LA VIOLENCE AUTHENTIQUE CRUE

Mise en scène dans « les frères SISTERS », par Audiard, donné hier soir 7 mars sur ARTE. Pas de romantisme ni patriotique du drapeau US ni spaghetti à la Leone (ce n’est là en rien une critique des chouettes westerns spaghettis surtout tournés en Europe). Rien de bisounours non plus. Du cru direct réaliste.

Les deux frères Sisters sont devenus tueurs à gage, employés par un riche dirigeant capitaliste d’alors, avec sa milice privée, avide qui tient à empêcher ou s’approprier une nouvelle technologie dans la recherche de l’or en Californie. Ils se sont trouvés « obligés » de devenir cela, amenés à la violence par un père fou dégénéré puis de fil en aiguille le frère ainé a été bien obligé d’aider son frère cadet et ils ont appris à être d’excellents guerriers tireurs (comme il se doit à l’ouest du Pecos), employés comme tels. Un rêve de phalanstère, tué dans l’œuf comme quasi toutes les tentatives tant en Europe qu’aux Amériques (Nord et Sud) aux XIXème, début et mi du XXème siècles ; j’en ai bien connu directement plusieurs avec les échecs de l’autogestion (Tito n’a pas vécu assez longtemps).

Pas une seule parole inutile, et tous sauf les deux frères vont y passer ; ces deux ne masquent pas le conflit de leurs différences, mais une fois fait « le job » rentrent se reposer à la maison, même si le cadet y a perdu la main droite (qui lui permettait de « travailler »).

La misère humaine dans le fantasme de l’amour avec la prostituée.

La confrontation à la nature sauvage violente à sa manière quand on y est baigné (cf. un autre film « In the wild »), ce que toutes et tous n’ont pas eu la chance de connaître car alors on apprend.

Un bon documentaire de psychosociologie, qui a le parfum de l’authentique, appuyé par une musique parfaitement adaptée, pour expliquer la violence.

Du juste, du vrai, du beau ? Comme l’a dit un jour à mon épouse un vrai indien du Québec employé par le beau jardin botanique de Montréal : « nous n’avons pas du faire ce qu’il fallait pour « survivre », mais juste pour « vivre ».

De magnifiques paysages, bien entendu  …  

Michel André Vallée            8 mars 2021

Mise à plat d’une facette de la domination : l’inceste

Ce billet en appui de l’éditorial de Natacha Polony pour le N° 1243 de la revue Marianne, appuyé par sa participation au « duel » de samedi 9 matin sur France-Info. En fait non pas duel mais coopération avec Corine Pelluchon. Développant une actualisation en ce début des années 2020 des « Lumières », son thème de prédilection en ce début de carrière, qui semble bien remettre les pendules de nos paradigmes à l’heure si on l’accompagne du travail sur le ressentiment de Cynthia Fleury, les « Lumières » se sont concentrées là sur l’inceste.

Cela fait longtemps que cette « affaire » lourde aurait du être mise à jour, à plat, objectivée ; l’un des N° de la revue de psychanalyse jungienne des années 2000 a été consacré explicitement à cette pathologie sociale grave et terrible de l’inceste (je n’ai plus la force de la rechercher dans mes cartons mais chacun(e) le trouvera s’il le souhaite, riche de pertinence).

Ne reprenons pas ici l’analyse de qualité de Natacha (avec laquelle je ne suis pas en accord sur tout, par exemple en désaccord avec  l’argument » civique » de se faire vacciner avec les vaccins proposés aujourd’hui contre la forme COVID19 de ce SARS. Mais cet article a la qualité de mettre en exergue la dimension domination de cette pratique « banalisée » de l’inceste, venant d’ailleurs tout autant de femmes que d’hommes, sur les plus faibles, des enfants en moyenne vers 9 ans, des adolescents. Les » coupables » (car il s’agit de coupables) dont les effets sur les « victimes » portent toute la vie, présentent une dimension de statut charismatique, ou sont de type « narcissique », ou les deux.

Enfin le profil des pervers narcissiques et/ou charismatiques ressort ces toutes dernières années. Quand je dis « ressort » c’est bien entendu au niveau des « grands » médias, toujours de quelques décennies de retard avec les avancées scientifiques (surtout pour celles et ceux qui se refusent à travailler pour apprendre ce qui dérangerait leur confort et privilèges partant se remettre en question).

Les rapports les plus récents donnent de l’ordre de 10 % de la population, ce qui semble être considéré comme énorme. Mais enfin, si nous sortons du silence, faisons-le carrément. De part la clinique de plusieurs confrères dans les  disciplines concernées au fil de mon ex-vie professionnelle, la réalité serait plus proche du tiers de nos populations ! Un tiers d’une population, en sociologie cette fois, suffit à connoter sérieusement une culture, voire la dominer.

L’inceste est une des pires caractéristiques des « secrets de famille.  Famille sacralisée dans l’inconscient collectif par des siècles de domination des 3 Livres, sacralisée par les principes de la bourgeoisie de propriété individuelle du chef de famille (qui peut être une femme). Les lignées de femmes sont, là, aussi redoutables sinon plus que les lignées de géniteurs.

Comme Natacha le pointe si justement, l’inceste n’est pas seulement l’évidence du père qui ouvre la porte de la chambre pour « faire son affaire «  avec sa fille, où de la mère qui va rejoindre son fils, c’est aussi, à minima (mais profondément aliénant), l’intimité intime « sans faille aucune » de la mère avec la fille ou du père avec son fils. Dans tous les cas, que le « coupable » en soit conscient ou non (alors cadeau de l’amener à l’admettre), la « victime » en est polluée dans tout son relationnel toute sa vie, même sortie d’un travail correct sur soi (l’impact en sera atténué).

C’est DANS la famille : « m’enfin les attouchements d’un ancien du cercle envers un petit (une petite) qui n’y peut mais, … cela se fait, ce n’est rien ». C’EST DE L’INCESTE.

Quelle outrecuidance que de prétendre obtenir un « consentement » de l’enfant !

Enfin, depuis des siècles de sacralisation non-fondée des secrets de famille et des propriétés individuelles liées, constat que dans de plus en plus de zones  le silence est écarté (d’où déchirements et ruptures). Cette réalité des faits humains semble atteindre les paliers de la conscientisation collective « reçue ». Que de souffrances auparavant !

Les « schèmes » (chercher un peu dans wikipédia et surtout au-delà) sont cousins pour la pédophilie, les incendies volontaires de forêts, etc … et autres facettes évidentes ou masquées de la domination. MAIS l’inceste est bien plus courant, soit même « banal » (au sens de Hannah Arendt), que ces maladies sociales-là.

ACTION : Éducation, Judiciarisation, Accompagnements, Culture collective …

Michel André Vallée 9 janvier 2021

CONTRE LA DÉGRADATION

Le mercredi 8 avril dernier, j’ai adressé à 17 personnes parmi mes contacts, soit une diffusion nettement plus restreinte que d’habitude, « réservée » à celles et ceux à mes yeux en capacité de recevoir un texte délicat, sensible, mais susceptibles pour l’une ou l’autre raison d’être intéressés, un article de la revue Causeur intitulé Les sous-doués passent l’agreg La chute libre. Sachant l’article nettement controversable, je ne l’ai publié ni sur le blog ni sur le mur Facebook.

En accompagnement de ce partage, le commentaire : Bien évidemment, plusieurs traits se discutent, probablement pas les mêmes de l’un(e) à l’autre d’entre nous, … et Causeur n’est pas Politis, … mais le fond me semble à la fois cause et conséquence, selon une boucle dangereuse, de l’une des facettes de la dégradation en cours dans trop de domaines. Bien évident que tant Causeur que Politis, qui occupent des places contrastées sur la palette politique, font partie de la vingtaine de supports (que je considère pertinents chacun dans son statut) où je suis abonné soit papier soit internet pour me tenir au courant. Malgré certains propos effectivement outrés, j’ai apprécié le pointage net et clair d’un phénomène de société trop rarement montré et trop souvent contourné, à mes yeux à tord.

Un(e) de mes ami(e)s a réagit dés hier 9 avril avec le commentaire suivant (un extrait):  

Réduire les universitaires à l’avachissement de leur tenue, de leur idéologie, de leur choix pédagogique, de leurs choix disciplinaires avec cet élitisme sous jacent qui fait de la sociologie ( porte ouverte aux enfants des classes populaires, souvent) le symbole du déclassement social…à vomir ce type qui vit hors sol et hors corps….Identifier les universitaires ainsi c’est d’un rare mépris …tea shirt, converses trouées, corps avachis, jambes allongées ou écartées, gouaille de poissarde, vocabulaire inadapté, prononciation négligée…en plus même pas sensible à  la poésie qui se cache dans la rhétorique de certains grands auteurs comme Rolland Barthes et j’en passe. Tout à l’ego.

J’ai remercié cet ami(e), sincèrement pour sa propre sincérité et sa réactivité qui ouvre à débat, avec quelques mots : La réserve joue en l’occurrence dans les deux sens. En effet l’éducation n’a aucun intérêt ni actuel ni à terme à dénier la dégradation du niveau général. 

Comme me l’avais commenté il y a des années un dirigeant communiste du CCE de l’AFPA de l’époque : « nous nous sommes donnés des verges pour nous faire battre ». 

Le salut n’est pas « vers le bas de la moyenne pour tous, mais « vers le haut » pour toutes et tous. Dans ma carrière, mon plus estimé « client » n’avait que le CEP, mais il dirigeait en humaniste avec une culture générale diversifiée quatre usines.

Il y a en effet débat à mes yeux utile, pour chacun(e) et pour toutes-tous.

L’auteur est évidemment en colère, et jette un cri, et il ne pointe qu’une partie des étudiants et enseignants universitaires. Son constat en effet se vérifie de plus en plus au fil des années, tant dans le niveau que la tenue, mais le problème de fond, sociétal celui-là, est dans la reconnaissance par notre système actuel de la dégradation du niveau. Plusieurs études en plusieurs disciplines en attestent depuis des années. Tant dans l’enseignement supérieur que professionnel, les accueillants des entreprises et institutions s’arrachent depuis longtemps les cheveux en constatant les trous béants de culture et de capacités à s’intégrer de plus en plus de jeunes gens qui arrivent.

