constituer à l’avenir quelques foyers de survie-transition type Postman (bannière étoilée mise de côté).

Allez, ne tenez compte de la pensée unique actuelle que pour la connaître, et au fond lisez, relisez, faites lire Stiglitz, Morin, Klein, Jorion, & al … et pour les enfants éducation intensive de culture générale vers le haut ouverte.

En matière de spiritualité (que vous soyez matérialiste ou non mais en tout cas humaniste tolérant), ceux qui me connaissent ne seront pas étonnés de me voir une fois de plus conseiller un vrai effort avec Carl Gustav Jung, prophète du XXème siècle qui avait « vu » venir la Grande de 14-18, et qui est bien plus collectif qu’il n’y paraît derrière la poussée de l’individuation, … de même qu’un Onfray est bien plus spiritualiste de l’ensemble du genre humain qu’il n’y paraît, sur un mode énergie, derrière la nécessité de laïciser-objectiviser sur le fond l’histoire et la capacité de penser les choses de la vie.

Matrix

Michel André Vallée·mardi 5 septembre 2017

Hier soir, la 8 (trop de publicités débiles et de variétés tout aussi débiles typiques de “du pain et des jeux”) a donné le film Matrix, sorti en 1999 soit il y a 20 ans si on compte le tournage et la préparation. Rappel : la pratique du pain et des jeux annonce toujours la chute d’un Empire !

Là aujourd’hui il est évident, pour ceux qui ne l’auraient pas vu ainsi, que c’était (c’est toujours) un film visionnaire, tout autant que “Le meilleur des mondes” du Grand Aldous, “Le successeur de Pierre” de Truong, etc. Autrement dit, nous y sommes.

J’exagère ? Les progrès en IA (Intelligence Artificielle), annoncés dans Matrix, ont été fulgurants, … évidemment. En effet, nos Big Datas viennent de “réussir” la capacité pour des ensembles electroinformatiques d’autoaméliorer leur(s) propre(s) programmation(s) ce qui, compte tenu des systèmes connectés en place sur l’ensemble de cette planète (satellites compris) ne pourra plus être arrêté.

En effet aussi, une élite internationale constituant ce qu’il convient d’appeler le Deep Power, comprenant toutes les puissances qui ont les moyens de tirer les ficelles derrière les instances telles les Bilderberg et équivalents russes et chinois (et indiens ?) ainsi que l’ONU, développent la future structuration de la mondialisation. La plupart des gouvernements leurs sont affidés après avoir été cooptés, et jouent devant les médias la vraisemblance pour l’opinion publique. Les intellectuels, entités scientifiques et structures de gouvernance dépendent des budgets décidés et contrôlés par cette collectivité d’en-haut. Cependant il est nécessaire d’entretenir l’illusion, aussi effectivement on laisse la bride sur le cou aux milliers d’initiatives et d’expérimentations concrétisées de type humaniste, participatif, écologique, ou autres tant qu’ils ne représentant pas un danger pour la rentabilité financière globale de l’exploitation des énergies humaines sur les énergies de la planète. Dés que l’une ou l’autre devient quand même trop gènant, il lui arrive quelque chose ; déjà Richelieu avait fait éliminer les trop trublions de la construction du pouvoir absolu, et bien d’autres gouvernants avant lui et depuis. Actuellement ce sont les lanceurs d’alerte qui se mettent en danger.

En effet aussi, des gouvernants qui devraient relever de la psychiatrie réactivent le risque nucléaire (et pas uniquement ceux auxquels on pense aujourd’hui immédiatement). Mais bien plus redoutable que le nucléaire est la surpopulation confrontée aux limitations des ressources de notre Terre, le prochain déficit en eau potable générateur de conflits, etc … Des René Dumont, visionnaire d’un autre genre, l’avaient annoncé. Des Edgar Morin reformulent aujourd’hui.

Alors il sera incontournable de protéger les survivants dans des zones, et Soylent Grenn rejoint Aldous et Truong.

Ce qui laisse un espoir ?, … le complexe, la réalité des réalités de la complexité de la Nature, dont notre monde n’est qu’un étroitement intriqué aux autres mondes , … un peu à l’image des “cordes” d’un Hawking. Ainsi que la réalité de l’Énergie, totalité du vibratoire, … le bloc d’énergie dans Hypérion n’en étant qu’une illustration, ainsi que le bloc dans “2001 L’Odyssée de l’Espace” d’ailleurs. L’Histoire nous a démontré que la science-fiction est (presque) toujours rattrapée par nos gesticulations d’humains sapiens sapiens et autres.

