SENS CONTRE IMPERMANENCE D’UNE NATION :EXEMPLE, OU CAS, DE LA CATALOGNE

« Quel Pays peut être indépendant ? … titre le Monde diplomatique en août 2022 page 9, article de Jean-Arnault Dérens. Les cas (dans l’ordre d’apparition dans l’article) du Kosovo, de la Catalogne, du Donetsk et du Loubansk, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, de la Crimée, du Sahara occidental, de Gibraltar, de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, de la Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie, de l’Érythrée, du Timor-Leste, du Soudan du Sud, sont évoqués. Bien entendu, tous les autres cas (nous pensons à l’Écosse, au Québec …), si nombreux, pourraient l’être mais, ce qui importe là derrière les dialectiques des cas développés dans l’article, ç’est le point d’interrogation. Si une réponse était concevable (doutons-en), sur quel registre ?

La Charte des Nations-unies (unies ?) repose sur deux principes contradictoires en regard de la réalité des « terrains » : celui de la souveraineté des États et de leur intégrité territoriale d’une part, celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes d’autre part ! De plus, la Charte prévoit la catégorie spécifique des « territoires sous tutelle et territoires non autonomes » (dix-sept actuellement dont le Sahara occidental, Gibraltar et la Nouvelle-Calédonie …).
Dans la réalité, les cartes continuent sans cesse d’être rebattues tant en Europe (qui comme chacun sait va de l’Atlantique à l’Oural) qu’en Afrique et en Asie et Indonésie. Les avenirs sont incertains, tant en principe que par les faits. La vie n’est jamais figée, toujours évolutive d’un instant au suivant. L’impermanence est un des traits ontologique ( du point de vue de l’être en tant que soi), essentiel, en toutes choses, du plus petit au plus grand, du battement des ailes d’un papillon aux plus étendus et puissants des États.

En décembre 1991, la commission internationale pour la paix, présidée par Robert Badinter, a posé le principe qu’en Yougoslavie, seules les anciennes républiques fédérales pouvaient « prétendre » à l’indépendance, mais pas les entités de « rang » inférieurs (régions, provinces, territoires autonomes). Très vite, la réalité a balayé cela, par exemple avec le cas du Kosovo, imposé par l’OTAN ; mais le cas Kosovo a été validé côté Occident par « la violente répression menée pat le pouvoir Serbe !? Ainsi, là comme en tant d’autres lieux, l’usage de la force (bombardements de l’OTAN) a fondé le droit. Les cas comparables sont multiples ; chacun en connaît plusieurs.
Concernant le Kosovo, nombreux sont celles et ceux qui savent que l’État espagnol ne l’a pas reconnu, pour éviter de se trouver contraint du parallèle avec la Catalogne. Trait mineur « piquant » : quand le Monténégro a arraché son indépendance en 2006, la proclamation à Cetinje s’est faite avec une forêt de drapeaux catalans, les indépendantistes catalans ayant apporté leur soutien à une sécession démocratique et pacifique (mais au sortir de quelle guerre civile en Yougoslavie) ! Tant mieux pour les monténégrins, pour qui l’un des principes fondamentaux de l’ONU a fonctionné, l’UE se voyant obligée de s’incliner (55,4 % de oui par une participation de 86,5 %), quand le referendum de l’1-O a donné certes 90 % de oui mais par seulement 42 % des inscrits.

Mais est-il correct de comparer des cas aussi différents que le Kosovo et la Catalogne ? Évidemment non, quand les réalités historiques, culturelles, socio-économiques,…, géographiques, n’ont rien de comparables. Au plan géopolitique, la majorité des Pays d’Afrique, d’Asie et d’Amériques latines, ainsi que cinq Pays européens, ne reconnaissent pas le Kosovo. Regardant bien plus loin sur cette planète, comparer la Catalogne au Tibet ou au Xinjiang serait-il même pensable ? Que l’on s’abstienne de sourire sur ce trait car, si les véritables détenteurs du juridictionnel suprême en Espagne se trouvaient toujours dans un contexte européen dominé par Hitler et Mussolini, et si la « neutralité » de l’Espagne d’alors n’arrangeait pas les « équilibres » voulus par les USA, qu’en serait-il ? Les traitements des leaders indépendantistes et les persécutions (car elles le sont) poursuivies systématiquement sur plus de 5000 personnes correspondent bien au maximum que le juridictionnel espagnol actuel peut se permettre. S’il pouvait aller plus loin, ce serait fait. Que la Slovénie, la Belgique (pas la CE à Bruxelles), le Danemark, le Québec, l’Écosse, la Suisse, la Finlande, plusieurs Lands allemands, l’ONU à au moins deux reprises dont ces tout derniers jours … dénoncent voire condamnent cet état de fait, … s’en fouten.
IMPERMANENCE.

Quel Pays peut être indépendant ? Si pour d’autres cas cités, la question puisse être fondée, comment la poser pour l’aspiration à l’indépendance de la Catalogne, clairement exprimée par la moitié de sa population ? Car enfin, L’histoire de la Catalogne en tant que Nation connue et reconnue tant elle-même sur place que dans toute l’Europe remonte au XIIème siècle. L’État sous forme de royaume et de Generalitat, la bannière, une culture spécifique connue et reconnue sont partie de l’histoire de l’Europe. La langue structurée comme langue à part entière tout autant que les autres langues internationales, porte depuis des siècles une philosophie propre et une riche littérature. Son économie est mondialement respectée depuis des lustres, et le demeure malgré les exorbitantes ponctions fiscales et le brimage des investissements orchestrés par l’Espagne, à preuve la qualité des investissements de l’étranger. Tant à souligner encore, mieux présenté qu’ici par tant d’auteurs de qualité experts en leurs domaines !