C’est là évidemment un des facteurs (parmi d’autres que je pointe moi aussi régulièrement) du fait que notre Pays n’est depuis longtemps plus le 5ème mais entre 15ème et 40ème selon les thèmes. Nous ne nous distinguons plus que pour les sous-marins nucléaires d’attaque, les avions de ligne, l’agro-alimentaire et le tourisme, … quand à la recherche, trop de « bons » ne tiennent que par miracle quand bien de leurs camarades partent à l’étranger. L’important n’est pas que nous soyons 1er ou 5ème ou 20ème, mais que l’effort de chacun(e) et tous contribue à hauteur de ce qui a été investi aux avancées de l’humanité.

J’ai connu plusieurs correcteurs au bac pour savoir leur écœurement depuis des années de se voir imposer par l’inspection des modifications des notes, … pour tenir les statistiques de résultats, … fausses donc ! Comme dans les statistiques de la police ! Le corps enseignant se tire effectivement une balle dans le pied en laissant aller la dégradation et en la déniant régulièrement. Rappel :  « nous nous sommes donnés des verges pour nous faire battre ». 

En matière de sociologie, je n’ai pas remarqué qu’un Bourdieu ai encouragé au laisser-aller, mais au contraire je l’ai vu encourager les jeunes issus de milieux défavorisés à investir un sur-effort pour compenser les barrages qu’ils rencontrent : principe de réalité. Si ensuite, ces derniers elles et eux se laissent aller, il ne faut pas venir pleurer. J’ai vu aussi, pour avoir collaboré plus de dix ans avec lui, un Renaud Sainsaulieu assurer sans relâche la promotion égalitaire de tous les jeunes vers les connaissances, tant en regard de l’écosystème qu’en sociologie des organisations, de la Maison des Sciences de l’Homme à Sciences-Po Paris. Toujours un encouragement tolérant à assurer l’effort, … et simultanément une tenue qui entraîne la reconnaissance. Même constat chez un Eugène Enriquez, très attentif et exigeant, toujours dans une tolérance humaniste, à la qualité des productions et publications.

Il est juste qu’il existe un lien entre les tenues « avachies », et une attitude devant la vie au jour le jour de présence et d’effort pour valoriser dans l’étude les potentiels que la nature, inégalitaire par essence, nous a donné (tant en inné qu’en acquis). Ce n’est pas compatible, tant en psychologie qu’en sociologie ou même en philosophie. Dans les sciences dures, le problème se pose plus rarement. En management, of course no, va de soi.

De mon goût, la mode des jeans découpés et déchirés fait qu’une jeune femme n’est plus en rien sexy. Sans aller jusqu’à une Catherine Millet, voire même une Catherine Deneuve, jamais vous n’auriez vu une Jeanne Moreau ou une Barbara s’accoutrer ainsi. Une jeune femme n’a pas à être toujours sexy ? Certes, mais ne tombons pas dans une société où le désir ne circule plus, « en tout bien tout honneur » et dans le respect des sentiments de chacun(e) librement exprimables.

Quand j’étais étudiant, tous les matins à 7 H séance de judo, et reste de la journée en tenue sportive, la cravate pas obligatoire bien entendu, … mais propre.

Quand bien plus tard, j’ai été amené à assurer la médiation dans la grande grève des éboueurs de Limoges, tous avaient l’honneur de l’utilité de leur travail et assuraient une tenue en accord avec leur activité.

L’ego de ce bourgeois ! L’effort de toute une civilisation pour développer les classes moyennes fait que le statut de bourgeois « risque » de devenir majoritaire. En Chine, Xi Jinping, après Deng qui a tout fait pour, en savent aujourd’hui quelque chose, … et c’est là un des facteurs premiers qui va obliger ce système à s’adapter. Ils le savent. Quand à l’humilité juste de l’ego, elle est de se poser envers les autres selon ce que l’on est et apporte, certes ni plus mais aussi ni moins (pas de gaspillage). Venant d’un milieu des plus humbles, et m’étant hissé haut à force de travail, j’en ai 75 ans d’expérience.

Notre société a en de nombreuses matières besoin de se ressaisir. Ce trait « universitaire » en est une facette.

Michel André Vallée              10 Avril 2020

VERTUS DE LA FRUSTRATION … apprentissage de la vie

La nature résiste souvent. La progression dans la nature sauvage est laborieuse, et dans la nature domestiquée peut-être épuisante, sauf contexte privilégié (exemple goûter de se balader dans une belle forêt de haute futaie). Le travail de la pierre est difficile, celui du bois aussi, etc, et même la projection de son art sur une matière qui résiste demande attention, effort soutenu, avec risques de casse, d’erreurs, voire de se blesser. Le diagnostic et les  soins d’un malade sont chose toujours délicate, à ne jamais assurer au pied levé, celui d’une situation de travail à ne jamais assurer au doigt mouillé, et peuvent réserver tant de surprises.

La vie, la vie de tous les jours comme des jours exceptionnels, n’est JAMAIS donnée à l’avance, garantie, totalement « sécurisée ».

Or notre corps et notre êtres sont corps et être de désirs, de souhaits, d’envies, … et le chemin de la facilité, du plaisir, de l’aisance, du non-effort, est celui que la majorité des humains attendent, veulent trouver ?

Il n’en a pas toujours été ainsi. C’est pour la première fois depuis il semble bien très très longtemps que les populations de l’Occident vivent la paix plus de 70 ans, soit plus de deux générations. Alors que tout autour guerres et privations n’ont cessées !

Mais dans la plus grande part de l’Europe occidentale, c’est apparemment fini (si on met un peu de côté la dictature franquiste malgré le tourisme de masse). Et nos grands-parents puis et/ou nos parents se sont précipités, dés les restrictions passées, de dire : « plus jamais cela ». Et ils ont payé le prix (y compris d’éthique quand ils ont joué aux trois singes) pour cela. Avec la relance boostée par la reconstruction, cela a donné « Les trente glorieuses », et les générations qui y sont nées n’ont rien connu des privations, des frustrations élémentaires, tant les parents ont assurés le culte de « l’enfant roi ». Avoir tout là tout de suite !?! Il ne faut surtout pas leur apprendre, avec la rigueur nécessaire selon les tempéraments (si divers), les règles utiles à apprendre leur autonomie, à ces pauvres petits !

Et là réside, sauf pour une minorité qui a entretenu le sens et si possible le goût de l’effort, une des erreurs de fond de notre société, le déni de la frustration. Sauf les opiums doux des psychologies du bien-être permanent, toutes les écoles de psychologie et sociologie de qualité scientifique ont depuis des siècles démontrés l’utilité pédagogique des expériences répétées au fil de l’éducation, ce dés le plus jeune âge, de la frustration. En compléments des expériences de frustration, bien entendu celles de la reconnaissance et de la récompense des efforts pour la dépasser,…Chaque âge en nécessite l’expérimentation, du doudou compensation de l’absence de la mère (ou du père) à l’abstinence sexuelle (dans le cadre de l’apprentissage de la formation des liens sexuels), à l’adaptation-négociation à l’autorité lors des entrées dans les responsabilités adultes.

C’est par ces expériences, qui devraient être apprentissages, que l’on apprend « les choses de la vie ».

Aussi pour beaucoup, malheureusement, « les Trente glorieuses » ont été, collectivement inconsciemment, « les trente piteuses ». C’était bien plus dur et difficile ailleurs …, bof, la médecine des trois singes fonctionne, … et n’y-a-t-il pas dans les revues et à la télé l’exemple de « l’american way of life », … quand même !

Avec des orientations dépravées des NTICs (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), les choses se sont aggravées, puisque l’éducation est devenue de plus en plus virtuelle, les « clouds » assurant l’accès « en un clic » aux connaissances, aux mémoires, sans les efforts pourtant indispensables à l’entretien permanent du cerveau . Soit plusieurs centaines par minute parmi le milliard de neurones et les deux milliards d’astrocytes qui les accompagnent. Au moins deux générations en dégradation pour une forte majorité des sujets.

Arrive la pandémie du coronavirus Covid-19, qui surprend tous les systèmes de notre civilisation, et mène, vaille que vaille, avec diverses stratégies (si on peut appeler certaines ainsi) plus ou moins adaptées, … au confinement de la moitié des populations de cette planète début avril 2020 !

Ce Covid-19 tue effectivement quelques milliers de personnes, dont acte, mais combien dans les autres conflits en cours liés au pétrole, à la drogue, aux religions, ….

Mais, il apporte à toutes et tous, sans distinction, la même expérience de la frustration, … indispensable et qui a manqué.

Aussi il appartient à toutes celles et ceux conscients de cette réalité, tant psychologique que logistique… et jusqu’à géopolitique, … d’être en appui vers toutes celles et ceux qui n’en sont pas encore conscients. Mais de l’assurer avec fermeté, « vers le haut », pour le bien généreux de chacun et de tous.

La nature, la réalité … résistent.

Michel André Vallée  1er avril 2020

UNE BOMBE … hier soir

C’était mercredi 15 janvier 2020 sur la 5 à partir de 20 H 50 avec l’émission « La Grande Librairie », cette fois EN DIRECT dans un local bien plus vaste que d’habitude, … puisqu’était invitée Vanessa Springora. Débat intense autour de son livre témoignage, « Le consentement ». Après un long temps consacré à bien comprendre (par les réponses claires et directes de Vanessa) plusieurs moments clés de ce qui s’était passé avec le prédateur Gabriel Matzneff, quand elle avait 13, puis 14, puis 15 ans, quand ce pédocriminel pervers narcissique en avait 50, le débat a été ouvert à un sociologue, une pédopsychiatre et un juge des affaires d’enfants et adolescents à la retraite. Bon choix dans les compétences invitées.

Pendant toute l’émission, que je ne peux que vous encourager à revoir en replay, car ce moment restera une BOMBE sociétale, pas moins, … le langage du corps de chacune et chacun a été on ne peut plus explicite. D’abord celui de Vanessa, qui reste droite, digne, sobre, quasi immobile tant elle est « présente » à ce qui se passe, même en étant sensible comme l’a traduit son visage ; signe que cette femme a intégré et dépassé les enseignements d’un long travail sur soi.