Nous venons de passer des seuils qualitatifs significatifs. Nous y sommes.

Publié dans FB, forum AltEco, i altres

Hommage à Stephan Hawking

Michel André Vallée·Vendredi 30 novembre 2018

Il nous a quitté au printemps, à 76 ans, après une vie plus que pleine, nous ayant laissé (à nous humains de cette planète) des avancées majeures dans la compréhension de cet univers (parmi les autres univers auxquels il est intriqué), du mini-micro au méta-macro, autant d’apports que de nouvelles questions, … malgré et donnant l’exemple d’avoir été de cette vie-ci capable de dépasser un handicap majeur auquel la plupart de nous auraient succombé. Staphen Hawking est un héros des XXème et début de ce XXIème siècles.

Son dernier ouvrage (de cette vie-ci) est sorti dans sa traduction française en octobre chez Odile Jacob. Je viens d’en terminer la lecture, … et ne peux m’empêcher de recommander à toutes et tous cette lecture ; il l’a d’ailleurs rédigé afin que le maximum d’entre-nous soyons informés des apports les plus instruits ici et maintenant aux grandes questions qui dépassent oh combien de loin les mini-atermoiements locaux et micro-temporaires où nous nous sommes tous laissés (moi compris of course) piéger.

Titre : « Brèves réponses aux grandes questions » 221 pages écrites gros, 19,90 €.

Quelques questions ? Dieu existe-t-il ? Y a-t-il de la vie intelligente ailleurs ? Peut-on prévoir l’avenir ? Peut-on voyager dans le temps ? Les terriens vont-il survivre ? Serons-nous dépassés par l’intelligence artificielle ? Que nous réserve l’avenir ? … et quelques autres du même tabac.

Bon, malgré l’effort de vulgarisation (ce concept n’a pas une once de péjoratif ni de réducteur, dans une optique d’éducation populaire), certains passages de physique quantique et/ou de cosmologie ne sont pas à portée de qui ne dispose pas de bases en physiques, mais il lui suffit de passer jusqu’aux questions et réflexions d’humanisme général à portée de quiconque sait lire et reste curieux.

Alors, que de la réalité, les réalités, en toutes dimensions (bien plus de dix actuellement repérées par les recherches en mathématiques), avec une large et belle ouverture et tolérance de pensée. Principe systématique de réalité totalement ouvert, sans pour autant de laisser aller sur la rigueur de pensée, … à notre moment critique de mutation de civilisation, déjà engagé sans aucun billet de retour (même en tenant compte du retour dans le passé sérieusement envisageable avec des espaces-temps suffisamment courbes) !

L’affirmation mathématiquement et physiquement démontrée de l’existence simultanée de plusieurs mondes, plusieurs univers, intriqués, dont ultra-subtils, …tels que j’avais osé les esquisser dans l’essai Multivert (2012-2013).

L’honnêteté intellectuelle et responsable de tenir compte de l’inéluctabilité de la mise en œuvre continue de toutes avancées scientifiques et technologiques ; c’est à dire que ce que certains milieux de notre époque considèrent comme non-éthique et/ou non-« démocratique » (concept relatif) et tentent de bloquer, interdire ou canaliser sera de toute façon développé ici ou là ailleurs sur cette planète en disposant des moyens financiers adéquats. En conséquence les humains ont meilleur compte à avancer ouvertement dans les développements et occuper les terrains potentiels de ces « avancées » ; ce que je traduis aussi au plan géopolitique par savoir jouer au Go et au-delà avec le maximum de clarté aux yeux du plus grand nombre. 

Soit incidemment, d’une part plus aucune pensée unique dominante considérée comme unique par les « grands » et soi-disant « académiques » qui exploitent (dorénavant de façon » décomplexée ») les petits, d’autre part pas d’avenir salvateur chez les mouvements gentils-bisounours-bonne conscience, qui font certes souvent des choses « bien » (qu’ils continuent) mais servent d’épatant faire-valoir aux tenants de l’actuel Deep power.

En fait, en pratiques comme en politiques, jouer tout autant le mouvement du bas que le mouvement du haut, simultanément.

