CONTRE LA DÉGRADATION

Le mercredi 8 avril dernier, j’ai adressé à 17 personnes parmi mes contacts, soit une diffusion nettement plus restreinte que d’habitude, « réservée » à celles et ceux à mes yeux en capacité de recevoir un texte délicat, sensible, mais susceptibles pour l’une ou l’autre raison d’être intéressés, un article de la revue Causeur intitulé Les sous-doués passent l’agreg La chute libre. Sachant l’article nettement controversable, je ne l’ai publié ni sur le blog ni sur le mur Facebook.

En accompagnement de ce partage, le commentaire : Bien évidemment, plusieurs traits se discutent, probablement pas les mêmes de l’un(e) à l’autre d’entre nous, … et Causeur n’est pas Politis, … mais le fond me semble à la fois cause et conséquence, selon une boucle dangereuse, de l’une des facettes de la dégradation en cours dans trop de domaines. Bien évident que tant Causeur que Politis, qui occupent des places contrastées sur la palette politique, font partie de la vingtaine de supports (que je considère pertinents chacun dans son statut) où je suis abonné soit papier soit internet pour me tenir au courant. Malgré certains propos effectivement outrés, j’ai apprécié le pointage net et clair d’un phénomène de société trop rarement montré et trop souvent contourné, à mes yeux à tord.

Un(e) de mes ami(e)s a réagit dés hier 9 avril avec le commentaire suivant (un extrait):  

Réduire les universitaires à l’avachissement de leur tenue, de leur idéologie, de leur choix pédagogique, de leurs choix disciplinaires avec cet élitisme sous jacent qui fait de la sociologie ( porte ouverte aux enfants des classes populaires, souvent) le symbole du déclassement social…à vomir ce type qui vit hors sol et hors corps….Identifier les universitaires ainsi c’est d’un rare mépris …tea shirt, converses trouées, corps avachis, jambes allongées ou écartées, gouaille de poissarde, vocabulaire inadapté, prononciation négligée…en plus même pas sensible à  la poésie qui se cache dans la rhétorique de certains grands auteurs comme Rolland Barthes et j’en passe. Tout à l’ego.

J’ai remercié cet ami(e), sincèrement pour sa propre sincérité et sa réactivité qui ouvre à débat, avec quelques mots : La réserve joue en l’occurrence dans les deux sens. En effet l’éducation n’a aucun intérêt ni actuel ni à terme à dénier la dégradation du niveau général. 

Comme me l’avais commenté il y a des années un dirigeant communiste du CCE de l’AFPA de l’époque : « nous nous sommes donnés des verges pour nous faire battre ». 

Le salut n’est pas « vers le bas de la moyenne pour tous, mais « vers le haut » pour toutes et tous. Dans ma carrière, mon plus estimé « client » n’avait que le CEP, mais il dirigeait en humaniste avec une culture générale diversifiée quatre usines.

Il y a en effet débat à mes yeux utile, pour chacun(e) et pour toutes-tous.

L’auteur est évidemment en colère, et jette un cri, et il ne pointe qu’une partie des étudiants et enseignants universitaires. Son constat en effet se vérifie de plus en plus au fil des années, tant dans le niveau que la tenue, mais le problème de fond, sociétal celui-là, est dans la reconnaissance par notre système actuel de la dégradation du niveau. Plusieurs études en plusieurs disciplines en attestent depuis des années. Tant dans l’enseignement supérieur que professionnel, les accueillants des entreprises et institutions s’arrachent depuis longtemps les cheveux en constatant les trous béants de culture et de capacités à s’intégrer de plus en plus de jeunes gens qui arrivent.