Celui du juge, qui perd ses moyens et essaye de détourner le sujet quand François Busnel, l’excellent animateur de cette émission, rappelle que le monstre sortait à l’occasion de sa poche une lettre d’appui de François Mitterrand,  et oui. À un moment, les politiques (de toutes tendances) ont été cités comme acteurs et complices de cet exorbitant privilèges d’une caste dégradée d’intellectuels … « entre soi ». « On en est », ou « on n’en est pas »; … le « mérite » pour tenir des responsabilités n’y a plus rien à voir. Le juge, qui comprends que cette émission est un des symboles vivants du passage entre un « avant » et un « après » dans notre société (voire presque « civilisation ») se ressaisi et devient radical jusqu’à la fin de l’émission, répétant la même chose : engager un acte sexuel avec un enfant ou adolescent mineur est un crime, point barre, et il ne convient plus de dire pédophile (mot complaisant qui tend à excuser par son aspect clinique) mais « pédocriminel ». Ce que j’approuve complètement, … à condition que les condamnations soient lourdes et mises en œuvre.

Celui de la pédopsychiatre, qui a techniquement correctement expliqué la nature violente et les souffrances des victimes, tant aux périodes des actes que longtemps (toujours des années ou dizaines d’années) ensuite dans la vie. En effet, ayant eu l’honneur de collaborer en son temps avec Marie-France Hirigoyen, nous ne connaissons pas de cas où la déformation de structuration de l’être ne coûte pas longtemps, … et le prétendu éventuel plaisir momentané des jeunes victimes n’est qu’un prétexte facile et écœurant de la part des praticiens de cette caste qui se considère « au-dessus » des autres. La pédopsychiatre traite un sujet si difficile qu’elle a eu quelques difficultés à expliciter la conceptualisation de cela, évitant de plus de pointer, pas assez nette et ferme, … le corps l’a montré ; elle a fait ce qu’elle a pu, difficile. Je suis quasiment sur qu’elle était gênée par le fait que Françoise Dolto est une des signataires de la fameuse lettre ouverte (voir Marianne N° 1191) dont on apprend là par Vanessa que ce Matzneff en était le rédacteur. Mais je sais par ailleurs que Dolto s’est laissée piéger, ce qui n’a pas été le cas des autres signataires … tels de Beauvoir et Sartre entre autres prétentieux.

Celui du sociologue, assurant dignement son métier voyant là validé après des années une thèse publiée en 2013 (si j’ai bien entendu) et toujours mal reconnue jusqu’à maintenant, tendu dans l’intensité d’expliquer correctement.

Langage du corps enfin de l’animateur, visiblement dans la tension du « direct », qui comme toujours avait très bien préparé, … mais n’a quand même pas pu résister d’essayer de faire dire à quel point les livres et les mots sont importants ; Vanessa l’a en peu de mots repositionné sur les rails : l’objet de l’émission. Mais il avait raison : les livres auront plus de chance de rester que les clouds internet (c’est un risque que je prends dans mes publications), et il importe pour les prises de conscience collectives de « mettre des mots sur les maux » !

Une BOMBE, car plusieurs tabous ont sauté d’un coup, et nous ne faisons qu’entendre le bruit de l’explosion avant d’en voir toutes les retombées. Sans prétendre être exhaustif :

  • L’orgueil dégénéré, d’une prétendue aristocratie qui se vautre dans les complaisances de proximité des oligarchies au pouvoir, est mis en lumière de façon flagrante.
  • Les réalités de ce que se permettent, derrière les murs de belles demeures, une partie des membres de cette caste, … ET la complaisance, la tolérance outrancière et l’impunité que ce système non seulement accorde mais garantie à ces individus.
  • La manipulation intellectuelle dont la société française a été victime. Mais l’histoire témoigne d’autres processus comparables partout ailleurs, simplement avec des variantes culturelles. Apparemment dans les années 70-80 mais en fait depuis bien plus longtemps sous d’autres formes et avec d’autres familles d’acteurs. Signe de la mutation dont nous savons qu’elle est en cours = BOMBE  car là saisie au grand jour.
  • La morale trop souvent marquée d’orientations culturo-religieuses, …alors qu’il convient de parler, promouvoir, et exiger l’éthique, … telle que nous la développent tant un Spinoza qu’un Edgar Morin, et quelques autres.
  • La mise en évidence des manipulations des personnes, femmes tout comme hommes, que nous savons qualifier dorénavant de « pervers narcissiques ». Elles-ils commencent toujours par une manœuvre de séduction sexualisée, … puis se mettent en place les mises en dépendance. En psychiatrie, cette pathologie est identifiée de longue date, mais là, il n’est plus possible à la société de dénier et passer à côté. Les tabous sautent. Remarque qui importe : cette pathologie n’enlève rien à la responsabilité pénale, lourde ; aussi, oui parlons quand il s’agit d’enfants de pédocriminels et non plus de pédophiles. Point barre et action en supprimant toute durée de prescription, et en ouvrant les procès de tous les coupables identifiés, TOUS.

Il y aurait encore tant à dire, … au replay, et divers ouvrages et articles qui en traitent.

Encore en 2019 !? Vies de mineurs dans les Appalaches

C’était hier soir (samedi 28 décembre 2019) sur ARTE entre les actualités et le film (documentaire consacré au Yellowstone). Cela se passe en Virginie Occidentale, un des États des States au milieu des Appalaches.

Les acteurs sont des familles de mineurs de charbon depuis des générations, y travaillant dans des conditions parmi les plus dures concevables souvent 10 heures par jour (primes) 6 jours de la semaine. Je n’ai connu de semblables que les mines d’enfants en Bolivie ! Le reste du temps consacré exclusivement à la famille et la chasse dans la forêt le dimanche. Presque tous meurent jeunes de la silicose ou encore plus jeunes d’un accident. L’accident peut arriver à tout moment car les conditions de travail rappellent celles décrites en Angleterre ou au Nord de la France (et ailleurs) au milieu du XIXème siècle, et en fait pires. En effet la mine est creusée avec entre le plancher et le plafond la hauteur tout juste suffisante pour progresser sur les genoux, courbé, ou pour le passage d’un wagonnet plat ou l’homme reste couché sur le dos ou le côté ; il ne se redressera qu’une fois le wagonnet sorti de l’entrée de la mine (qui n’est pas plus haute), à l’air libre. Les femmes y sont femmes de mineurs, rien d’autre, assurant la vie au quotidien du clan, dans l’angoisse permanente de l’annonce de l’accident, et impuissantes devant le constat des poumons de leurs hommes qui s’encrassent. Eux le sentent bien quand ils respirent, savent ce qui les attend. Pas de douche à la sortie, c’est aux frais du foyer de l’ouvrier, comme si souvent aux States où il est « normal » de tout payer. Pas le temps de lire un livre, de voyager, d’étudier, de s’investir dans quoi que ce soit. Les bourgs proches sont abandonnés et désertifiés. Les effectifs publics réduits à moins que le minimum ou inexistants.

Depuis des lustres, 80 % du territoire appartient aux Groupes miniers, qui exploitent de plus en plus à ciel ouvert pour réduire les coûts, donc rasent les collines et bien entendu laissent en état. Toutes les eaux sont sévèrement polluées pour des générations. Tout est bon, avec une violence brute sans nuances, pour accaparer les terrains permettant d’étendre les surfaces exploitées, donc pour chasser les habitants. Ceux qui résistent risquent tout, dont la mort bien entendu, et n’ont pas les capacités de payer un avocat. Rarissimes celles et ceux qui essaient, dont quelques indien(ne)s apalachees, pour l’honneur. Les propriétaires des Compagnies y sont « entre soi » avec les politiques depuis toujours ; en conséquence aucun dossier n’émerge.

Bien évidemment, l’actuel Président Trump est bien considéré, car « c’est un gars simple, qui parle comme nous,  qui est devenu milliardaire par son travail, qui pourrait entrer là dans la cahute serrer la main et manger un morceau, Merci Trump de n’avoir pas fermé … » ; alors que « Clinton et les autres sont des prétentieux de la haute ». Il est vrai que ledit Trump s’exprime « comme en bas de la colline », si on fait référence au film « Au nom de la rose », donc …

Je ne continue pas, visionnez en replay. Car cela se passe non dans certaines zones d’Afrique ou d’Indes ou d’Amérique du sud, mais pas loin de Washington, dans le pays de cette monstruosité, tant pour les « américains » que le reste de la planète, qu’est « l’american way of life ». Témoignage choc de ce que génère un système socioéconomique et culturel sans éducation « vers le haut », soigneusement maintenue « en bas du bas ». Elles-ils se demandent quand même : « comment après avoir donné au Pays tout le charbon qui a fait sa richesse restons nous si misérables ? ».

LE DÉNI

Hier soir dimanche 1er septembre (déjà !) ARTE a donné le film « Sous le sable », de François Ozon en 2000, avec Charlotte Rampling et Bruno Crémer. À nos yeux un chef d’œuvre quand à la qualité cinématographique et au jeu des acteurs (toutes et tous), pas un cheveu de travers, mais surtout car c’est la plus exacte démonstration que j’ai encore trouvé de ce qu’est le déni. Dénier est tout autre chose que simplement nier. Nier est une simple tactique, dénier est un mécanisme construit apparemment « sincère ».

Cette femme ne peut accepter que cet homme ai disparu, et ce à un « moment » où elle n’a pas été présente, comme d’habitude au fond. Elle s’introjecte (mécanisme de défense le plus répandu après la projection) qu’il n’a pas disparu, qu’il n’est pas mort, car elle dénie la réalité de son propre jeu dans ce couple, … jeu évidemment inconscient. Nous savons que nos inconscients nous « gouvernent » bien plus que nos conscients mentalisés.

En fait, elle exprime (inconsciemment) la banalité qu’en croyant l’aimer, c’est elle qu’elle aime. Cela se passe là dans une bourgeoisie à l’aise, mais dans la réalité sociale se trouve dans tous les milieux. Et cela est un réel quasi-universel, presque tout autant que la mort est une des seules certitudes pour les vivants, et que la vie de chacun est en soi solitaire (ce qui ne contredit en rien les phénomènes de couples, de collectifs, de masses).

Cela lui coûte déjà cher à plus d’un titre dans le film, et continuera plus tard en pire dans sa vie, tant qu’elle ne sortira pas de ce double déni : il n’est pas mort + je n’y suis pour rien.

Un chef d’œuvre de film, mais aussi de psychosociologie, et de psychiatrie « ordinaire ». Partant de pédagogie pour tous.

Remarque : le déni est une pathologie non seulement pour les individus –personnes, mais aussi pour les collectifs (nous sommes les meilleurs !), pour les gouvernements des États (le vrai peuple nous aime, en tout cas la majorité, … contre tous les retours qui attestent du contraire), …

Se connaître dans les réalités, une des tâches les plus difficiles, … encore plus dans un temps de crise-mutation comme actuellement.