Nous n’insisterons pas ici sur les attitudes, les jeux de palais d’une soi-disante élite, d’une partie de la classe politique catalane depuis l’1-O, quand l’essentiel de la population reste consciente et attachée à tout ce que ci-dessus. De grands éditorialistes, tel un Vicent Partal de Vilaweb le font de façon impeccable, travaillent tant le détail significatif que le regard géopolitique à un niveau méta, l’un ou l’autre toujours correctement instruits. Par contre presque toujours en catalan, ce qui continue de poser problème de connaissance et de compréhension « à l’extérieur » ; insister pour s’exprimer exclusivement en catalan se comprend quand on supporte depuis si longtemps l’interdiction puis les tentatives de réduire et éradiquer, … mais demeurer dans le pré carré a toujours été nuisible, sauf à choisir le sacrifice d’honneur du « dernier carré » (mais alors à quel prix). Ce sont les deux pratiques de front qui sont justes (ouverture aux mondes) et efficaces ( pérennité de la présence de sa propre nature).

Donc ce ne sont ni le droit international (la Société des Nations n’a en rien freiné l’arrivée de la seconde guerre mondiale introduite par la guerre d’Espagne), ni les grands principes d’annonces plus ou moins négociatoires, qui comptent vraiment.

Ce qui fait défaut à notre époque, ici comme ailleurs, c’est le SENS non seulement d’un projet mais de toute une Nation parmi les autres Nations. Plus d’assoir le sens sur l’assiette de son RAPPORT DE FORCE..
Nous traversons, au moins en Occident, un temps de délitement des valeurs, des idéologies. Derrière les belles paroles « politiquement correctes », seuls semblent demeurer les rapports de force, crus, cruels, réalistes. Un rapport de force peut exister en plein (puissance militaire effectivement actée avec intensité) ou en creux (détermination collectivement structurée solide du peuple kurde sur ses quatre territoires).
En fait, dans les deux contextes qui viennent d’être cités, le sens existe oh combien derrière le rapport de force posé : la perduration du mythe-volonté d’être le gendarme économique et moral du monde pour les USA, la restauration complète de son statut d’Empire du Milieu pour la Chine, l’évidence intrinsèque et partagée de la communauté d’être et de vivre respecté pour cette réalité par les kurdes (leur reconnaissance a été trahie au moins deux fois au plan international mais ils ne se sont pas laissés noyer dans l’individualisation).

La réponse à « Quel Pays peut-être indépendant ? est là : LE SENS APPUYÉ PAR SON RAPPORT DE FORCE. Et en rien dans le droit international, une fois de plus théorique bafoué par toutes les parties dans l’exemple de l’Ukraine.
Un rapport de force n’est pas théorique, mais une force telle qu’elle amène l’autre, les autres, à se trouver contraint de l’accepter partant agir suffisamment dans le sens souhaité, concrètement et durablement.
Dans le cas d’une Nation, le rapport de force doit exister simultanément sur les principaux domaines qui en font l’identité, ce qui implique de mobiliser en cohérence stratégique et tactique de nombreuses personnes de toutes qualités ; par contre le commandement politique ne peut qu’être homogène. En Suisse, seul Pays capable de mobiliser si nécessaire sa population en 24 heures à cette échelle géographique, un général est élu, pour le temps de la guerre (à la fin de la guerre il reprend un statut « habituel »).
Sens et rapport de force en synergie nécessitent absolument liens opérationnels avec des alliés, solides, à l’extérieur.

Qu’en est-il, au dernier trimestre de 2022, du sens et de son rapport de force, pour le projet indépendance de la Catalogne ?

Le sens ? Il reste partagé par plus d’une bonne moitié de la population dorénavant (récents sondages), et ce malgré les persécutions actées pour être démotivantes. Cependant ici comme dans tout le monde « occidental », l’individualisation, plus grande victoire actuelle de la pensée unique néolibérale mondialisée, impacte. L’intégralité des populations « occidentales » sont affaiblies. Par contre, si les temps faciles génèrent des hommes faibles, les temps durs génèrent des hommes forts.
La dureté même d’aujourd’hui, dans le contexte de la Catalogne encore traitée en colonie par l’Espagne, paradoxalement ouvre en soi de l’espoir, mais … à la condition de retrouver des porteurs, des leaders, crédibles, au sens.

L’autorité reconnue est à re-construire, non pas à re-installer avec la même caste, mais à créer de nouveau. Et ce sans peur, sans craindre le conflit et ses âpretés, ses épreuves, qui malheureusement peuvent aller jusqu’au prix du sang. La non-violence pratiquée droit dans ses bottes (derrière l’apparence populaire pacifique du symbole du rouet) par un Gandhi n’y a pas échappée.

Une négociation n’a de pertinence qu’au terme de démonstrations de rapport de force qui modifient les cartes, tant celles du minimum envisageable durablement que celles du maximum souhaitable à l’idéal (lequel ne se réalise jamais). Ployés sous les bombes, les vietnamiens ont dignement négocié la forme de la table avant de s’attabler aux contenus.
La « résistance active », c’est le minimum qui permette de retisser lien dans la durée de re-construction du rapport de force nécessaire.

Alors, comme le demande Vicent Partal : que veut le peuple ? Foin de toutes autres tergiversations.

Pendant ce temps, encouragements à celles et ceux qui entretiennent la culture partagée, traditionnelle comme renouvelée.

Ce qui est vu là pour l’exemple Catalogne tient évidemment pour de nombreux autres cas.

Michel André Vallée 1er septembre 2022

Hormis le traditionnel trimillénaire « L’art de la guerre » de SUN TZU chez Flammarion (1972 et 2017), quelques références récentes :
Sun Tzu ou l’art de gagner des batailles, Bevin Alexander, Éditions Tallandier, 2017.
La Catalogne et l’Espagne les clefs du confliit, Ss la direction de Dominique Petitdemange et Marie-Christine Jené, Balzac éditeur, 2018.
Nou homenatge a Catalunya, Vicent Partal, Pausa, 2018.
Le dernier carré Combattants de l’honneur et soldats perdus de l’Antiquité à nos jours, BUISSON Jean-Christophe & SÉVILLIA Jean, PERRIN, 2021.
Vendre la guerre, Conessa Pierre, Éditions de l’aube, 2022.
Il faut une Révolution Politique, Poétique, Philosophique, BARRAU Aurélien, Éditions ZULMA les apuléennes, 2022.

OUI, L’1 D’OCTUBRE EST UNE DATE CLEF dans l’histoire de la Catalogne –


Billet à l’occasion de la Diada du 11 septembre 2021. La Diada est la principale journée de l’identité et du souvenir pour les populations des Pays catalans.
Consultons les tout derniers éditoriaux de Vicent Partal, de la newsletter catalane quotidienne VilaWeb. Car ils sont cohérents avec tous les précédents des mois précédents (et des années précédentes en fait).


