Les failles et crevasses s’élargissent de partout, en tous domaines.
Climat. La mise en œuvre des Accords de Paris sur le climat est notoirement insuffisante, sauf l’exception de petits États qui ne peuvent faire le poids ; mais au moins leur exemplarité existe. Le pire : constats multiples et validés, ces toutes récentes années, que les dégradations se sont accélérées plus vite que les plus pessimistes pronostics des scientifiques, et qu’il n’est dorénavant plus question de revenir en arrière, simplement freiner pour s’adapter vaille que vaille.
Cela, dorénavant, presque tout le monde le sait, sauf quelques vieilles barbes réactionnaires climato-sceptiques. Ce qui va entrainer de façon imminente le grand reset-effondrement, c’est la combinaison actuelle avec d’autres crevasses.
Monnaies. Les crypto-monnaies s’institutionnalisent, les Banques Centrales les intégrant dans leurs suivis et les grandes banques acquérant des réserves. Elles ne sont pas et seront difficilement fiscalisées. Avec les paradis fiscaux, disséminés sur la planète, elles permettent aux fortunes financières d’échapper aux contraintes des solidarités publiques. Avec l’inflation qui re-émerge, elles permettent d’échapper aux remboursements de la dette, donc vont plonger le plus grand nombre dans la misère.
Grandes multinationales. Avec les grands Funds, tant par la puissance d’investissement que par le lobbying, elles-ils pèsent dorénavant plus que les États, au moins dans la sphère Occident et dépendances. La façon dont le PDG de Danone (premier du CAC 40 dans ce cas à avoir engagé le Groupe dans une politique de RSE (Responsabilité Sociale et environnementale des Entreprises), vient d’être ce dernier mois débarqué, est parlante. Apparemment les actionnaires, en fait les grands Funds, maintiennent l’attitude d’avidité, si bien décrite par l’économiste Joseph E. Stiglitz : le seul profit d’abord. Pas de changement radical d’orientation, mais un redéploiement-récupération capitalistique en trompe-l’œil de la mode du Vert. Les tenants des principes de la mondialisation imposent et défendent bec et ongles le droit international des ISDS (mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États) qui permet à une entreprise d’attaquer un État devant un simulacre de tribunal international, en fait acquis à la mondialisation, d’où des pénalités faramineuses qui freinent la mise en place par les États de leurs politiques.
États dominants. Avec l’arrivée de l’administration Biden aux USA, tous reprennent leurs marques géopolitiques. Le jeu de ping-pong violent entre Biden et Poutine et celui sur Hong-Kong avec la Chine en semaine 11 marque clairement la réactivation de la guerre bipolaire de fait. Bipolaire puisque la Chine et la Russie sont alliés. C’est toujours America first ayant l’outrecuidance de dominer le monde, envers et contre toute évidence du renouvellement multipolaire des contextes. Versus Chine, que son dirigeant reste Xi Jinping ou qu’un autre (pour « une » il faut attendre encore un peu) prenne les manettes selon une nouvelle orientation, elle ira au bout de son affirmation de fait comme première puissance Empire du Milieu. La Chine a su jouer avec ses talents millénaires de la mondialisation des occidentaux.
Europe ? Toujours le premier marché mondial, mais quasiment aucune influence, du fait de se refuser à être une Fédération de Régions, État unique se posant (soit s’imposant) d’une seule voix selon ses intérêts propres. Versus culturel, l’Europe n’est plus dominante phare de civilisation. Ce continent, qui devrait aller de l’Atlantique à l’Oural, est notoirement dispersé. Il le sera d’autant plus qu’entre 2021 et 2022 les deux « dirigeants » du tandem France-Allemagne, Merkel et Macron, devraient selon toute vraisemblance changer.
Dans cet ensemble la France, à son petit niveau passé du 5ème au 15ème à 40ème rang mondial selon les critères, n’a plus guère pour se distinguer que ses sous-marins nucléaires d’attaque, … puisqu’elle est en train de perdre le tourisme (pandémie), l’agro-alimentaire (replis généraux de la mondialisation et éparpillement local des paysans), et l’aéronautique (plusieurs causes dont la conjugaison de la pandémie avec les avancées en technologies de communication). Si l’armée « retournait les crosses » (ce qui est loin d’être impossible), quel côté choisirait-elle dans ce monde de fait multipolaire ?
Plusieurs terrains propices à un nouveau conflit mondial. Les guerres, pendant que l’Europe dormait (même lors de la guerre de la Yougoslavie en son sein) n’ont cessées et continuent. Une déflagration mondiale pourrait partir de la Syrie et de la Libye, de la Turquie, de Taïwan, du Brésil (ingérence en réaction aux déforestations), d’Afrique noire (contrastes violents entre exploitations des ressources et conditions de vie) …
Ce sont trop de crevasses qui s’ouvrent simultanément, là actuellement, ces années-ci. Elles ne peuvent qu’entrer en combinaisons dynamiques selon des effets dominos sur plusieurs dimensions. Une majorité de faiseurs d’opinion s’accordent sur la pluralité et l’importance des incertitudes. La nature ne laisse jamais longtemps de vide.