Et pourtant, le drame a eu lieu sur la côte atlantique au large de Mimizan, lieu de baignade connu pour être dangereux malgré les apparences, et le corps sera retrouvé avec des objets attestant l’identité du porteur.

La dernière minute du film relève du génie : bien observer la trajectoire de la course. Une fine touche des délires du déni.

Mireille et Michel André Vallée  –  1er septembre 2019

Un lieu de travail décent

Les principes rassemblés ici paraîtront à beaucoup au mieux irréalisables et utopistes. Cependant la majorité en rêvent en secret, à tous les niveaux et dans tous les métiers, … et des dizaines d’ouvrages de management sont ramassés là. Le réalisme consistera à prendre chaque acteur individuel et collectif tel qu’il est là où il est, même dans les pires contextes, et d’avancer pas à pas, plus ou moins grands, vers un mieux, tant en santé qu’en performance. 

Un lieu de travail décent … 

  1. Est juste, équitable. Tous les travailleurs y sont traités de façon impartiale, et des règles équitables font loi. Les droits et devoirs de chacun sont reconnus.
  2. Assortit, harmonise, les capacités, les aptitudes de chacun et les exigences, prescriptions du travail  
  3. Fait l’éloge des succès au travail et assure des appuis dans les difficultés. Cela développe l’esprit collectif et la satisfaction au travail  
  4. Respecte les différentes sortes de talents, de savoir-faire, ainsi que les différences de force de travail
  5. Permet et facilite un retour d’information honnête tant des employeurs vers les employés que dans l’autre sens  
  6. Apporte, pourvoit aux moyens, possibilités, opportunités permettant de travailler dans de bonnes conditions et d’améliorer la performance  
  7. Règle, assume, dépasse les conflits : ne pas être immobilisés par des différents mineurs  
  8. Propose aux travailleurs des opportunités de se rencontrer et d’échanger leurs points de vue, réflexions, avec leurs collègues  
  9. Reconnaît les limites des personnes : accepter que quelqu’un n’est pas toujours au meilleur de lui-même  
  10. Est en sécurité (au sens de santé et sécurité)  

Fédération mondiale pour la santé mentale 

Association de Finlande pour la santé mentale 

Bien-être psychosocial au travail, en 2002

Conférence européenne sur la Promotion de la Santé au Travail

À Barcelone les 17 et 18 juin 2002, organisée conjointement par les Ministères Espagnols de la Santé et du Travail (Direction Conditions de travail à Barcelone), et par le Réseau Européen pour la Promotion de la Santé au Travail (ENWHP)

Atelier   « Bien-être psychosocial au travail »

Préparé par NCO France (Michel Vallée) et ENWHP Chairman (Karl Kuhn)

Introduction par Michel Vallée, en 2002 chargé de mission à l’ANACT, membre de l’Institut Psychanalyse & Management

Karl Kuhn est Directeur scientifique de l’OSH fédéral allemand.

 Selon un extrait du rapport du BIT de Octobre 2000,

  • un travailleur sur dix souffre de dépression, d’anxiété, de stress ou de surmenage,
  • les coûts directs et indirects s’évaluent en dizaines de milliards de dollars ou d’euros.

La maladie mentale présente plus que toute autre l’inconvénient majeur de porter le discrédit sur les personnes.

Et le premier message du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé de la Commission Européenne est qu’il n’y a pas de santé sans santé mentale. Celle-ci doit être considérée comme une partie indivisible de la santé publique.

L’enjeu général clé est, simultanément,

  • de réduire les causes ( et au delà « les causes des causes ») et conséquences des maladies des personnes et des entreprises, les maladies de leurs organisations et management,
  • de développer le bien-être psychosocial au travail.

Je vais introduire cet atelier par un regard général sur le champ et ses enjeux.

Survol sur le champ et les enjeux, 

Plusieurs statistiques récentes du BIT, de la Fondation de Dublin, et en France de la DARES, sont cohérentes entre elles pour mettre en évidence au niveau des entreprises une dégradation des conditions de travail en même temps que le développement des formes d’organisation du travail encourageant l’autonomie.

L’enjeu est devenu premier puisque 1/3 des personnes interrogées disent être affectées par une forme de stress, et 10 à 15 % des personnes actives se décrivent comme touchées par une forme de harcèlement, une des formes de violences au travail.

Sur 85% des maladies professionnelles, 33% concernent les TMS, 28% le stress et la dépression, et encore 23 % des souffrances psychologiques. Or nous savons que les TMS sont étroitement liés au stress.

Une partie du coût est supporté par les entreprises, une autre externalisée (sécurité sociale, sphère judiciaire …).

Le constat le plus commun est devenu celui du développement simultané de pathologies sur plusieurs champs, pour ne pas dire quasiment toujours. Les questions de stress sont très présentes dans les débats des partenaires sociaux dans plusieurs pays. Les salariés évoquent de plus en plus les souffrances et pathologies que l’on a l’habitude de mettre en lien avec le stress. Ils soulignent la « peur de ne pas y arriver », « l’angoisse devant l’impossibilité de faire vite et bien », de relations de travail « tendues », de « perte d’intérêt du travail ». Et on sait qu’il est devenu , récemment, plus facile de se reconnaître « stréssé » que « dépressif », dans le contexte général de tension actuel.

Le lieu de travail est de plus en plus insécurisé, les précarités sont croissantes, les taux de chômage relativement élevés (relativement en comparaison d’autres zones hors Europe), les rythmes de restructurations et de réorganisations très rapides, l’introduction des nouvelles technologies de même, les contraintes de délais tirées.

Alors que le lieu de travail devrait être un environnement adéquat d’éducation de prise de conscience de l’hygiène mentale et de prévention de la maladie mentale. Il s’agit de construire sa santé au travail. C’est là l’un des slogans central en France de l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail.

Les effets positifs de la baisse de la monotonie et le développement de l’autonomie et de la participation, que nous recherchons depuis les années 60, sont souvent annulés par le stress.

Toutes les entreprises et tous les pays n’en sont pas à mettre en œuvre, comme certaines :

  • des programmes qui aident les travailleurs à résoudre leurs problèmes professionnels, familiaux et existentiels (pertes de sens, de valeurs, de repères).
  • à rechercher à partir des diagnostics collectifs les changements nécessaires au sein de leurs organisations et de leurs pratiques en management.
  • à lutter contre le stress avec non seulement des techniques de relaxation, mais des démarches visant à développer la confiance en soi et la qualité des relations interpersonnelles.

Les préventions en matière de santé mentale sont en retard sur celles en matière de risques physiques, alors même que les préventions de type I, II, et III en matière de risque physique ne vont pas vraiment jusqu’à l’essence de la prévention, ç’est à dire assez en amont pour, sans aller jusqu’à « pas de risque », les réduire le plus possible, et pondérer le développement de cultures défensives de métier. 

En matière de santé mentale, un premier pas où de nombreux experts européens tombent d’accord semble encore être une autre représentation de la maladie mentale.

L’insuffisante conscience des troubles de type anxieux ou dépressifs, que ce soit chez le grand public, le monde politique, et les professionnels de santé, conduit à une minoration à la fois de la détection et des traitements. 

Or la santé mentale constitue l’un des principaux fondements de la cohésion sociale et du bien-être de nos sociétés ; et toute société évoluée sera « en santé mentale », lorsque les « cercles vicieux » de dégradation seront mutés en « cercles vertueux » de développement.

Les mutations en cours vont continuer encore quelques décennies, et nous entrons dans de nouveaux territoires, marqués par des « tendances lourdes » telles le vieillissement rapide des populations, qui vont continuer de bouleverser les rapports au travail. Il n’y a pas de référence dans le passé, alors qu’actuellement nous nous trouvons devant un risque sérieux d’accroissement de la population fragilisée.

Santé mentale, de quoi parle t’on ?

Le Comité de la Santé Mentale du Québec en 94 propose :

1 – maladies caractérisées par une détèrioration des capacités cognitives, affectives et relationnelles,

2 – problèmes découlant de conditions de vies difficiles ou d’évènements stressants ou de comportements perturbateurs (violences), problèmes psychosociaux ou d’adaptation sociale.

Pour la CE, les déterminants de la santé mentale sont constitués :

1 – des composantes et des expériences individuelles (émotions, identité, ressources personnelles …)

2 – des interactions sociales, dans tous types de contextes de vie

3 – des structures organisationnelles et sociétales, et des moyens des politiques concernées

4 – des valeurs culturelles, lesquelles changent en Europe actuellement.

Ces dernières semaines, en matière de stress, le modèle de Cari Cooper a été identifié comme modèle de travail commun de référence.

Les modèles de compréhension actuels sont souvent centrés sur la vulnérabilité, au travers des seuils de la souffrance, à la maladie, où quatre champs sont en fait intimement mélés :

  • biophysiologique
  • social
  • psychologique
  • culturel.

Dans le cadre d’une conférence en préparation pour début 2003, organisée par l’INSERM et la Fédération Française de Psychiatrie, une des orientations serait qu’actuellement le social a supplanté le biophysiologique, avec une ouverture au psychologique et au culturel (rapport en janvier 2002 du Bureau de la Santé Mentale à la DG de la Santé).

La maladie mentale réfère à l’absence de maladie. La santé mentale réfère à l’état complet de bien être physique, mental, psychique et social.

Il est devenu urgent de rattraper le retard de conscience, de prévention et de moyens :

1 – identifier et dépasser les formes pathogènes d’organisation et de management. En contraste avec les formes pathogènes peuvent se lire une partie des conditions de développement des personnes et des structures. Entre autres traits, ces formes sont toutes facilitatrices de l’expression des potentiels individuels démultipliées par les contextes d’engagement collectif.

2 – regarder de manière pliridisciplinaire et pluriculturelle en creux la question essentielle des états de dépendance, et en plein des conditions de l’interdépendance créatrice. 

Un phocus sur le développement rapide de la forme « extrème » des harcèlements (professionnels et/ou sexuel) témoigne d’un état critique, et ses sorties peuvent être un des modèles de dépassement des désordres psychosociaux.

3 – porter un regard, permanent, sur la façon dont la société de l’information, qui a englobée la société industrielle, a transformé le travail, et continue de la transformer :

  • abstraction,
  • interactivité,
  • abondance de données de plus en plus complexe,
  • gestion du temps de plus en plus complexe,
  • logique contractuelle qui remplace la logique de l’honneur,
  • qualité tendue,
  • travail de réseaux,

… où fatigue mentale, fatigue physique, stress, et plaisir sont souvent intriqués.