Non, je ne me suis pas laissé aller, si le Grand Hawking nous apporte, c’est pour nous faciliter de continuer librement d’exercer la capacité de penser et d’agir aidée par les nouveaux moyens dont nous humains sommes devenus capables. Et les scénarios possibles sont effectivement multiples, à l’infini de l’espace. Incidemment, le « il n’y a pas d’autre issue » n’a à l’évidence aucune valeur.

Tirez-en ce qui vous viendra, bien entendu même très différent de ce qui est avancé ici, mais lisez ce dernier ouvrage de cette vie-ci de Stephen … ce sera bien évidemment la meilleure façon d’honorer son travail.

2018 semaine 48

Connaître le fond de la nature de tout intégrisme … vouloir et agir Juillet 2013

29 juillet 2013, 11:05

Dans« Les modèles archétypiques dans les contes de fées » (éditions La fontaine de pierre 1999) Marie-Louise von Frantz, qui a continué avec son génie propre l’œuvre de Carl Gustav Jung, écrit pages 111 et 112 :

« Nous observons encore et encore dans le cours de notre histoire et jusqu’à nos jours, que si un individu, un groupe ou même une nation entière sont remplies de la possession spirituelle primitive de quelque idéal idéologique, un rêve de paradis, par exemple, ils sentent de façon absolue et sans honte qu’il est juste de détruire les autres pour y parvenir. Ils sont déshumanisés. Si l’on essaie de discuter avec de telles personnes, elles vous répondent qu’il est juste de tuer tous ceux qui sont contre leur idéal et essaient d’empêcher sa réalisation. Elles perdent leur sentiment humain et leur conscience, leur relation à autrui. C’est un état de possession par un idéal, idéal qui n’est pas transcendant mais est placé à un niveau très concret et terrestre. »

« Ces gens sont, pour ainsi dire, dans l’Hadès. Ils ont été ensorcelés et sortis de la vie. Ils sont comme ceux qui sont possédés par un paradis idéal : ils sont morts en tant qu’être humains ».

Analyse puissante de toujours, et simultanément cruellement d’actualité. Mais que l’on ne s’y trompe pas, cette actualité ne concerne pas qu’un seul clan, un seul mouvement, une seule culture …, elle concerne, là depuis quelques années et en 2013, tous les intégrismes religieux, politiques et économiques. Tous pratiquent cet aveuglement meurtrier, aucun n’y échappe. Certains sont évidents à tous car quasi quotidiennement sous les feux des médias, et nous savons qu’il peut être prudent pour quelques temps de ne pas les nommer si l’on est en statut isolé. Mais ce type d’œillères permet de « comprendre » aussi par exemple les « jeux » du néolibéralisme mondialisé qui dans certaines « way of life » s’est toujours affiché avec cynisme et en Europe se permet depuis quelques temps de s’afficher « décomplexé ». En effet, pour ces gens là, ceux qui ne voient pas « les choses » et ne fonctionnent pas comme eux, « les humanistes, les penseurs, les partageux, … », ne sont pas de leur rêve de paradis et en conséquence sont à exploiter et tuer. « Exploiter » autrui, c’est une façon de« tuer » car cela consiste à traiter autrui sans respect de son identité propre, de sa dignité. Ceux qui pratiquent ouverture, tolérance, négociation authentique … sont des cons qui ne méritent pas mieux, des « politiquement immatures »…, … et après nous le déluge !

De cette compréhension qui relève de la psychologie des profondeurs même au niveau sociologique de collectifs et de nations, il s’en décline que« l’échange » éventuel, toute négociation, avec des intégristes, quels qu’ils soient, n’est possible qu’en mobilisant un rapport de force favorable. Ce qui n’interdit pas un objectif d’évolution, sachant qu’il demandera beaucoup d’énergie et de temps. Il est des cultures qui de part leurs essences permettent des intégrations avec un peu d’histoire, donc des développements enrichissants pour l’humanité. Mais il en existe d’autres dont la nature est telle que toute démarche d’intégration est illusoire ; s’obstiner à ne pas comprendre cette réalité « naturelle » et à « baisser pavillon » est de l’inconscience dangereuse. L’attitude intelligente pour vivre côte à côte dans une paix quotidienne implique en permanence un des principes de base du jeu de Go : investir un tiers de l’énergie en contention (ou défensif) et deux tiers en développement. Il ne faut pas avoir froid aux yeux ni se boucher les oreilles et ne rien dire, la co-construction 

créative n’est efficace que si elle passe par des phases successives de conflit et de coopération, … c’est humain.