01/09 > mise en net que non seulement les indépendantistes, mais les catalans en général, « sont l’ennemi historique», vu des castillans conservateurs, cas d’évidence récents à l’appui. Vicent Partal conclue pointant que, si cet état est clair pour le Pape François (quand on sait lire entre les lignes), l’est-il aussi clair pour « nous » (le peuple catalan tant en Espagne qu’à l’extérieur) ?
31/08 > constat par un observateur « américain » présent à une manifestation publique à Barcelone que la capacité à débattre ainsi en public du fond des choses, sans peur, serait unique au monde. Pas peur de créer (là dans le débat public) sur une feuille blanche. Il s’agit d’instituer une Catalogne qui ne soit pas une Espagne en petit !


29/08 > ne pas se laisser leurrer par le piège que le conflit serait interne à la Catalogne et non international entre la Catalogne et l’Espagne, marqué depuis des décennies et siècles dans l’histoire. Vicent Partal rappelle des séries d’assassinats politiques sans appel. On comprend que la perte de la dernière « colonie » serait, aux yeux de l’Espagne conservatrice, pire que toutes les dictatures et guerres civiles passées ! Et ce, même pour le Parti social-démocrate actuellement au pouvoir.
26/08 > le concept de frontière inamovible serait absurde, mais est devenu un tabou dans les idées reçues internationales actuelles. L’histoire de la définition des frontières d’une Pays tient le plus souvent à des enjeux qui n’ont que peu à voir avec les réalités des populations,… et qui aboutissent trop souvent à des incongruités. Incongruités génératrices à terme de conflits. Légitime de reconsidérer les frontières en fonction des réalités historiques, culturelles et socio-économiques des peuples concernés.


24/08 > rappel du principe de base en démocratie de la séparation des pouvoirs dans un Pays (si le choix du peuple est effectivement la démocratie, « le moins pire des systèmes » selon Winston Churchill). Rappel de la réalité dramatique de confusion des pouvoirs dans le cas de l’Espagne (ce sur quoi l’actuelle UE se contente d’admonestations). Compte tenu de la réalité du « fait » espagnol, un fonctionnement correct du judiciaire impliquerait donc un État de Catalogne indépendant (comme pour tant d’autres dimensions de gouvernance). Bien entendu, une phase de Constituante est, donc sera, nécessaire, sur ce champ fondamental aussi ; … entre autres y sera posée la question de l’élection ou non et comment des juges.
23/08 > à partir de propos tenu à L’Universitat Catalana d’Estiu de Prada, et ailleurs, se pose la question, essentiellement grave du sens et de la pertinence de la stratégie d’unilatéralité (soit la mise en action de fait de l’indépendance par la population et ses corps constitués, après des décennies d’offres de négociation dans la non-violence sans résultat autre que la politique systématique judiciarisée d’élimination menée depuis l’1 d’octobre 2017).


Et là arrêtons de remonter les excellents éditoriaux quotidiens de VilaWeb, que chacun peut retrouvée facilement (mais en langue catalane). Car, après les questions clés de la réalité de la confrontation à l’Espagne, de la dimension non uniquement interne mais d’abord internationale de cet état des choses (clairement développé dans l’ouvrage en français d’un collectif d’auteur « La Catalogne et l’Espagne Les clefs du conflit »), de la fausse inamovibilité des frontières, de la séparation des pouvoirs, … ce trait évoqué effectivement à l’UCE de cette année 2021, mais objet de débats et « jeux » désolants voire inattendus chez certains depuis des mois (allusion aux tractations de palais d’une partie des leaders de deux des Partis indépendantistes), est bien, concernant l’actualité du Mouvement Catalogne, le doute semé sur l’unilatéralité.

Dans l’environnement catalan qui m’a accueilli depuis maintenant six ans ici en Catalunya Nord, quelques-uns s’en réjouissent ( « tout va bien « ), mais d’autres n’y comprennent rien. Car pour toutes et tous celles et ceux engagés dans ce Mouvement depuis au moins le début de ce siècle, qui ont pris la peine d’étudier l’histoire ancienne comme récente, la réalité du fait castillan est évidente. Il reste pourtant utile au bien commun d’encore et encore l’expliciter. Par ailleurs si une des principales erreurs de 2017 a certes été de mésestimer les postures et attitudes de l’UE, c’est là un enseignement à intégrer sans devoir altérer le Mouvement, celui de plus de la moitié d’un peuple debout malgré les exactions, devenu exemplaire aux yeux de tant d’autres, en Europe et au-delà. Ailleurs au sein de cette UE les regards évoluent en plusieurs Pays au constat de ses égarements et insuffisances. Il en résulte, au plan statégique, que « toute négociation entre la Catalogne et l’État espagnol est, en l’état, inenvisageable, techniquement tout autant que moralement. Même si, la culture catalane étant traditionnellement conciliante, Ramon Llull n’a-t-il pas écrit au XIIIème siècle « Livre de l’Ami et de l’Aimé », l’intérêt marqué pour la lutte non-violente y est en quelque sorte naturel. Mais nous traversons une période où les stratégies non-violentes ont presque partout faillies à moyen et long terme (ainsi Gandhi a-t-il été assassiné et le KKK « tourne » toujours au Sud des États-Unis). C’est toute une transmutation des « ennemis » qui est nécessaire (principe de réalité), ce qui demande du temps.


Aussi abstenons-nous d’évoquer les engagements qui, avec l’expérience de négociations et conflits (mais ailleurs en Europe), peuvent paraître adéquats. Car, comme l’a expliqué un ami catalan de souche d’ici qui connaît bien l’histoire et les coutumes et les enjeux, « si nous faisions cela, nous perdrions la Generalitat ».
Le mieux est probablement de reprendre les deux derniers paragraphes de l’éditorial de Vicent Partel du 23 Août « l’indépendantisme kidman. Oui, le 1er octobre a été un jour clef.


Michel André Vallée 3 septembre 2021, corrigé le 25.