Il n’est pas sérieux de rêver revenir en arrière.

Einstein, dont le génie a été reconnu dés ses premières années de vie adulte au tout début du XX ème siècle, et élu en 2000 par Time Magazine l’homme le plus important du siècle, a déclaré :

«  Vous ne pouvez résoudre un problème avec un même système de pensée que celui qui crée le problème, … il faut sortir du cadre pour penser la solution ».

Promotion de la santé mentale au travail

Contribution présentée à la VIème conférence européenne de promotion et éducation de la santé (IUHPE) Perugia 18 – 21 juin 2003 

Les enjeux sociétaux 

Les grandes données commencent à être connues. Ainsi selon le rapport du BIT de Octobre 2000 un travailleur sur dix souffre de dépression, d’anxiété, de stress ou de surmenage. Les spécialistes savent que cette valeur n’est qu’un minimum. Il devient connu aussi qu’au plan économique, les coûts directs et indirects s’évaluent en dizaines de milliards de dollars ou d’euros. Une partie du coût est supporté par les entreprises, une autre externalisée (sécurité sociale, sphère judiciaire …). 

Plusieurs surveys récentes (BIT, Fondation de Dublin, DARES en France …) mettent en évidence le même phénomène, à savoir au niveau des entreprises un sentiment de dégradation des conditions de travail dans le même temps où le développement des formes d’organisation du travail encouragent l’autonomie. Mais selon une étude française menée sur 6000 personnes de 1996 à 1999 (Baudelot et Gollac), en fait il y aurait légèrement plus d’autonomie au travail, pour une très forte augmentation de la pression et de l’intensité du travail. 

L’enjeu est devenu de premier rang puisque tant en 1995 qu’en 2000 non pas 10% mais un tiers des personnes interrogées disent être affectées par une forme de stress. Selon plusieurs autres sources de 1 à 5 % des personnes actives se décrivent comme touchées par une forme de harcèlement moral professionnel, une des formes de violences au travail. 

En 2000, sur environ 80% des maladies professionnelles déclarées, 33 % concernent les troubles musculosquelettiques (TMS ou MSD en anglais), 28% le stress et la dépression, et encore 23% des souffrances psychologiques. Quatre pathologies majeures se développent de façon croissante simultanément au sein des entreprises et au sein de nos sociétés depuis une trentaine d’années: l’anxiété, la dépression, le stress lié au travail, les violences psychologiques (dont les harcèlements sexuel et moral). 

En regard des accidents de travail, de nombreuses analyses par arbres des causes mettent en évidence le poids de facteurs tels le stress, la dépression, les frustrations, la démotivation, les harcèlements, le manque de responsabilités, etc. Plus grave quand à sa signification, le constat le plus commun est devenu celui du développement simultané des pathologies sur plusieurs champs. 

Ainsi dans la plupart des pays européens, les questions de stress sont très présentes dans les débats des partenaires sociaux. Elles le sont surtout car les salariés eux-mêmes évoquent de plus en plus des souffrances et des pathologies qu’on a l’habitude de mettre en lien avec le stress. Ils soulignent de plus en plus des situations de « mal être » au travail, de « peur de ne pas y arriver », d’angoisse devant l’impossibilité de « faire vite et bien », de relations de travail tendues, de « perte d’intérêt » du travail. Et on sait qu’il devient, récemment, plus facile de se reconnaître « stréssé » que « dépressif », dans l’actuel contexte général de tension. Les effets positifs de la baisse de la monotonie et le développement de l’autonomie et de la participation, recherchés dans le monde occidental depuis les années 60, sont en partie annulés par les effets du stress.
Ce n’est pas pour rien qu’au niveau européen des négociations entre organisations patronales et syndicales s’engagent en 2003 sur le stress et en 2004 sur le harcèlement professionnel. 

Le lieu de travail est de plus en plus insécurisé, les précarités sont de plus en plus diverses et nombreuses, les taux de chômage demeurent élevés, les introductions des nouvelles technologies se succèdent sans durée suffisante d’intégration, les rythmes de restructuration et de réorganisations sont depuis quelques années rapides sans durée de perception de leurs effets ni souvent de compréhension de leur pertinence, les contraintes de délais sont en flux tendu, la complexité des systèmes, des outils, des procédures est croissante … alors que le lieu de travail devrait ou pourrait être un environnement adéquat d’éducation de prise de conscience de l’hygiène mentale et de prévention de la maladie mentale, au fil de la durée des parcours professionnels ! 

Toutes les entreprises n’en sont pas, de beaucoup s’en faut, à :
 mettre en œuvre, comme certaines, des programmes qui aident les travailleurs à 

résoudre leurs problèmes professionnels, familiaux et existentiels (pertes de sens, de valeurs, des repères), et à développer la confiance en soi et la qualité des relations interpersonnelles. 

 à rechercher à partir des diagnostics collectifs les changements nécessaires au sein de leurs organisations, systèmes de gestion et de leurs pratiques en management. 

 à lutter contre le stress avec non seulement des techniques de relaxation, mais des démarches visant à identifier les risques, rechercher les causes, et engager la prévention. 

Les préventions en matière de santé mentale sont en retard sur celles en matière de risques physiques, alors même que les préventions de type I, II, et III en matière de risque physique ne vont pas vraiment jusqu’à l’essence de la prévention, ç’est à dire assez en amont pour qu’il n’y ait « pas de risque », et pondérer le développement de cultures défensives de métier. 

En matière de santé mentale, le premier pas semble encore souvent être une autre représentation de la maladie mentale, premier pas vers une évolution des comportements. 

L’insuffisante conscience des troubles dits psychosociaux, que ce soit chez le grand public, le monde politique, et les professionnels de santé, conduit à une minoration à la fois de la détection et des traitements, quand les contextes déterminants traversent une mutation lourde. 

Santé mentale, de quoi parle t’on ? 

Le Comité de la Santé Mentale du Québec en 94 propose : 

  •   d’une part les maladies caractérisées par une détérioration des capacités cognitives, 
affectives et relationnelles, 

  •   d’autre part les problèmes découlant de conditions de vies difficiles ou d’évènements 
stressants ou de comportements perturbateurs (violences), problèmes psychosociaux ou d’adaptation sociale. 
Pour la Communauté Européenne, les déterminants de la santé mentale sont constitués : 


 des composantes et des expériences individuelles (émotions, structure, identité, 

ressources personnelles …) 

 des interactions sociales, dans tous types de contextes de vie des individus et des groupes 

 des structures organisationnelles et sociétales, et des moyens des politiques concernées 

 des valeurs culturelles, lesquelles changent à notre époque profondément en Europe. En matière de stress, le modèle développé par Cary L. Cooper a été identifié en 2002 par la Commission Européenne comme modèle commun de référence. 

En santé mentale les modèles de compréhension actuels sont souvent centrés sur la vulnérabilité, au travers des seuils de la souffrance, de la maladie, où quatre champs sont en fait intimement mélés : biophysiologique, social, psychologique, culturel.
Dans le cadre d’une conférence début 2003, organisée en France par l’INSERM et la Fédération Française de Psychiatrie, une des orientations (bien entendu controversée) serait qu’actuellement le social a supplanté le biophysique, avec une ouverture au psychologique et au culturel (rapport en janvier 2002 du Bureau de la Santé Mentale à la Direction Générale de la Santé). 

La maladie mentale réfère à l’absence de maladie. La santé mentale réfère à l’état complet de bien être physique, mental, psychique et social. 

Il s’agit de construire sa santé, donc sa santé mentale, au travail ! 

La santé mentale est à considérer comme une composante essentielle du bien être et du fonctionnement des individus. Elle contribue à la bonne marche de la société et a un effet sur la productivité globale. A l’inverse, les troubles mentaux et les problèmes de santé mentale représentent un lourd fardeau pour les sociétés, les collectifs de travail, les familles et les individus. 

La santé mentale fait partie intégrante de la santé en général, et à ce titre reflète l’équilibre entre l’individu et l’environnement. Les dysfonctionnements résultent souvent de combinaisons de déterminants venant de l’environnement et de l’individu, combinaison dont la genèse est toujours complexe. Selon les contextes et les cas tant l’action corrective que la prévention devraient porter sur les différents plans, de la conception des systèmes aux soutiens personnalisés dont peut bénéficier l’individu (toutes conditions déontologiques étant rigoureusement respectées), en passant par les déterminants organisationnels et de management. 

Considérant la vie au travail, dans les institutions et les entreprises, plusieurs familles de déterminants peuvent se combiner : 

  • –  contraintes économiques, commerciales, degrés de dépendance de l’institution envers les 
environnements 

  • –  changements de structure, d’organisation (rachats, réorganisations) 

  • –  relations aux « clients », aux « usagers » (client-roi, violences …) 

  • –  formes d’organisation, leurs marges de manœuvre, d’adaptabilité 

  • –  actes de gestion, dans leurs réalités en regard de normes (la technologie invisible) 

  • –  modèles et pratiques de management, de régulations 

  • –  pratiques de communication, interne et externe (cohérence ?) 