En Catalogne, les Comités de défense de la République portent une vision émancipatrice de l’indépendance

PAR STÉPHANE FERNANDEZ 19 DÉCEMBRE 2017, dans BASTA

Le mouvement indépendantiste catalan se prépare aux élections régionales du 21 décembre, sous la menace d’interdiction des partis opposés au pouvoir central de Madrid. En son sein, les Comités de défense de la République se sont multipliés. Ces assemblées de quartier voient dans l’indépendance l’opportunité d’une transformation de l’ordre social et de remise à plat d’un régime en crise. Ces comités fédèrent aussi bien des militants de gauche, des libertaires que des citoyens qui ne sont pas forcément des inconditionnels de l’indépendance. Reportage.

A une demi-heure en métro du centre de Barcelone, se dressent les immeubles de L’Hospitalet de Llobregat. Soit la deuxième plus grande ville de Catalogne, avec 250 000 habitants, mais une banlieue de la ville-monde voisine. De tristes tours et de nombreux ensembles urbains ont poussé dans les années 60 et 70 autour des maisons de style « art moderne » du 19ème siècle, que la bourgeoisie barcelonaise venait occuper l’été. Ils ont permis d’absorber les migrations, d’abord venues des autres provinces d’Espagne pour travailler chez le constructeur automobile Seat, puis des latino-américains ou des africains.

Le taux de chômage officiel y tourne autour de 12%, dans la moyenne de la région. Entrecoupée d’autoroutes, de voies rapides et de voies ferrées, L’Hospitalet de Llobregat ne compte aujourd’hui que 50% environ de population autochtone, et près de 40% des habitants ne parlent pas le catalan. Lors du référendum d’auto-détermination sur l’indépendance de la Catalogne du 1er octobre dernier, c’est une des villes où le vote pour le non a été le plus élevé.

« Défendre la démocratie, les droits humains, les libertés civiques »

Pourtant, dès le mois de septembre, la ville a été emportée par la large mobilisation citoyenne qui a secoué toute la Catalogne et permis, in fine, la tenue du référendum. Des Comités de défense du référendum (CDR) y ont fleuri dans les différents quartiers. Depuis la victoire du « oui » puis la proclamation de la République le 27 octobre, ces collectifs se sont transformés en Comités de défense de la République. Aujourd’hui, 280 à 300 CDR irriguent le territoire (Voir leur implantation géographique sur cette carte) et laissent entrevoir dans l’indépendantisme catalan un mouvement bien plus profond et populaire que l’image classique d’un nationalisme rance et égoïste.

Ces mouvements de base auto-organisés, sans structure dirigeante, regroupent d’ailleurs bien au-delà des cercles indépendantistes. Victor, membre d’un des CDR de L’Hospitalet, en rappelle l’origine : « Les CDR sont nés pour défendre un référendum que l’État espagnol voulait empêcher à tout prix. Des gens qui ne sont pas indépendantistes ont défendu les bureaux de vote, ce qui montre bien qu’au fond, il est aussi question de défendre la démocratie, les droits humains et les libertés civiques. »

Héritiers des Indignados

Cette mobilisation a surpris les plus anciens activistes dont Iñaki Garcia, qui milite depuis plus de 30 ans dans les mouvements libertaires, toujours influents en Catalogne. Il est l’un des fondateurs d’El Lokal, boutique et espace ouvert autogéré où convergent les luttes et les résistances à la gentrification et aux mafias de toutes sortes, dans le quartier du Raval à Barcelone.« Les phénomènes aussi amples, personne ne les prévoit, résume Iñaki. Tu les désires, tu sais que quelque chose peut se passer mais quand ils arrivent, ils te surprennent. Le 1er octobre s’inscrit dans cette logique. Surtout par la magnitude que l’événement a pris : des milliers de personnes, de tous âges, de toutes classes sociales, mettant leur corps en avant pour protéger des urnes, pour défendre un droit élémentaire. C’était très impressionnant. »

Comme lors des épisodes du 15-M (souvent appelé mouvement des « indignés » ou indignados, en 2011) ou plus récemment en France, lors de Nuit debout, les gens ont l’impression de pouvoir agir à nouveau. Ils tissent des liens, débattent, se réapproprient la parole politique. Témoins de cette effervescence démocratique et populaire, les nombreuses journées, les assemblées, les multiples actions et mobilisations organisées un peu partout.