NB : ne dénier en rien qu’il est de très belles réalités en Espagne, en poésie, en musique … des contrées et villes splendides. Federico Garcia Lorca a été exécuté en Andalousie, par une caste, pas par le peuple espagnol.

SER LLIURE

Premiers jours de juin 2022, trois éditoriaux de Vicent Partal marquent un terme à quatre ans et demi de persécutions en Catalogne « espagnole », et ouvrent un nouveau temps long pour le mouvement d’Indépendance de cette Nation-Région d’Europe.
Rappel que Vicent Partal anime et dirige l’excellent journal internet VilaWeb, en catalan bien entendu, de dimension internationale, et en est le premier éditorialiste. VilaWeb est explicitement engagé dans la cause de l’Indépendance de la Catalogne, Sud et Nord, et depuis ses débuts assure un travail sans faille d’objectivation, tant sur les événements et faits des Paisos Catalans, au Sud comme au Nord, que sur tous les aspects socio-économiques et culturels des choses de la vie qui peuvent être éclairants (en rapport avec la vie de la Catalogne) en regard de l’Espagne, de l’Europe, de ce Monde. Toujours en appuyant l’objectivation sur une argumentation précise et claire, enrichie d’une réflexion de fond à la portée de tous.

Dans ces trois éditoriaux successifs « I perque no » N° I, II, et III, au terme de « quatre anys d’infern » ( depuis octobre 2017) Vicent achève d’expliciter l’analyse de la dégradation progressive des »grands » Partis indépendantistes depuis le départ du Président Quim Torra, leurs mouvements de palais et collaborations de plus en plus nettes à plusieurs titres avec le gouvernement social-démocrate espagnol.
Pendant ces quatre ans et demi, après les plus de 1000 bléssés du fait des actes de la Guardia Civil espagnole l’1 d’Octubre, plus de 5000 catalans ont été poursuivis par la justice et le fisc espagnols sans fondements, par une tactique de judiciarisation et une rigueur hors de mesure, des peines absurdes disproportionnées, … et le cauchemard continue.
Les prises de position claires de plusieurs autres Pays européens, de l’ONU et plusieurs autres instances internationales, de multiples personnalités et experts d’orientations très diverses, pour dénoncer les violations des droits de l’homme et des peuples à décider d’eux-mêmes (nous sommes en Europe quand même), … rien n’y a fait. Dans un déni et un dédain fascinants, les instances et clans conservateurs réactionnaires castillans poussent ce qu’il a fallu finalement accepter de voir comme une guerre, jusqu’au bout. Il est donc devenu net que, là où l’Espagne en reconnaissant de bonne grâce la volonté d’indépendance de la majorité exprimée des catalans, aurait pu renforcer son meilleur allié, la réaction néo-franquiste espagnole ( car plusieurs Régions d’Espagne sont impliquées) est « l’ennemi ». La fracture, comme tant d’autres en cette période sur cette planète, sera longue à se cautériser. Si elle peut se cautériser un jour, car le conflit remonte loin dans l’histoire.
Lire, outre les nombreux ouvrages en catalan tels « Nou homenatge a Catalunya » de Vicent Partal, l’excellent ouvrage en français « La Catalogne et l’Espagne Les clés du conflit » sous la direction de Dominique Petitdemange et Marie-Christine Jené.

Tout cela est connu ; les sources, multiples, sont disponibles aisément.

Ce que propose, en cohérence avec le repositionnement des grandes sociétés civiles catalanes, Vicent dans les trois « I perque no », c’est bien d’enregistrer-accepter-introjecter l’état « abimé » du mouvement de l’Indépendance, de ne plus tenir compte des soi-disant grands Partis indépendantistes, de se fier et fonder de nouveau sur le peuple, par le peuple, pour le peuple. Partant, de reconstruire une démarche et une stratégie nouvelle, éclairée, adaptée, véritablement démocratique, engagée. Soit de comprendre, vouloir et agir de nouveau selon le temps long. Car, sociologiquement et culturellement, les signes de l’engagement observables de toutes parts parmi les catalans ne manquent pas. Les alliés et appuis à l’étranger sont nombreux, dans de nombreux Pays et instances, dynamiques.

Oui, le mouvement indépendantiste n’était pas suffisamment préparé autant que ses animateurs le pensaient et prétendaient juste avant le 1er octobre 2017, tel que nous avions pu l’entendre aux plénières de l’Universitat Catalana d’Estiu à Prades l’été 2017. Dans l’illusion des postures supposées a priori des autorités de l’UE, où seule la Cour de Justice se comporte correctement, quand la CE s’est systématiquement mise la tête sous le sable, et a choisie comme Ministre des Affaires Étrangère un social-démocrate espagnol fade qui s’est laissé humilier à Moscou. Dans l’incapacité d’occuper le territoire dont les frontières, et de tenir tête frontalement (à l’époque les Mossos d’Esquadra n’étaient pas récupérés par les autorité espagnoles comme depuis). Dans l’incapacité d’annoncer au Monde un programme fort porté par un gouvernement homogène, occupant ainsi le terrain politique, et obligeant l’Europe à se poser.

Dans l’immédiat, au vu de l’attaque systématique néo-franquiste récente sur le programme éducatif d’immersion linguistique, on comprends encore plus à quel point la promotion (au-delà de défense) de la langue catalane est primordiale. C’est évidemment une démarche de temps long.

Si je peux me permettre, je terminerai ce billet en mettant en doute, stratégiquement et tactiquement, le choix de la non-violence. La référence, dans les formations à la non-violence, de l’acte de cette jeune femme « de couleur », qui a refusé de laisser sa place dans un bus d’un État du Sud des USA (largement présenté sur ARTE), tente de prouver que cet acte (en fait soigneusement préparé puis valorisé en communication par le « Mouvement Civique ») a permis une avancée significative. Certes les avancées sont là, en regard de l’état des pratiques après-guerre, … mais qu’en est-il aux USA aujourd’hui, autant fracturés que juste avant le guerre de Sécession ? Certes, nous savons que la non-violence est dans les gènes de la société catalane. Mais justement, le fond de violence du paradigme culturel castillan est aussi profondément intriqué, systémique et historique que le fond de violence inter-racial aux USA. TINA (there is no alternative). Puis-je ici me permettre d’évoquer qu’il convient de changer de stratégie ?