  • –  histoire des collectifs, valeurs partagées et de référence, mœurs … 

  • –  situations d’emploi, pratiques en gestion du personnel 

  • –  conditions des situations de travail (environnement, systèmes homme-machine …) 

  • –  risques, contexte et conditions de sécurité 

  • –  représentation des équilibres entre contributions et rétributions 

  • –  perception et représentation collective et individuelle du sens de l’activité 

  • –  caractéristiques individuelles des personnes 
Les effets des combinaisons de déterminants génèrent des états des situations de travail pour les individus et les collectifs, à des degrés variables de développement et/ou de nuisances : 

  • –  degrés de dépendance et/ou d’interdépendance des collectifs, et des individus 

  • –  dysfonctionnements, et/ou apprentissages de régulation et d’adaptation 

  • –  antagonismes et/ou synergies entre « partenaires » collectifs ou individuels 

  • –  violences … ou coopérations, solidarités 

  • –  natures et degrés de stress (concept complexe non-univoque et multidimensionnel). 
Les acteurs ont de ces déterminants et de ces états des représentations, des attentes et des appréhensions, individuelles et collectives, qu’ils expriment ou non. Ces états entraînent des conséquences sur les personnes, toujours sur plusieurs plans dont notamment : 

  • –  nature et qualité du développement personnel, de la réalisation de soi, du parcours 
professionnel, ou de leurs atteintes et dégradations 

  • –  créativité, engagement, … évitements, implosions, conflictualités 

  • –  bien-être et mal-être, dans les activités, dont d’abord au travail 

  • –  anxiété, dépression … décompensations 

  • –  somatisations et leurs développements, incidents et accidents 

  • –  qualité de l’ouvrage, des produits de l’activité 

  • –  qualité des relations, au travail, dans la vie intime, sociale … 

  • –  valeur et résultat économique, surcoûts évidents et cachés, productivité
… lesquels transparaissent au travers des indicateurs et des signaux forts et faibles. 
Selon un processus systémique, les états et leurs conséquences impactent en retour les déterminants. 
La santé mentale a aussi un impact sur le « capital social ».
Ce concept (les interactions sociales, les relations, la confiance, etc.) est introduit comme un élément central dans ce contexte. Le capital social renvoie aux institutions, aux relations et aux normes qui en conditionnent la quantité et la qualité. On le conçoit pour les individus, mais on pourrait tout aussi bien le concevoir pour les collectifs. Les interrelations entre capital social et santé mentale ont été récemment mises en évidence, l’existence d’un capital social ayant un effet positif sur la santé.
La santé mentale constitue l’un des principaux fondements de la cohésion sociale et du bien- être dans nos sociétés. Tout ce qui contribue massivement à détériorer la santé mentale de la société affaiblit gravement celle-ci. Toute société évoluée est, et sera, « en santé mentale », lorsque les «cercles vicieux» de dégradation seront mutés en «cercles vertueux» de développement. 
Les programmes d’une prévention organisée sont encore rares ou trop partiels et ponctuels. Beaucoup de personnes, concernées par ces pathologies continuent de ne pouvoir accéder aux traitements existants. Il demeure toujours particulièrement important de mettre en place les connaissances et les moyens pour garantir une détection précoce et un traitement de ces troubles au niveau des services médicaux primaires. Il est également essentiel d’éduquer le grand public sur les questions de type anxiété et de dépression, et l’ensemble des troubles psychosociaux, et d’augmenter l’implication au niveau collectif sur la prévention de ces problèmes.
En conséquence la Commission Européenne considère dorénavant l’état de santé mentale au travail comme une priorité, et elle y porte et centre l’accent sur le stress. 

Sur ce champ des facteurs psychosociaux, il est aussi nécessaire de porter sérieusement attention au développement important des violences. Les violences subies dans les relations de travail avec les usagers, les clients, les assujettis ou « ayants droit », continuent de croître en nombre et en degré de gravité, d’où le lancement récent d’institutions spécialisées et le développement de compétences adaptées (dont les traitements des stress post- traumatiques). Mais il commence à être admis qu’existent aussi des violences internes au sein de l’entreprise, dont la plus récemment identifiée est le harcèlement moral professionnel. Depuis la parution de l’ouvrage en France du Dr. Marie-France Hirigoyen en 1998, traduit dans la plupart des langues européennes et au delà, la prise de conscience et la demande ont explosés. Certes les problématiques de type harcèlement sont étudiées depuis une trentaine d’années, notamment sous la forme collective du mobbing, mais par cet ouvrage de vulgarisation volontaire « chacun est devenu capable d’en parler ». 

La forte émergence du harcèlement moral professionnel est un signe qui ne tient en rien au hasard. S’il y a toujours eu des pratiques de harcèlement, dans la vie privée comme au travail, cette expression forte tient en bonne partie à ce que nos conditions de vie et de travail sont devenues trop souvent et longtemps à la fois si tendues et vides de sens qu’elles multiplient les failles où peuvent s’exprimer cette forme pathologique de destruction d’autrui. Quand ces pratiques ne sont pas encouragées, soit par des « directions » sans sens de la responsabilité sociale, soit par des collectifs devenus muets devant l’inacceptable. Le développement rapide de la forme « extrême » des harcèlements (professionnels et/ou sexuel) témoigne d’un état critique d’une partie de nos systèmes organisationnels et de management, en fort décalage avec certaines évolutions des valeurs au sociétal, et hors de l’état de droit. Les jeunes qui entrent sur le marché du travail ne tolèrent souvent plus cela, sauf à se trouver gravement contraints et en dépendance. Les sorties des contextes facilitant les harcèlements pourraient bien constituer un des modèles de dépassement des désordres psychosociaux, et riches d’enseignements en matière de prévention sur le champ de la santé mentale au travail. 

Comment dépasser les formes pathogènes d’organisation et de management ? 

Il devient possible d’identifier des formes d’organisations et de leur management dont on peut poser l’hypothèse qu’elles sont susceptibles d’être pathogènes, quand d’autres seraient de développement. Plusieurs études épidémiologiques ont déjà donné des résultats significatifs dans plusieurs pays d’Europe, d’autres pourraient être développées. Il n’est que grand temps d’organiser et de suivre en parallèle des cohortes complémentaires notamment centrées sur la vie « en période de travail » et pas seulement en regard des effets du chômage et des statuts précaires; les surcoûts sociétaux devraient pouvoir justifier de tels investissements d’objectivation. Ouvrir une fenêtre vers le dépassement des formes pathogènes, qui enrichisse les démarches de développement des personnes et des collectifs correspond à un enjeu crucial tant pour les entreprises et institutions que pour les individus. Au delà des hypothèses plus classiques à l’étude, quelques exemples, apparemment doux en regard d’autres déterminants apparemment plus agressifs mais en fait destructeurs à terme, indiquent jusqu’où pourraient aller les hypothèses de base : 

  • –  écarts répétés pendant une longue période entre l’identité, les valeurs et les intentions 
corporate affichées d’une entreprise et la réalité dans la durée des décisions. 

  • –  absence et incohérences répétées de management, notamment dans les délégations réelles 
de responsabilité et de moyens. 

  • –  dénis de connaissances constitutives de compétences de métiers utiles et nécessaires à 
l’action adaptée donc efficace, nouvelles formes de taylorisations. 

  • –  évitement répété voire systématique des confrontations entre différents. Cet évitement du 
conflictuel empêche de jouer des négociations de dépassement qui nettoieraient le terrain 
pour permettre la co-construction de nouvelles formes de coopérations.
Il en résulte des inhibitions de la créativité, donc tant des régulations utiles au travail que de l’innovation, au delà des gaspillages de performance globale, donc des pertes et manques à gagner économiques dont plusieurs études (Cooper et Stora, institut ISEOR, …) donnent déjà l’idée. 
Les états de dépendance constituent en l’occurrence une entrée essentielle, les contextes et situations de création et d’entretien d’états de dépendance, leurs natures et paliers d’intensité, leurs nécessités, usages et abus. La non-dépendance étant une utopie, les dépassements résideront dans les conditions de l’interdépendance créatrice. Bien entendu cette entrée ne peut trouver toute sa fécondité que de manière pluridisciplinaire et pluriculturelle. 
En contraste (ou en creux) avec les formes potentiellement pathogènes peuvent se lire une bonne part des conditions de développement des personnes et des structures. En raccourci, ces conditions sont toutes facilitatrices de l’expression des potentiels individuels, démultipliée par les contextes d’engagements collectifs. Malgré la diversité des millions d’individus, au travers des conséquences des pratiques pathogènes ou de développement, certains traits de fond liés au sens se retrouvent inconsciemment partagés (Enriquez, Chanlat, Pauchant, Kaes, Clot …). 
Un autre trait fort tient dans la répétitivité ; en effet le cumul au fil du temps des inadaptations non régulées et des antagonismes non traités crée l’humus du contexte pathogène, alors que leur traitement régulier ouvre des fenêtres au développement. 
D’où des orientations pour la prévention. 
Remonter aux déterminants des situations de travail le plus en amont possible à la conception et améliorer tant les conditions matérielles du travail que ses conditions psychologiques et sociales. Les solutions seront aussi du côté de la formation, de la polyvalence à développer, du soutien aux collectifs de travail pour permettre l’entraide, du dialogue à renouer. 
La prévention amène à travailler à plusieurs niveaux, et avec la nécessité de coopération et de transversalité entre les divers services, professions et statuts internes et externes à l’entreprise. Lorsque les différentes catégories de professionnels et de statuts contribuant à la prévention (médecins du travail et médecins de ville, médecins de consultations spécialisées, préventeurs d’entreprises, spécialistes de branches professionnelles, caisses d’assurances de maladies professionnelles, comités d’hygiène et de sécurité en lien avec les ressources humaines des entreprises, consultants spécialisés …) travailleront ensemble sur ce champ mettant de côte les représentations de chasses gardées et de territoires, la prévention fera un bond en avant. 


D’où l’importance de la complémentarité dynamique entre les « bodies » (les corps professionnels constitués et institutions nécessaires à l’accumulation et l’entretien des connaissances et compétences) et les «networks» (dynamisme de la transversalité, du benchmarking, du partage, des initiatives de développement … 

Enfin, rien n’est définitivement acquis dans la mise en œuvre des démarches de prévention de ces pathologies. En effet, les évolutions permanentes de l’entreprise et de son organisation sont capables de perturber l’équilibre des facteurs de risques et de susciter de nouvelles situations pathogènes. Le développement de capacités de veille et d’anticipation, l’existence de lieux spécifiques d’identification des problèmes et de leur traitement paritaire et coopératif, constituent alors des axes de prévention importants pour construire et continuer une action durable. 

Pour prendre une image, presque une métaphore, tant concrète que symbolique, dans le champ reconnu en maladies professionnelles des TMS, le geste ne se réduit pas à une série de mouvements. Dans son geste, la personne met en action ses capacités de création et elle assure la régulation de la production face à de multiples aléas. Redonner des marges de manœuvre aux salariés devient donc un axe fort de prévention : non seulement par la limitation des contraintes physiques, mais aussi comme moyen de reconnaissance des capacités des personnes au travail. 

La plupart des modèles explicatifs de ces pathologies mettent aussi en évidence une contradiction entre les attentes des salariés et les possibilités réduites, ou perçues comme telles, offertes par l’organisation, une limitation de l’autonomie des personnes au travail en contradiction avec le niveau perçu d’exigences. Ces pathologies pourraient révéler un refus de l’organisation de permettre au salarié de mettre en œuvre toutes ses capacités créatrices, dans le geste et la pensée. Elles font apparaître que la santé des personnes au travail se construit simultanément sur plusieurs dimensions. Et en particulier, la dimension subjective de l’engagement au travail. 

Mais à la condition que cet investissement, actuellement fortement sollicité sans contrepartie et dans le drame de la perte du sens, ne se traduise pas par une instrumentalisation au bénéfice de rentabilités financières court terme aveugles. 