« Je veux d’autres façons de nous gouverner nous-mêmes »

Ainsi mi-novembre, les CDR de L’Hospitalet se sont réunis pour une journée de mise en commun des pratiques, pour commencer à penser collectivement leur rôle dans la Cité. Au programme, des ateliers de résistance passive, de relaxation, de sécurité informatique ou de création de pancartes pour les futures manifestations, et des tables rondes sur la question du féminisme ou des migrations… Des familles viennent avec leurs enfants, des anciens racontent les luttes des années 70, les indépendantistes de la première heure côtoient ceux qui veulent refaire le monde.

On échange sur la démocratie et sur l’indépendance. Sonia :« Moi, je ne me considère pas comme indépendantiste. Par contre, l’indépendance est une opportunité pour rompre avec le statu quo et tout repenser depuis zéro, autant les relations économiques que politiques. Quel type de démocratie nous voulons et comment la faire fonctionner ? On vote pour des partis politiques qui se chargeront de tout et auxquels nous déléguons toute la responsabilité. Non ! Moi, je veux prendre des responsabilités sur ma vie, je veux d’autres façons de nous gouverner nous-mêmes. »

Roman ne dit pas autre chose. Mal assuré en catalan, il s’exprime en castillan : « Un drapeau, ça ne me dit rien. Si j’avais la capacité de demander quelque chose, ce serait un État où la séparation de pouvoirs soit réelle. C’est la base de toute démocratie. Et surtout, un État sans monarchie et sans fascisme. S’il y a une République catalane avec une séparation des pouvoirs et sans aucun « Rajoy »[du nom du chef de gouvernement espagnol, le conservateur Mariano Rajoy, ndlr], ni Maison royale… je prends ! »A côté de lui, Jordi renchérit : « On me demande de quoi je veux être indépendant. Mais de tout ce que représente le régime de 78, de la corruption politique et économique, de l’autoritarisme, de l’impunité des tortionnaires qui ont gagné la guerre civile, de l’extrême droite ! »

Un indépendantisme de gauche et internationaliste ?

L’indépendantisme catalan cristallise un certain nombre de problèmes que l’État espagnol n’a jamais réglé. De la coexistence de plusieurs nationalités au sein d’un même pays à la transition démocratique de l’après-Franco, en passant par la corruption ou les luttes féministes, les CDR veulent s’emparer de tous les sujets. Sonia Farré, députée au Parlement espagnol, affiliée à Podemos et membre de la formation politique des « Comuns », rappelle les origines du conflit actuel : « A peu près au même moment que la crise de 2008, qui entraîne le mouvement des Indignés, en Catalogne un nouveau Statut d’autonomie est adopté par référendum, en lien avec Madrid. Or, quand ce statut passe devant les députés, il est amendé. Puis le Parti populaire le traîne devant le Tribunal constitutionnel qui finit de le vider de son sens. En ce qui concerne l’autonomie des provinces, il y a bien peu de respect des aspirations citoyennes. A partir de là naît un mouvement populaire assez large, qui réclame le droit de pouvoir décider des relations entretenues avec l’État. Une partie est nationaliste, mais pas seulement. Beaucoup de gens voient dans l’indépendance la possibilité de rompre avec le régime sorti de la Constitution de 1978. »

Cette aspiration à la rupture soude au-delà du seul bloc indépendantiste. Un bloc qui n’est pas monolithe, et dans lequel le nationalisme patriotique et égoïste est loin d’être majoritaire. Est-ce à dire qu’il existerait un indépendantisme de gauche ? Voire internationaliste ? C’est ce que revendique en tout cas Eduardo Caliz, membre du secrétariat national de la Candidature d’unité populaire (CUP), le parti de gauche radicale catalan :« Oui, nous sommes internationalistes. La reconnaissance d’une communauté ne repose pas sur la glorification d’une nation, mais dans la libre relation avec les autres communautés et les autres peuples du monde. L’indépendantisme ouvre de réelles possibilités de transformation sociale. »

Une gauche radicale très active

Aux dernières élections en Catalogne, la CUP s’est retrouvée dans une position centrale, puisque l’alliance de Junts per Si (regroupant le Parti démocrate catalan et l’Esquerra Republicana Catalana – Gauche républicaine catalane) n’a pas réussi à obtenir la majorité absolue. La CUP milite depuis longtemps pour l’indépendance, la sortie de l’Union européenne et la rupture avec les politiques économiques néolibérales. Ses militants et dirigeants viennent souvent des milieux populaires ou libertaires, dans lesquels tout se débat et tout se vote en assemblée.