Ser lliure veut dire « être libre ». À suivre…

Michel André Vallée 4 juin 2022

CATALUNYA, POUR QUEL PROJET ET PROGRAMME ?

Les constats de fond de l’attitude espagnole sont multiples. Outre le traitement des prisonniers politiques en contradiction flagrante avec les règles internationales et l’acharnement juridictionnel envers les exilés, ce sont sur le terrain du Sud plus de 3300 personnes qui sous des prétextes divers sont harcelées depuis la déclaration d’indépendance d’octobre 2017.
Parmi ces multiples constats, j’en retiens trois suffisants, directement ou indirectement, à l’analyse :

  • les tanks inutiles en Espagne mais investis pour les fournir aux Pays baltes (qui continuent à redouter à tort la Russie) contre leur non-reconnaissance de la Catalogne,
  • le fait que la démarche de jugement des prisonniers politiques n’ait été applaudie que par un dictateur, Erdogan, … mais qui dirige actuellement un Pays membre de l’OTAN !
  • la participation des dirigeants du PSOE, Parti social-démocrate en Espagne, à la table d’organisation de la répression du 155.

C’est l’affirmation sans équivoque, depuis fin 2017 donc, qu’aucune négociation aurait pu et ne peut être même pensée. Les conditions d’une négociation n’existent pas, dont son intérêt pour une raison ou une autre dans l’esprit des deux parties, à tel point que toutes les recommandations extérieures montant jusqu’au niveau de l’ONU n’y ont fait mais … Et ne même pas y penser est bien sans appel du côté espagnol, depuis octobre 2017 (et en fait à l’évidence dès la montée en maturité du mouvement indépendantiste).
La progression des votes pour les Partis indépendantistes en Catalogne du Sud jusqu’à 52 %, malgré l’abstention mais en cohérence avec les sondages des semaines précédentes dont certains ont donné jusqu’à 56 %, confirme par le peuple que le verdict d’octobre 2019 a bien été le Tchernobyl de l’Espagne, comme Vicent Partal l’a pointé dans un éditorial de Vilaweb d’alors, et comme nous l’avons évoqué ici au Comité de solidarité de Catalunya Nord. Le peuple ne s’illusionne pas sur le colonialisme de l’Espagne envers la Catalogne, … et il est facile de voir que le système gouvernemental espagnol est en voie de dégradation. Jusqu’au verdict, il restait encore possible de considérer que l’Espagne ne voyait pas que la Catalogne indépendante pourrait être son meilleur allié en Europe. Ce scénario est définitivement exclu, confirmé par les vagues incessantes de répression.
La seule suite pertinente à l’action, en accord avec ce qu’a été contraint de démontrer Vicent, est la lutte frontale, la mise en œuvre unilatérale de l’indépendance.
Et c’est un ex-médiateur social professionnel, ayant l’expérience répétée d’accompagnement de situations difficiles et complexes, qui écrit cela.
Il m’a été pointé que dire cela est facile de ce côté-ci de la frontière (actuelle), au Nord, … mais dans cette vie-ci jusqu’à 76 ans, j’ai beaucoup donné et pris des risques, souvent, en ai assumé les conséquences, donc suis en droit de me le permettre.
Plusieurs acteurs disent depuis l’accord de ces derniers jours passé entre ERC et Junts « nous avons un accord », … NON, ce n’est qu’un arrangement « prim » pour éviter de nouvelles élections à l’évidence inutiles ; en catalan « prim » veut dire mince, maigre …
Cette mise en évidence du seul scénario possible étant posée, malheureusement plus que de besoin, … reconnaissons qu’un trait a profondément troublé après l’ 1-O. Nous n’étions pas prêts, à l’inverse de ce que plusieurs « responsables » affirmaient à la tribune en plénière de l’Universitat Catalana d’Estiu à Prades l’été précédent ! Ceux-là l’ont affirmé en plénière alors qu’Elisenda Paluzie, Présidente de l’Assemblea, avait du se contenter en fin de journée d’une salle de cours, mais bondée et du fait élargie à deux salles ; et cette dernière y avait justement développée avec réalisme les stratégies utiles.Ce constat pose question, malgré une culture de haut niveau si riche  partagée à tous niveaux ?
Si le chemin est celui de la lutte frontale, il est indispensable de savoir pour quoi. 
Il est indécent de jouer avec l’espoir des peuples., … mais il est nécessaire d’amener les conditions concrètes des négociations entre eux (car les peuples sont différents), et sinon … Il n’est pas légitime d’envoyer les gens au front comme des Marie-Jeanne (les soldats des premières lignes sacrifiés des guerres d’anciens régimes (anciens … ?).
La Catalogne ne peut être seule, elle a besoin d’alliés solides, sur un projet global de société. En Europe et au-delà, même si on ne compte plus les petits États, les Régions, les juridictions, les entités, qui appuient son processus d’indépendance ; l’UE en soi a manifesté, par son silence, son retrait de fait, évidemment du fait du poids des États français et espagnols.
Vicent Partal dans son éditorial « taulers » évoque l’hypothèse, quand l’Écosse vise l’UE, du nouveau Réseau mondial où s’inscrirait par exemple la Suisse, la Grande-Bretagne … À étudier, auquel cas cette UE n’aura plus que ses larmes pour gémir quand l’indépendance sera effective.
Quels alliés solides à l’extérieur, soit pour quel projet, projet de société, partant de gouvernement, au-delà de l’engagement dans l’avènement de la République indépendante, … au-delà de la seule communication politique.


Michel André Vallée, … prise de parole le 20 mai 2021, à l’hora solidaria.

L’INDÉPENDANCE DE LA CATALOGNE, PROPOSITION DES CONDITIONS POUR GAGNER

JANVIER 2021 – Le 20, Vicent Partal, dont l’éditorial sur VilaWeb est attendu tous les matins, a publié un document véritable essai d’actualisation des conditions de l’indépendance, présenté en trois parties. Ce billet tente d’en traduire les grands traits en français, … avec deux-trois commentaires courts pour les lecteurs moins informés.

Honnêteté et simplicité d’introduire par le constat du désastre politique institutionnel dans lequel le mouvement indépendantiste catalan se trouve actuellement.