À noter aussi qu’ il est réaliste de considérer la façon dont la société de l’information, qui a englobée la société industrielle, a transformé le travail, et continue de le transformer : 

 abstraction,
 interactivité,
 abondance de données de plus en plus complexe,
 gestion du temps de plus en plus complexe,
 logique contractuelle qui remplace la logique de l’honneur,  qualité tendue,
 travail de réseaux, 

… où fatigue mentale, fatigue physique, stress, et plaisir sont souvent combinés. Il n’est pas sérieux de « rêver » revenir en arrière. 

Dans les dernières années du XX ème siècle et dans de trop nombreux contextes, nous avons dépassé ou sommes en train de dépasser les limites du déstructurant, du supportable. Bien entendu nous pouvons trouver bien pire sur cette planète, par exemple toujours le travail des enfants, mais nous sommes en Europe, et le pire de ce qui existe n’est pas une raison pour faire marche arrière alors que l’exemplarité de ceux qui sont en avance doit tirer les autres. Or ici en Europe trop souvent tous les clignotants sont en train de passer au rouge. Il n’est que temps de passer à des politiques de « promotion » plus volontaires de la santé mentale au travail, comme l’avait clairement exprimé à la Commission Européenne à Bruxelles la Ministre de la Santé belge fin 2001 . C’est dans l’esprit de la déclaration de la Commission Européenne en 2002 à Barcelone. 

QUOI FAIRE … ? ? 

Le modèle clé, l’enjeu clé, tient dans la combinaison dynamique de deux démarches simultanées et complémentaires : 

 l’un de réduction des nuisances, par paliers. En France la mise en place actuelle dans les entreprises du « document unique » d’identification des risques physiques et psychiques constitue un exemple d’avancée significative, un palier important. 

 l’autre de développement, par paliers, du bien-être psychosocial au travail. 

Ainsi de la lutte contre les accidents du travail, où il est nécessaire simultanément d’œuvrer dans les deux directions, et d’aller loin dans l’analyse et l’action en regard des causes conscientes et inconscientes des accidents. 

Comme pour les accidents, plus généralement les activités qui favorisent la santé mentale sont aussi celles qui préviennent la maladie mentale.
Parmi les mots clés pour la promotion de la santé mentale aussi bien que de la santé en général on trouvera : 

  •   les conduites participatives effectives (et non manipulées) soit dans une logique dy type O.D. « développement des organisations » (Argyris and co …), 

  •   les démarches d’enrichissement qui soient du développement effectif des potentialités des individus, qui entraînent l’entreprise et non accroissent les charges mentales (champ du cognitif) et psychiques (champ de l’émotionnel) sans nouvelles régulations, 

  •   les coopérations transversales dans le sens du « minimax » (minimum des maximum ou développement proactif) et non du « maximin » (maximum des minimum ou frilosité médiane). 
À travers la question des «marges de manœuvre» pour les personnes et leurs collectifs, c’est aussi la valeur économique du travail qui est en jeu et qui exige alors des conditions favorables à la mobilisation physique et subjective des personnes.
Cette mobilisation apparaît nécessaire et est demandée aujourd’hui fortement dans les théories du management et les orientations des entreprises. On développe dans les écoles de management, les séminaires de courants d’ailleurs diverses des enseignements sur l’intelligence émotionnelle. En fait ce développement devrait intervenir, et au delà un cursus de base sur l’ensemble de ces questions, dans toutes les écoles. 
Ce mouvement devrait favoriser les conditions d’épanouissement de l’individu et des petits collectifs, de créativité, générant un état de tension accompagné de plaisir.
Or trop souvent il se traduit en fait par des exigences de dépassement par les individus de leurs limites sans marges de manœuvre de régulation ni moyens adaptés, des contrôles quantité et qualité en contradiction violente avec l’esprit des discours d’objectifs de management annoncés, voire des management de harcèlement, une ingérence dans la vie privée inconnue depuis longtemps, d’où ces états de stress «dit négatif» et les déstructurations de santé mentale constatés ces dernières années avec l’intensité que l’on sait. 


Considérons maintenant pourquoi et comment le double modèle « réduction des nuisances / développement du bien-être psychosocial », s’applique en regard de deux dysfonctionnements lourds dans le champ de la santé mentale au travail : 

  •   celui du stress car le plus important en terme de populations concernées dans leur santé et en terme d’impacts économiques tant pour les entreprises qu’au sociétal. 

  •   celui du harcèlement moral professionnel car forme extrême tant dans la destruction mentale (et physique par somatisations) des personnes qu’en tant que mode immoral et gravement dégradé de management. 
Prévenir, réduire, réguler l’état de stress 
Le stress n’est pas uniquement le fait de problèmes personnels en décalage avec les conditions environnementales de travail, mais résulte de l’interaction de déficits techniques, organisationnels et de management, de demandes ou prescriptions inadaptées ou trop élevées des situations de travail (y compris en regard des contextes hors travail), avec les caractéristiques spécifiques des personnes impliquées. 
D’une manière générale l’engagement et la façon de combattre le stress dépendent de la culture de l’entreprise, des cultures des métiers concernés, et des procédures de décision du management. 
Tout va dépendre de la philosophie du management, de «comment on considère la personne ». La personne est-elle considérée comme « objet » ou comme « sujet », ce qui reporte à l’entrée évoquée plus haut de la dépendance ? La pratique du pouvoir au sein de l’organisation correspond-elle de fait à une mise en dépendance d’autrui, ou vise t’elle en même temps que la performance le développement d’autrui ? La communication interne, et donc les politiques qu’elle exprime, masque t’elle ou clarifie t’elle les repères qui permettent de décider, gérer, réguler, exécuter, négocier … en confiance ? 
Sinon on se trouve dans une logique considérant les personnes comme objets, considérant comme plus efficace d’entretenir leur dépendance, dont les repères réels sont méconnus et conçus par d’autres acteurs, en quelque sorte de type taylorien … logique où n’existe que le travail et non la personne « sujet » (au sens psychosociologique du terme). 
En fonction de cet état de la philosophie du management de l’entreprise, on comprendra qu’il est nécessaire préalablement à toute action de mettre en évidence jusqu’où les membres de l’entreprise sont susceptibles de participer (à condition encore une fois que la participation soit effective et non factice et manipulatoire), dont dans quel « état » et avec quelles capacitéset compétences pour ce faire. Dans l’idéal, tant au plan individuel de la personne sujet qu’au plan collectif du développement organisationnel participatif, la stratégie et le plan d’action devraient être dressé avec la participation des personnels. 

Il sera nécessaire aussi de « reconnaître » le stress comme tel, l’exprimer clairement en politique de ressources humaines et en communication corporate, en soi ou dans le cadre plus vaste des politiques de conditions de travail, d’organisation et de management. En effet il existe de nombreuses raisons pour ne pas en faire état : habitudes, culture de l’entreprise, faiblesse de la communication, culture défensive de métiers, isolement, insécurité au travail …. Même si on tombe d’accord pour considérer que le stress, dont on identifie depuis les années 30 les symptômes chez l’individu, reste en fait encore aujourd’hui un concept flou et complexe, et qu’il y a encore besoin à sa compréhension tant théorique qu’opératoire de le travailler, ce préalable reste en l’état utile et nécessaire. 

L’exemple récent et actuel des centres d’appel, relativement nouveau dans l’ère des services et « apparemment » hors de l’ère industrielle, qui correspondent en fait pour la plupart à une caricature de la logique taylorienne, est trop souvent cruel … avec la totalité des manifestations du stress versus pathogène, où l’usure rapide de l’organisme est liée à l’impuissance tant des individus que des petits collectifs. 

En fonction de la culture de l’entreprise, ou de l’unité de management pertinente, et souvent dans le cadre contextuel d’un secteur ou d’un type d’activité donné, la prévention et la lutte contre le stress passera par des combinaisons de mesures conjointes, ciblées et continues, notamment sur les champs suivants : 

  •   la conception des process, de l’équipement de travail et des lieux de travail. 

  •   un travail mieux en rapport avec les qualifications et des apprentissages et parcours 
adéquats. 

  •   des changements d’activité qui évitent tant la monotonie que les charges excessives. 

  •   une perspective dans le temps qui permette des évolutions, notamment vers toujours 
plus d’autonomie de développement (et non d’auto-exploitation). 

  •   le renforcement des capacités individuelles permettant de faire face sur les différents 
registres utiles. 
Plusieurs orientations des mesures à prendre concernent l’organisation du travail et le management des compétences : 

  •   s’assurer que les tâches et les qualifications correspondent de telle sorte à ce que le travail soit une opportunité de challenge et non une demande trop basse ou trop élevée. D’où des démarches d’éducation, de formation et d’apprentissage adaptées. 

  •   organiser une prescription de ce qu’il y a à produire suffisamment claire, en cohérence entre l’information reçue et les exigences de l’organisation. 

  •   programmer le travail afin d’éviter les fortes pression en fin de périodes de travail. 

  •   éviter la monotonie. 

  •   développer l’autonomie. Solliciter la connaissance, les capacités et compétences. La 
conception du travail devrait prévoir un contenu intéressant susceptible de contribuer au développement des personnes. Ainsi des tâches exigeantes doivent s’accompagner d’une liberté d’action et de décision susceptible de compenser l’émergence possible de stress. 

  •   prévoir des retours individuels d’information permettant à chacun d’identifier ses forces et faiblesses et d’optimiser ses performances. 

    1.  assurer un style de management où les personnes sont respectées en tant que « sujets ». 

Quatre principes de prévention sont spécifiques en regard du stress, Il est indispensable qu’ils impliquent fortement la Direction de l’entreprise : 

  •   principe d’intégration = les mesures de prévention du stress doivent affecter toutes les décisions prises au sein de l’entreprise. 

  •   principe d’organisation = la prévention ne doit pas être une réparation, mais doit influencer l’organisation et la planification de manière à anticiper sur les évènements. 

  •   principe de coopération = la prévention du stress n’est pas uniquement l’affaire de quelques experts, mais aussi celle des cadres, des conseils d’entreprise et du personnel. La coopération nécessite la mise en place de structures de coopération. 