C’est là évidemment un des facteurs (parmi d’autres que je pointe moi aussi régulièrement) du fait que notre Pays n’est depuis longtemps plus le 5ème mais entre 15ème et 40ème selon les thèmes. Nous ne nous distinguons plus que pour les sous-marins nucléaires d’attaque, les avions de ligne, l’agro-alimentaire et le tourisme, … quand à la recherche, trop de « bons » ne tiennent que par miracle quand bien de leurs camarades partent à l’étranger. L’important n’est pas que nous soyons 1er ou 5ème ou 20ème, mais que l’effort de chacun(e) et tous contribue à hauteur de ce qui a été investi aux avancées de l’humanité.

J’ai connu plusieurs correcteurs au bac pour savoir leur écœurement depuis des années de se voir imposer par l’inspection des modifications des notes, … pour tenir les statistiques de résultats, … fausses donc ! Comme dans les statistiques de la police ! Le corps enseignant se tire effectivement une balle dans le pied en laissant aller la dégradation et en la déniant régulièrement. Rappel :  « nous nous sommes donnés des verges pour nous faire battre ». 

En matière de sociologie, je n’ai pas remarqué qu’un Bourdieu ai encouragé au laisser-aller, mais au contraire je l’ai vu encourager les jeunes issus de milieux défavorisés à investir un sur-effort pour compenser les barrages qu’ils rencontrent : principe de réalité. Si ensuite, ces derniers elles et eux se laissent aller, il ne faut pas venir pleurer. J’ai vu aussi, pour avoir collaboré plus de dix ans avec lui, un Renaud Sainsaulieu assurer sans relâche la promotion égalitaire de tous les jeunes vers les connaissances, tant en regard de l’écosystème qu’en sociologie des organisations, de la Maison des Sciences de l’Homme à Sciences-Po Paris. Toujours un encouragement tolérant à assurer l’effort, … et simultanément une tenue qui entraîne la reconnaissance. Même constat chez un Eugène Enriquez, très attentif et exigeant, toujours dans une tolérance humaniste, à la qualité des productions et publications.

Il est juste qu’il existe un lien entre les tenues « avachies », et une attitude devant la vie au jour le jour de présence et d’effort pour valoriser dans l’étude les potentiels que la nature, inégalitaire par essence, nous a donné (tant en inné qu’en acquis). Ce n’est pas compatible, tant en psychologie qu’en sociologie ou même en philosophie. Dans les sciences dures, le problème se pose plus rarement. En management, of course no, va de soi.

De mon goût, la mode des jeans découpés et déchirés fait qu’une jeune femme n’est plus en rien sexy. Sans aller jusqu’à une Catherine Millet, voire même une Catherine Deneuve, jamais vous n’auriez vu une Jeanne Moreau ou une Barbara s’accoutrer ainsi. Une jeune femme n’a pas à être toujours sexy ? Certes, mais ne tombons pas dans une société où le désir ne circule plus, « en tout bien tout honneur » et dans le respect des sentiments de chacun(e) librement exprimables.

Quand j’étais étudiant, tous les matins à 7 H séance de judo, et reste de la journée en tenue sportive, la cravate pas obligatoire bien entendu, … mais propre.

Quand bien plus tard, j’ai été amené à assurer la médiation dans la grande grève des éboueurs de Limoges, tous avaient l’honneur de l’utilité de leur travail et assuraient une tenue en accord avec leur activité.

L’ego de ce bourgeois ! L’effort de toute une civilisation pour développer les classes moyennes fait que le statut de bourgeois « risque » de devenir majoritaire. En Chine, Xi Jinping, après Deng qui a tout fait pour, en savent aujourd’hui quelque chose, … et c’est là un des facteurs premiers qui va obliger ce système à s’adapter. Ils le savent. Quand à l’humilité juste de l’ego, elle est de se poser envers les autres selon ce que l’on est et apporte, certes ni plus mais aussi ni moins (pas de gaspillage). Venant d’un milieu des plus humbles, et m’étant hissé haut à force de travail, j’en ai 75 ans d’expérience.

Notre société a en de nombreuses matières besoin de se ressaisir. Ce trait « universitaire » en est une facette.

Michel André Vallée              10 Avril 2020

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