En effet, depuis octobre 2017, avec plus ou moins d’intensité par phases, tout se passe comme si la Catalogne (du Sud, « espagnole ») subissait le joug de l’article 155, soit la prise en main par Madrid du gouvernement de la Generalitat (organisation politique de la communauté autonome de Catalogne). Il n’y a pas de semaine sans qu’une exaction aux droits soit commise, sévère, ici et là partout où l’ex-autonomie pourrait être réduite, envers tant le Pays que la population et ses représentants légaux et associatifs.

La judiciarisation systématique intense de tout acte et attitude ne tient aucun compte des avis, remarques, positions, demandes, exigences, venant de l’extérieur, tout autant de Pays, d’institutions, de l’Europe que de l’ONU. Une partie des « responsables » politiques des Partis indépendantistes se dispersent, semblent tenter de collaborer, lamentablement (l’usure du temps et l’appétence du pouvoir fait son effet aux dépends de l’unité) ; la population, solide, reste portée par les grandes associations civiles, qui demeurent puissantes. Une partie des plus jeunes piaffent pour en découdre, ce qu’attendent depuis des années les autorités et la justice espagnoles.

Vicent Partal rappelle que sa tâche est d’analyser la réalité et de tenter d’aider à la comprendre.

1 – les trois clés du discours : unilatéralité, auto-affirmation et compréhension que « l’autre » est un tout indivisible.

Ces trois dernières années la scission de l’indépendantisme entre tenants de la rupture et réformistes a produit pour ces derniers, particulièrement pour plusieurs théoriciens et promoteurs d’Esquerra Republicana (un des Partis traditionnels de la gauche républicaine) de marquer la distance avec les autres, en proposant des énormités conceptuelles soit la prise en compte du cadre légal et mental espagnol, en conséquence la paralysie du projet indépendantiste. Ainsi du blâme du nationalisme (catalan), de la normalisation du castillan en tant que langue, ou de cette idée selon laquelle l’indépendance ne serait pas possible si une moitié du Pays se positionne contre, ou certaines contrées administratives, ou quelques villes.

Il y a lieu de se défaire net de ces constructions mentales qui ne tiennent pas, et de mettre en avant trois axes clés de tout mouvement de libération que l’indépendantisme catalan a largement assumé à l’étape 2017.

Le premier axe est l’unilatéralité. La manifestation de 2010 à propos du verdict sur le statut (réduction de l’autonomie) a été convoquée sur le thème « Nous sommes une Nation nous décidons ». Et non pas « Nous sommes une Nation, nous négocions ». Et encore moins « Nous sommes une Nation, voyons si nous pouvons faire quelque chose ». L’équation doit rester claire : le mouvement démocratique catalan pour l’indépendance est l’expression de la volonté de la Nation catalane, laquelle ne se soumet à aucune autre volonté que la sienne. Ce n’est pas relatif à une estimation de pourcentage ni à une quelconque idéologie : « nous décidons de ce que nous voulons faire ».

Le second axe est l’auto-affirmation, complémentaire du premier. Aux indépendantistes de savoir avec quels éléments construire la Nation, ce qu’ils ont d’unique au monde qui les rend forts, qu’il n’est pas possible de réduire ni de diluer sans arrêter le projet,… et alors dans le drame. Vicent Partal fait tout particulièrement référence à la langue. Car c’est le catalan qui fait la Catalogne.

Le troisième axe est la compréhension que « l’autre » est un tout indivisible. Une Nation est contre une autre, les Pays catalans, la Catalogne, contre l’Espagne. Soit un dialogue d’affrontement entre Nations, soit la subordination. L’État espagnol constitue un Tout, complet, responsable comme un Tout de tout ce qu’il fait. Il n’y a pas d’une part un bon gouvernement et de méchants juges, … mais un État qui met en œuvre toutes les armes à sa portée  pour réussir son objectif politique : annihiler les indépendantistes en tant que Nation. Habituer « l’autre »  à n’entendre que ce cadre, … faute de quoi le mouvement n’aboutera à rien de plus qu’un régionalisme … espagnol. Il n’est donc pas question de traiter sur un siège de député donné, une mairie, un budget, comme s’il ne s’agissait que d’actes politiques distincts de l’objectif républicain.

Bien évidemment, cette formulation implique des actions quotidiennes, qui ne dépendent pas seulement des politiciens mais de chacun. Plus spécialement, la reconnaissance des positions anticolonialistes et de libération, ce qui va avec ne pas tenir compte des diverses initiatives d’étouffement, le devoir de ne pas respecter l’oppression, et de systématiquement agir en auto-défense.

2 – les trois principales leçons de la période 2017/2020 : les indépendantistes veulent gagner, les « autres » veulent les freiner, et le statut d’autonomie est en fait un obstacle.

Le processus d’indépendance en ces débuts du XXIè siècle suit des phases distinctes.  De 2010 à 2014 une phase de diffusion avec la validation théorique du projet. De 2014 à 2017 la phase du travail parlementaire en même temps que populaire de sa traduction institutionnelle. Et de 2017 à 2021, vaille que vaille, la phase de lutte contre la violence espagnole, le débat sur le chemin dorénavant à suivre dont la destruction, à partir des contradictions liées à la répression, de l’architecture institutionnelle de l’État espagnol y compris sa crédibilité à l’extérieur.

Plusieurs leçons importantes sont à tirer de ces trois phases, selon Vicent Partal.

La première, fondamentale, est de savoir comment gagner. Car l’indépendantisme l’a emporté en 2017. Emporté par la cohérence d’avant, l’unité, toujours à l’initiative de propositions renforçant la majorité. Emporté avec l’engagement combiné de Junts per Si (Partis indépendantistes de centre-droit) et de la CUP (Parti indépendantiste radical de gauche). Emporté en approuvant des lois logiques, bénéfiques à la grande majorité du Pays, … lois que le régime en place ne peut accepter. Emporté en détricotant le franquisme et la transition qui s’en est déclinée. Ainsi lors des remarquables sessions parlementaires des 6 et 7 septembre 2017 où les espagnols ont poussés des hurlements quand était touché le cœur de la bête, là où cela faisait mal. Emporté avec l’unité populaire du Premier Octobre (2017).