  •   principe de participation = engagement et implication des personnes concernées ; les personnes qui sont interrogées, qui participent aux activités, qui s’engagent, doivent s’identifier au projet. 
En prenant pour cible idéale la prévention « zéro risques », les mesures ciblées visent à éliminer ou minimiser les causes, soit autant que possibles les « stresseurs », sans mettre en cause une dynamique de challenge équilibrée. 
Gestion du stress en situation 
Bien entendu il y a lieu lors d’évènements de manifestation d’états de stress, notamment en cas d’urgence, de minimiser le plus rapidement possible les réactions causées par le stress en puisant selon les cas dans toute une panoplie de moyens, par exemple : 

  •   d’abord prendre le temps de faire une analyse même sommaire de la situation 

  •   créer des moments de détente, de recul qui permette aux acteurs de prioriser et 
desserrer les contraintes, voire aménager des lieux et pratiques de relaxation 

  •   rechercher et mettre en place au moins un et autant que possible des soutiens. 

  •   procéder à une éventuelle réévaluation « objectivée » et « juste » des demandes et 
revendications 

  •   marquer une attention à la gestion appropriée des tensions et des conflits 

  •   faciliter la résolution des conflits avec les collègues, les supérieurs, la vie au travail, etc … 
Ce type de mesures en cas d’urgence n’est pas contradictoire quelle qu’en soit l’issue avec le traitement ultérieur sur le fond des causes, visant les démarches de prévention. Il ouvre au contraire la voie à la conscience de l’utilité de la prévention. 
Réagir en situation ne suffit pas. Il est nécessaire de mettre en œuvre ce qui peut permettre de faire disparaître les effets du stress après les évènements, pour éviter qu’il ne s’installe. Pour l’organisation on s’inspirera des orientations évoquées plus haut, mais cela ne suffit pas car au niveau des individus il est recommandé de conseiller et si cela a du sens de faciliter et encourager : 

  •   la pratique de sports hors compétition (si un seul sport la marche dans la nature est le plus recommandé, mais les chinois en ville pratiquent le Taï Chi Chuan dans les parcs) 

  •   de l’activité physique sur un autre plan que le sport, qui fasse sens pour l’intéressé 

  •   de la détente ciblée, selon une pratique motivante et suivie 

  •   des contacts sociaux 

  •   éventuellement une démarche à orientation psychothérapeutique 

  •   une hygiène alimentaire 


 une vie sexuelle satisfaisante 

 le suivi médical
Ce sont autant de pratiques de restauration et d’hygiène de vie qui aident l’individu à rester digne et ne pas entrer en dépendance injustifiée, quel que soit le contexte. 

Il faut savoir que, sauf exception, dans l’entreprise les moments de détente et de convivialité semblent actuellement de moins en moins acceptés, et que l’on ne tient que peu compte des biorythmes individuels. Les quelques entreprises qui ont compris à quel point leur performance globale est liée à une rupture de management en regard de la tendance du modèle unique dominant restent encore des pionnières. Certaines font cependant partie des cas sélectionnés en appui du rapport objet du Livre Vert de la CE présenté en 1998 à Glasgow « Partnership for a new Organisation of Work » ! 

L’approche ne sera pas la même selon qu’il s’agit de stress passager ou de stress permanent et chronique. Au niveau collectif, l’apparition quasi simultanée de plusieurs stress passagers peut rendre attentif à rechercher les éléments de contextes, plutôt que de « botter en touche » et pratiquer la « politique de l’autruche ». Sinon le collectif court peut être le risque de dériver vers du stress permanent. Cette identification peut être le fait de divers acteurs : encadrement, membres des Comités d’Hygiène de Sécurité et de Conditions de Travail quand ils sont sensibilisés sur cette mission, fonction personnel, médecine du travail, services d’infirmerie …

En cas de stress permanent, il est utile de pouvoir travailler dans le cadre d’une équipe globale d’analyse du stress, la plus pluridisciplinaire possible, … sachant à quel point il est difficile d’œuvrer en pluridisciplinaire, et que cette posture nécessite un apprentissage.
Des précautions déontologiques doivent être prises, pour ne pas mettre des personnes en danger (discrétion). Il n’est pas évident qu’un diagnostic sur le stress puisse être effectué partout sans risque. Il peut être possible d’apprécier ce risque avec le médecin du travail, à condition de tester en préalable le propre positionnement de neutralité déontologique de celui- ci. 

Si la saisie de données est possible, se posent les questions de la communication du diagnostic aux individus, ainsi que du secret médical. Cette question se pose non seulement en termes de discrétion, mais aussi de la capacité des personnes à recevoir l’information, à se l’approprier. 

Une des pratiques pour une étude collective approfondie réside dans le questionnaire détaillé et anonyme adressé à une population, à condition que les saisies soient suffisamment identifiables pour valider ensuite des recommandations pertinentes en matière d’organisation, de processus de décision, de conseil globaux mais ciblés d’hygiène de vie et de travail individuel. 

Plusieurs entreprises françaises ont mis au point récemment des questionnaires moins détaillés, que les employés sont libres de renseigner. Si les réponses indiquent un état de stress, ou de troubles psychiques comme la dépression, l’angoisse …, le médecin du travail est sensibilisé à prendre le temps d’un diagnostic spécifique, en même temps que divers services d’aide sont mis à disposition avec les conditions de discrétion adéquates. Les réponses traitées anonymement et statistiquement sont utilisées par l’entreprise pour identifier les contextes à risque. Il est possible d’organiser, si les effectifs sont suffisants, une cohorte de type épidémiologique de suivi. 

L’analyse du travail de situations types ou déjà ciblées avec assez de précision, dans les contextes identifiés, contribuera au diagnostic des causes et/ou du processus, selon les cas, pour l’entrée organisation et conditions du travail. Selon les cas, la dimension management pourra aussi être abordée. Il sera souvent pertinent de la compléter par un regard sur les procédures de gestion et de décision, ainsi que par une lecture critique des paramètres de performance. 

Une autre pratique, au premier regard plus discrète, lorsqu’une zone ou contexte à risque a été identifié, consistera à entrer directement au plan de la prévention globale en engageant une politique volontaire d’amélioration des conditions de travail, ce qui revient à travailler la culture de l’entreprise. Le pari est alors que la démarche de changement entraînera le traitement d’un nombre de stresseurs suffisant pour faire basculer la dynamique générant l’état de stress. Cependant, les facteurs environnementaux extérieurs à l’entreprise risquent de ne pas être abordables, ainsi que certains facteurs de gestion. Il est possible aussi qu’il y ait peu de marges de manœuvre en matière de conception des situations de travail. 

Les paramètres individuels certes pourront réagir à un nouveau contexte et climat collectif, mais devront faire l’objet de démarches spécifiques complémentaires. 

Prévenir le harcèlement professionnel 

En deux mots : un management sain,
… et tout finalement tient à cela pour ce qui concerne les harcèlements, professionnels comme sexuels, au sein de l’entreprise. En effet les actes de harcèlement, quelle qu’en soit la forme, ne peuvent être agis par des individus (qui portent certains types de structure de personnalité) que si l’organisation du travail et le management de l’institution concernée s’y prêtent, laissent des failles ouvertes. 

Un acte de harcèlement correspond toujours à un ensemble de détournements : 

  •   détournement du lien de subordination : incivilité à caractère vexatoire, refus de dialoguer, remarques insidieuse ou injurieuses, dénigrement et volonté de ridiculiser 
… 

  •   détournement des règles disciplinaires : sanctions injustifiées basées sur des faits 
inexistants ou véniels… 

  •   détournement du pouvoir de direction : ne pas donner de travail, donner des objectifs 
irréalisables, donner du travail inutile, isoler … 

  •   détournement du pouvoir d’organisation : modifier arbitrairement les conditions de 
travail ou les conditions essentielles du contrat …
Tout détournement de ce type correspond à une « perversité », au sens technique (analytique et non moral) de ce mot. 
À ces détournements s’ajoutent : 

  •   les incohérences de management, les écarts d’identité, de mission 

  •   l’attitude corporate consistant à ne pas considérer la santé à sa juste place. Considérer 
que la santé, dont psychique, au travail et hors travail est prioritaire sur la performance (regard éthique), et au cœur de la performance (au regard éthique s’ajoute le regard économique). 

  •   entretenir le flou dans les non-dits, éviter de les aborder, et se faisant laisser se développer tous les possibles 


 disperser, diviser, ne pas appliquer des règles claires
 ne pas assumer franchement et « professionnellement » les conflits
 des tensions sur le temps
 la perversité plus agressive, consciente ou non, des injonctions paradoxales. 

Ces diverses formes de « perversité » (toujours au sens technique du terme) sont en quelque sorte, au plan des collectifs, parentes avec les structures « perverses » de la personnalité chez les individus qui agissent du harcèlement, consciemment ou inconsciemment. 

Aussi un management sain se veut, ayant pris connaissance de cet état de fait, volontairement s’améliorer en vue de refuser et éviter ces modes de fonctionnement. 

Il s’en déclinera sur l’ensemble des déterminants de management ci-dessus, une démarche consciente et volontaire tant de prévention que d’action correctrice : 

  •   de prévention par la sensibilisation, la formation de l’encadrement et des représentants du personnel. 

  •   d’action correctrice par la mise en œuvre, au sein de la fonction Ressources Humaines, d’une cellule (à haut niveau de statut et de poids moral) d’intervention et d’appui, travaillant en synergie avec la médecine du travail. 
Tant en prévention qu’en curatif, une communication interne spécifique sensibilisera l’ensemble des personnels aux choix éthiques et pratiques mis en œuvre ainsi qu’à la valorisation des résultats des actions curatives. 
Les actes de harcèlement doivent devenir perçus par quiconque, quelque soit sa position et sa structure de personnalité (qui ne regarde que lui et ses thérapeutes éventuels) comme hors des valeurs et des pratiques de la « Maison », soit tant au plan du droit qu’au plan sociologique « hors la loi » et « impossibles ». 

  • NON- CONCLUSION À CETTE CONTRIBUTION 
    1. Nous ne sommes qu’à l’ébauche de l’ouvrage, 
Cette contribution développée dans un cadre européen, en juin 2003, continuait par un état des démarches engagées en France par les diverses institutions publiques, scientifiques, syndicales ouvrières et patronales. Six ans après, mi 2009, les démarches évoquées en 2003 ne sont plus de la même actualité. Si les connaissances en la matière sont entre-temps complétées, les problématiques présentées dans cette première partie de contribution demeurent globalement trop souvent pertinentes. 

Promotion de la Santé Mentale au Travail – IUHPE – Perugia 18 – 21 Juin 2003


Michel Vallée – ENWHP (The European Network for Workplace Health Promotion)