Depuis le milieu des années 2000, ce sont souvent eux qui sont à l’origine des centaines de consultations organisées au niveau local, demandant l’organisation d’un référendum. Et avec ses dix députés, la CUP a porté ces revendications au Parlement catalan. Elle a négocié son soutien à Junts Per Si autour de plusieurs points clés, notamment le départ d’Artur Mas, l’ancien président de la Généralité plombé par des affaires de corruption, une date butoir pour l’organisation d’un référendum et un agenda social et législatif marqué par des réformes progressistes.

« Rupture avec les États autoritaires et centralistes »

Pour Mireïa Boya, député de la CUP au parlement catalan et candidate aux élections du 21 décembre, « les politiques centralistes se font toujours au détriment des classes populaires. La crise en Espagne a affecté essentiellement les travailleurs. Les grands pouvoirs économiques et financiers en portent la responsabilité. Ils se cachent derrière le pouvoir politique. C’est le cas en Espagne mais ça l’est aussi en France. En ce sens, je suis étonnée que les mouvements de gauche les plus réformateurs de France ne comprennent pas que la liberté en termes de souveraineté sociale, économique, écologique passe aussi par une rupture avec ces États autoritaires et centralistes. »

Pour Victor, membre d’un des CDR de L’Hospitalet, l’indépendantisme est « une autre manière de vivre cette maxime issue de l’altermondialisme : agir local, penser global ». Et de préciser lui aussi : « On ne vit pas l’indépendantisme comme un nationalisme. C’est un outil pour construire des souverainetés, de la souveraineté alimentaire à la souveraineté énergétique en passant par le logement. Depuis longtemps, on a été dépossédés de notre capacité à prendre des décisions sur de très nombreux aspects de nos vies : l’éducation, la santé, l’alimentation… C’est un outil pour rompre toutes ces chaînes. »

« L’indépendance pour transformer la réalité, pas pour changer le drapeau du balcon »

Jesus Rodriguez, journaliste à La Directa, porte le même regard sur le mouvement et son ancrage à gauche : il s’agit de « faire l’indépendance pour transformer la réalité, pas pour changer le drapeau du balcon de la Généralité ». Pour cette sensibilité politique, les nombreuses lois progressistes adoptées ces dernières années par le Parlement catalan et déclarées inconstitutionnelles à Madrid seraient une marque de plus que l’Espagne n’est pas réformable. Au total ce sont plus de vingt lois, n’ayant a priori rien à voir avec l’indépendantisme, qui ont été ainsi retoquées. Parmi les plus emblématiques, la loi sur la précarité énergétique garantissant la fourniture d’énergie aux familles pauvres, la loi instaurant un impôt sur les logements vides, la loi pour une égalité effective homme-femme, la loi interdisant l’installation des grandes surfaces en dehors des grandes villes, la loi contre la fracturation hydraulique ou encore la réforme du code du commerce.

Jesus Rodriguez poursuit : « La bataille de l’Etat contre l’indépendantisme catalan prend beaucoup plus de virulence quand ils identifient le fait que le processus n’est pas de droite mais qu’il est traversé par toute une série de revendications pour une transformation de la société catalane. Une redistribution de la richesse et une amélioration des conditions de vie, qui affecteraient les intérêts de grandes corporations et oligarchies dans l’énergie, l’habitat, ou encore la banque. »

« Je ne crois ni à l’État espagnol, ni à l’État catalan »

Cette même analyse pousse une partie importante du mouvement libertaire à rejoindre l’indépendantisme. Joan Solana, alias Juanito Piquete, musicien, activiste, membre de la Coopérative intégrale catalane, n’est pas dupe pour autant : « Que la bourgeoisie essaye de manipuler ce qui se passe ou de le transformer en nationalisme, il en a toujours été ainsi et cela ne m’étonne pas. Le nationalisme est l’imposition d’une culture sur une autre. Je ne suis pas nationaliste, je ne suis pas patriote. Je défends mon droit à décider. Je ne crois ni à l’État espagnol, ni à l’État catalan. Simplement, un ennemi plus petit, l’État catalan, pourrait ouvrir la possibilité de voir émerger des processus autogestionnaires, d’autonomie, de gestion directe de nos vies bien plus proches de ce que nous voulons et désirons. »