Bon : certains peuvent dire qu’aujourd’hui les indépendantistes sont plus divisés que jamais ; il y a doute là dessus. Chaque Parti étant ce qu’il est, les désunions se manifestent par des luttes de personnes comme cela se passe entre les membres d’une même famille. On en trouve l’origine notamment dans les élections européennes antérieures. Mais là où du point de vue des Partis se déroule une mauvaise expérience, ont quand même eu lieu les élections du 27 septembre 2015, le referendum d’autodétermination du Premier Octobre (2017), et la proclamation de l’indépendance.

Il est clair que l’unité a été imposée aux politiques par la rue, la décision de la population. Avec l’action de quelques « outils », surtout l’ANC (Assemblea National Catalana une des principales organisation civile qui animent le mouvement d’indépendance) ; mais il est moins évident que cette dernière soit aujourd’hui dans la capacité de renouveler une telle manœuvre. La principale erreur commise a peut-être été de freiner la mobilisation populaire en priorisant les Institutions. La différence stratégique de fond est au cœur de chacun. Là où les indépendantistes savaient qu’ils ont la capacité d’orienter les politiques, il leur semble que ces derniers s’en jouent, alors que faire ? D’abord changer cela, et que les catalans qui veulent l’indépendance en reviennent à ce qu’ils sont.

Dans le changement de cap de 2017 des réformistes, l’ajournement de l’indépendance place en priorité les pactes avec Madrid et la gestion d’une Generalitat  qui ne se maintient pas dans la ligne. C’est là une attitude qui va s’épuiser car les résultats (dans le sens de l’indépendance) sont déjà et seront nuls. Aussi il y a lieu de demander (aux électeurs) de résoudre cette situation par un vote massif le 14 février (prochain) en faveur des candidats pour la rupture. Suivre les réformistes mènerait à abandonner le projet d’indépendance. L’expérience d’une telle manœuvre a déjà été observée au Pays basque suite à une scission de l’ETA.

Les « autres » savent comment freiner le mouvement. Ils savent « diviser pour régner », en collant à cette stratégie la répression et la violence. La répression est efficace, mais sans tromper personne. Elle fatigue, lasse. Elle use, épuise. Elle trouble la vue. C’est pourquoi les espagnols la mettent en œuvre, jusqu’à en payer le prix en matière de réputation, alors qu’ils le savent ; ils savent aussi comment assumer et répondre. Ils adaptent la répression à chaque statut, prisonnier ou exilé ; amendes et exactions sous tous les prétextes. On finit par ne plus savoir si la lutte contre la répression se substitue à la lutte pour l’indépendance, et finalement la masque. Difficile de maîtriser l’émotion que chacun et tous ressentent, … mais il faut faire avec.

Dans ce contexte, Vicent Partal considère que l’on a pu voir plus clairement la perte totale de pouvoir et d’écoute politique de la Generalitat. Ainsi d’actions des Mossos (police de la Generalitat) et des dénonciations de personnes qui se mobilisent dans la rue, intolérables. Connait-on au monde un autre mouvement de libération qui tiendrait ses propres prisonniers enfermés dans ses propres prisons ?

Donc, que faire ?

3 – les trois clés du futur à court terme : instituer la République (de Catalogne), mettre l’état espagnol au pied du mur, et en obtenir le pouvoir et le territoire.

Les choses ont beaucoup changé entre 2017 et 2021, certaines en mieux, d’autres en pire. Il n’est plus possible d’appliquer mécaniquement la stratégie d’avant 2017. Vicent Partal est convaincu qu’il convient de bâtir sur trois piliers.

En 2014 « on » croyait au chemin légal, aussi la Generalitat a été l’instrument retenu pour faire l’indépendance. Dorénavant, non. La violence espagnole, l’absence de réaction démocratique de la part de l’État espagnol, laissent clairement voir que ce chemin ne pourrait être suivi qu’en espérant un miracle inimaginable. En conséquence il faut tendre dans une autre direction. Laquelle ?

Pour Vicent Partal, trois facteurs clés sont à activer le plus tôt possible :

  • l’institutionalisation  de la République proclamée (en 2017) ;
  • la poursuite de la destruction institutionnelle de l’État espagnol ;
  • en même temps que le « Consell per la Republica »  lui dispute le pouvoir, non seulement sur les réseaux numériques ou au plan culturel mais aussi physiquement, dans la rue. Consell per la Republica est l’initiative lancée en 2019 par les membres du gouvernement en exil, rassemble les tenants de la République de Catalogne (catalans ou non) au sein d’une citoyenneté autonome distincte des structures officielles ; l’institution, internationale, est actuellement intégralement structurée sur un fondement numérique,  permettant à tous les adhérents de participer rapidement à toutes les décisions importantes.

Il se trouve que toutes les projections imaginables pour le projet ont de fait été impulsées par des initiatives diverses, par exemple du Consell per la Republica ou de l’ANC. Quand même, il faut dire que ces initiatives ne semblent pas toutes prendre racine, … ne s’y inscrivent pas toutes les personnes qu’il faudrait.

Le cas du Consell est le plus net. Ce serait un des meilleurs outils de libération, mais les gens ne semblent pas tous le comprendre. Sa propre gestion des débuts, par à-coups, de part et d’autres, n’y a pas aidé. Mais maintenant il semble que soient bien engagées son institutionalisation et l’annonce des premières élections à l’assemblée constituante. Il est donc bel et bon de comprendre ce que signifie déjà deux millions de catalans qui bâtissent, en partant de la base, en totale liberté et coordonnés entre eux, un contre-pouvoir national, une autorité nationale reconnue au quotidien par une proportion plus importante de la société. Et ce sur tous les terrains, allant par exemple du suivi consommateurs de l’IBEX (indice boursier à la Bourse de Madrid) … à la représentation internationale de la Nation.

Le Consell, dans son document « Préparons-nous », a proposé la bataille du pouvoir contre l’État espagnol, et c’est ainsi qu’il faut agir. C’est une bataille qui devra se faire dans la rue dés le terme de la pandémie, en se raccordant au cycle de fortes et puissantes mobilisations réalisées de octobre 1989 à février 2020.