La pandémie Covid-19 Sars, qui perdure et se développe par les variants, constitue là, en 2021, la « goutte » de trop. « Goutte » car les statistiques correctes témoignent d’un phénomène autrement plus bénin que les anciennes pestes et la grippe espagnole, « 2021 » car les sociétés touchées ont estimées pouvoir s’en sortir en 2020 mais il n’en est rien, « de trop » car les choix stratégiques de plusieurs gouvernements (dont celui de la France), qui jouent sur la peur de populations qui n’ont pas expérimentées directement la guerre ou des catastrophes équivalentes, … mènent à une réelle pandémie pour le coup effectivement vaste et dure.
Aveuglés par le lobbying des grands groupes pharmaceutiques et par une partie réactionnaire du corps médical (pour de multiples raisons selon les individus), la plupart des gouvernements entérinent le déni des mécanismes de défense des virus aux réactions biologiques immunitaires ; d’une part les vaccinations massives sans prendre le temps des immunisations collectives ne peut qu’entrainer la multiplication de variantes de virus plus dangereux, d’autre part la méthode par ARNm sans mise en évidence validée des effets secondaires ne peut que généraliser des mutations génétiques irréversibles. Il est vrai que ces gouvernements ne sont pas aidés par un manque de maturité navrant d’une partie des populations, … mais n’est-ce pas le résultat de cette société où l’individualisation systématique (une des plus « efficace » victoire du néo-libéralisme) a été conjuguée à la consommation futile de masse et au délitement des systèmes éducatifs orphelins de repères ?
Partant risque élevé de réduction massive et brutale de population (n’oublions pas que la surpopulation est le premier problème de l’ONU), qui justifiera la mise de côté de toutes institutions et pratiques démocratiques. Toutes manifestations de masse sur d’autres objets se trouvent occultées du fait même. Cependant plusieurs États ont pris la « précaution » de s’équiper pour casser d’éventuels mouvements populaires (ils ont été prévenus à Davos)..
L’organisation de systèmes centralisés et concentrationnaires soi-disant de protection mais en fait de contrôle absolu induit quasi-logiquement Le Successeur de pierre (lire ce roman visionnaire de Jean-Michel Truong, cité plus bas).
Et, si ce n’est Le Successeur de pierre, ce sera Mad Max (re-écouter Edgar Morin).
Nous pouvons observer déjà des ébauches de l’un comme de l’autre.
Il ne faut pas compter sur les social-démocraties, qui ont fait leur temps, et se trouvent toutes dévorées de l’intérieur pour tourner vers des régimes autoritaires. Elles sont déchirées par la multiplication des « pensées uniques » en rejet de la complexité des connaissances, et la résurgence de théocraties (même cause) qui elles ne sont pas nouvelles, … tant l’islamisme radical que les évangélismes. Le système politique optimal (et en aucun cas « idéal ») reste à élaborer.
Une certitude, les visions et projet bisounours de type New Age n’y pourront mais. Même si des milliers de belles initiatives sont courageusement mise en œuvre sur tous les continents, elles ne feront pas le poids et seront balayées, … sauf quelques-unes qui joueront le rôle refuge de la vallée perdue pendant la guerre de 30 ans. Souhaitons à ces dernières qu’elles aboutissent au renouveau de l’humanité en sortie du Grand Ragnarok qui se prépare. J’ai choisi l’image des traditions du Nord (Nor pour les cinq Pays scandinaves) car je les connais un peu, mais plusieurs traditions sont similaires venant de plusieurs continents, … et n’oublions pas qu’Apocalypse veut dire « Révélation ».
Au point où nous en sommes, seule la démarche de négociation ultime (et très risquée) du « saut de l’ange » (réussie entre Israël et l’Égypte en son temps) pourrait atténuer le jeu, … mais entre qui et qui ?
Quelques pistes bibliographiques
BRANCO Jean – Crépuscule – Au diable vauvert Massot – 2019
DIAMOND Jared – Effondrement – Gallimard – 2006
FLEURY Cynthia – Ci-gît l’amer – Gallimard – 2020
KEMPF – Fin de l’Occident, naissance du monde – Seuil – 2013 – Tout est prêt pour que tout empire – Seuil – 2017
MORIN Edgar – La Voie Pour l’avenir de l’humanité – Fayard – 2011
STIEGLER Barbara – « Il faut s’adapter » – Gallimard – 2019
STIGLITZ Joseph E. – Peuple, Pouvoir & Profits – L.L.L. – 2019
TRUONG Jean-Michel – Le Successeur de pierre – Denoël – 1999
VALLÉE Michel – Passages vers l’Ère à Venir – blog « arcencielxcristal.com « – 2019
VARGAS Fred – L’humanité en péril – Flammarion – 2019
Revue YGGDRASIL effondrement et renouveau, qui, volontairement, ne publiera que 12 numéros ! (yggdrasil-mag.com)
Michel André Vallée 22 mars 2021