Jusqu’à très récemment, Joni D., musicien, auteur, manager et responsable d’une maison de disques, ne voyait dans la question de l’indépendance qu’un écran de fumée du parti de la droite catalane, Convergencia i Unio (CiU) pour masquer sa corruption et se maintenir au pouvoir coûte que coûte. Il a changé d’opinion récemment « en constatant que ce sont les citoyens eux-mêmes qui ont forcé les politiques à aller de l’avant, que ce soit pour adopter des lois progressistes ou pour le processus d’indépendance ». Et de poursuivre : « Le mouvement libertaire n’a rien à perdre dans cette affaire. Au contraire, cela ouvre des opportunités. Donc oui, je préfère la République catalane, non pas que la République soit mon objectif mais parce qu’elle me permet d’en finir avec la monarchie. »

La crise d’un régime « à bout de souffle »

Pour s’opposer aux aspirations catalanes, Madrid s’est arc-bouté sur la légalité constitutionnelle, érigée en horizon juridique indépassable. Or, c’est aussi cette Constitution, le « régime de 1978 » issu de la fin du franquisme, que combattent aujourd’hui de plus en plus de personnes. « Ce qui se produit en Catalogne est un symptôme révélant la crise de ce régime, analyse Iñaki Garcia. Il est à bout de souffle. Et cela affectera aussi les autres régions. »Un constat partagé par Sonia Farré : « Dans le reste du pays, il y a aussi une demande de transformation et d’adaptation du régime. La majorité des gens vivant aujourd’hui en Espagne n’a pas voté pour cette Constitution et ne peut même pas donner son avis. »

En Espagne, la « transition démocratique », de la mort de Franco jusqu’à l’arrivée du Parti socialiste au pouvoir en 1982, est pratiquement sanctifiée. Or, comme le rappelle Eduardo Caliz, « la Constitution de 1978 a été rédigée sous la menace constante de l’armée espagnole et dans la peur d’un coup d’État ». Franco avait nommé lui-même son successeur, et réinstauré de fait la Monarchie avant même sa mort afin de laisser le pays « atado y bien atado »(ficelé et bien ficelé) selon la formule employée lors de son discours de Noël 1969. La transition a aussi permis aux élites franquistes de se maintenir longtemps au pouvoir. Quant à la loi d’amnistie adoptée avant la Constitution en 1977, elle a empêché tout jugement des crimes de la dictature. Pour beaucoup, le PP et le PSOE qui se sont partagés depuis le pouvoir, n’ont fait que prolonger les contradictions issues de la période de la transition.

Les élections sous menace de répression

Quel avenir désormais pour le mouvement indépendantiste et le vent de réformes qu’il veut promettre ? Comment continuer à avancer malgré la mise sous tutelle de la région à travers l’article 155 de la Constitution ? Pour l’instant, les élections du 21 décembre prochain semblent vouloir donner à nouveau une majorité aux partis indépendantistes. Des menaces d’interdiction de certains partis, notamment la CUP, sont de plus en plus présentes. Mireïa Boya veut rester sereine : « S’ils le font, ce sera un signe de plus de ce qu’est réellement l’État espagnol, un État autoritaire. Je ne sais pas si les élections du 21 décembre, avec toutes ces menaces, bénéficieront de garanties démocratiques. Mais que devons-nous faire ? Rester à la maison et abandonner la lutte ? Ce n’est pas notre culture politique ! Pour ma part, que je sois élue au Parlement ou non, mon objectif sera le même : défendre la République. »

Les militants, ceux des CDR ou d’autres organisations, voient la répression se rapprocher avec inquiétude. Pour autant l’espoir ne les quitte pas comme l’explique Victor : « Toutes les espérances sont permises. De nombreuses personnes se mettent à penser activement, à agir collectivement. C’est merveilleux. Et aujourd’hui, nous ne demandons plus l’indépendance. Nous nous interrogeons déjà sur ce que sera cette République. Rien n’est écrit. Rien n’est décidé. Des débats peuvent être ouverts dans tous les domaines. Il faut profiter de ce moment. »

Stéphane Fernandez