29 juillet 2013, 11:05
Dans« Les modèles archétypiques dans les contes de fées » (éditions La fontaine de pierre 1999) Marie-Louise von Frantz, qui a continué avec son génie propre l’œuvre de Carl Gustav Jung, écrit pages 111 et 112 :
« Nous observons encore et encore dans le cours de notre histoire et jusqu’à nos jours, que si un individu, un groupe ou même une nation entière sont remplies de la possession spirituelle primitive de quelque idéal idéologique, un rêve de paradis, par exemple, ils sentent de façon absolue et sans honte qu’il est juste de détruire les autres pour y parvenir. Ils sont déshumanisés. Si l’on essaie de discuter avec de telles personnes, elles vous répondent qu’il est juste de tuer tous ceux qui sont contre leur idéal et essaient d’empêcher sa réalisation. Elles perdent leur sentiment humain et leur conscience, leur relation à autrui. C’est un état de possession par un idéal, idéal qui n’est pas transcendant mais est placé à un niveau très concret et terrestre. »
« Ces gens sont, pour ainsi dire, dans l’Hadès. Ils ont été ensorcelés et sortis de la vie. Ils sont comme ceux qui sont possédés par un paradis idéal : ils sont morts en tant qu’être humains ».
Analyse puissante de toujours, et simultanément cruellement d’actualité. Mais que l’on ne s’y trompe pas, cette actualité ne concerne pas qu’un seul clan, un seul mouvement, une seule culture …, elle concerne, là depuis quelques années et en 2013, tous les intégrismes religieux, politiques et économiques. Tous pratiquent cet aveuglement meurtrier, aucun n’y échappe. Certains sont évidents à tous car quasi quotidiennement sous les feux des médias, et nous savons qu’il peut être prudent pour quelques temps de ne pas les nommer si l’on est en statut isolé. Mais ce type d’œillères permet de « comprendre » aussi par exemple les « jeux » du néolibéralisme mondialisé qui dans certaines « way of life » s’est toujours affiché avec cynisme et en Europe se permet depuis quelques temps de s’afficher « décomplexé ». En effet, pour ces gens là, ceux qui ne voient pas « les choses » et ne fonctionnent pas comme eux, « les humanistes, les penseurs, les partageux, … », ne sont pas de leur rêve de paradis et en conséquence sont à exploiter et tuer. « Exploiter » autrui, c’est une façon de« tuer » car cela consiste à traiter autrui sans respect de son identité propre, de sa dignité. Ceux qui pratiquent ouverture, tolérance, négociation authentique … sont des cons qui ne méritent pas mieux, des « politiquement immatures »…, … et après nous le déluge !
De cette compréhension qui relève de la psychologie des profondeurs même au niveau sociologique de collectifs et de nations, il s’en décline que« l’échange » éventuel, toute négociation, avec des intégristes, quels qu’ils soient, n’est possible qu’en mobilisant un rapport de force favorable. Ce qui n’interdit pas un objectif d’évolution, sachant qu’il demandera beaucoup d’énergie et de temps. Il est des cultures qui de part leurs essences permettent des intégrations avec un peu d’histoire, donc des développements enrichissants pour l’humanité. Mais il en existe d’autres dont la nature est telle que toute démarche d’intégration est illusoire ; s’obstiner à ne pas comprendre cette réalité « naturelle » et à « baisser pavillon » est de l’inconscience dangereuse. L’attitude intelligente pour vivre côte à côte dans une paix quotidienne implique en permanence un des principes de base du jeu de Go : investir un tiers de l’énergie en contention (ou défensif) et deux tiers en développement. Il ne faut pas avoir froid aux yeux ni se boucher les oreilles et ne rien dire, la co-construction
créative n’est efficace que si elle passe par des phases successives de conflit et de coopération, … c’est humain.