Cette démarche doit être combinée avec le troisième facteur clé, la poursuite de la démolition de la crédibilité de l’État espagnol et de son fonctionnement institutionnel. S’il n’y a pas d’accord avec lui, et (l’expérience montre que) il n’y en aura pas, l’indépendance devra se porter en avant dans le conflit, conflit ouvert. Sa responsabilité ne relèvera pas des indépendantistes, mais de ceux qui refusent le dialogue et le vote (d’autodétermination). En regard de tout cela les indépendantistes ont à être bien conscients que la situation a considérablement changée depuis 2017. La répression sur les prisonniers politiques et les actions contre les exilés ont mis au pilori la crédibilité de la démocratie en Espagne.

La justice européenne est lente, alors que les indépendantistes sont pressés. Mais il y a lieu d’être conscients que la part la plus décisive du chemin est déjà faite. Maintenant, comme en judo, il reste à utiliser le déséquilibre de l’adversaire pour le faire tomber. Déjà il est devenu clair qu’il n’y a eu ni rébellion ni sédition ni rien de tel, mais qu’il est devenu évident  que l’Espagne a réagie non pas comme une démocratie, ni en respectant ses propres lois et son cadre institutionnel. Évident qu’il y a discrimination contre les catalans en tant que minorité nationale. Le prix final que l’Espagne paiera, tant au plan juridique que de son image, sera très élevé, … et cela ne tardera pas.

Vicent Partal termine en mettant l’accent sur l’horizon immédiat. Quand la justice européenne oblige l’Espagne à annuler son jugement (d’octobre 2019 le « moment Tchernobyl de l’Espagne »), sa réputation et sa capacité de contrôle de la situation chute très bas. La question est de savoir si ce jour là le mouvement indépendantiste sera prêt à faire le pas décisif. Le sera-t-il ou pas ? … il est sur qu’il le sera si d’ici là est institutionalisée la citoyenneté républicaine,  si déjà la bataille du pouvoir est engagée sur tous les terrains où cela est faisable, et si les indépendantistes ne renouvellent pas les erreurs qui les ont affaiblis en 2014. Il pointe notamment les brouilles partisanes, ainsi qu’une certaine faiblesse théorique, une conception trop tendre, voire angélique (difficile de traduire le mot catalan en français mais l’idée y est), de ce qu’est la Nation.

Vicent Partal reste ouvert à tout débat.

Mon premier commentaire : enfin, dans le contexte des réalités du projet d’indépendance de la Catalogne, de la part de l’un des premiers et respecté comme tel des maîtres à penser de ce mouvement, un discours de combat dans le cadre d’un conflit direct. Car, spécifiquement dans ce contexte, il n’y a pas d’autre alternative (TINA), et il aura fallu les souffrances non méritées et non choisies de tout un peuple, dont l’énergie aurait pu être si bénéfique à toute l’Europe, pour en arriver à ne pouvoir considérer autrement la situation. Et c’est un ex- négociateur et professionnel de la médiation de cas difficiles qui commente ainsi, après cinq ans d’observations. Dans un tel cas de radicalité des deux adversaires, on ne peut là envisager le choix extrême et très dangereux sur des enjeux lourds du « saut de l’ange », que par exemple des Anouar El Sadate et Moshé Dayan ont réussis (mais le premier en a été assassiné) ; car n’existent pas deux leaders de cette trempe ! Vicent Partal nous fait donc là bénéficier de son habituelle analyse acute et de son regard qui dépasse : le rebond sera acté par la base ou ne sera pas.

En l’occurrence, c’est dans le combat franc et non dans la non-violence trop systématique voire dogmatique que se prépare la résilience, … qui sera, plus tard. Si coopération va le plus souvent en alternance avec conflit, en l’état, là, c’est conflit.

Michel André Vallée              28 janvier 2021

Lire aussi, sur le site internet Col.lectiu Oliba « En quoi l’indépendance est pour la moitié de la population catalane la seule issue pertinente et acceptable ? Fondements historiques de cette conviction » – mai 2019.

NON VIOLENCE ? : OUI, MAIS PAS SANS PRINCIPE DE RÉALITÉ

Bien entendu, la situation des Indépendantistes de Catalogne face à l’Espagne néo-franquiste n’est pas celle des Démocrates des USA face aux trumpistes. Ce sont deux histoires, deux ensembles contextuels et d’enjeux très différents.

Mais le trumpisme, dont les outrances ont inspiré depuis ces dernières années plusieurs analyses socioéconomiques, géopolitiques, et même psychiatriques, s’avère bien être la face actuelle du conservatisme d’extrême-droite américain.

Pardon de me répéter, mais quelle outrecuidance pour les habitants des USA de s’approprier le qualificatif « américains » ; et tous les autres, des Inuits du Nord aux Mapuches du Sud ? Cependant là puisque Bolsonaro sévit au Brésil, que nous avons connu l’épisode Pinochet au Chili, le coup d’État contre Morales en Bolivie, après tant d’autres …, nous pouvons parler de la culture de l’extrême-droite américaine, depuis l’arrivée des Conquistadors du Nord comme du Sud.

En fait, la guerre de Sécession ne s’est jamais terminée, en témoignent les assassinats de citoyens considérés encore de nos jours comme « à mater » et la violence symbolique et trop souvent physique des manifestants, de ces gens qui refusent et dénient totalement toutes évolutions de la sacro-sainte « american way of life » (d’autres peuples peuvent bien être affamés pendant la durée de cette jouissance).

En Espagne, la guerre non plus ne s’est jamais terminée, comme en témoigne la continuité des exactions dures menées toutes les semaines par le régime Populaire puis soi-disant social-démocrate mais de fait néo-franquiste sur la population catalane et les intérêts de la Catalogne, considérée comme une colonie (l’ultime colonie de l’Espagne les pays Basques bénéficiant d’une Autonomie incluant la maîtrise de leur fiscalité après avoir traversés un période de conflit frontal). Non, il n’y a pas eu de réelle sincère pause dans la tête, le cœur et les reins de toute une caste de la population espagnole, après le décès du dictateur Franco, puisque les droits de la Catalogne et des catalans (incomplets dans une Constitution « provisoire ») ont été systématiquement rognés dés les premières opportunités, et que depuis le 1er octobre 2017, tous les Partis non-indépendantistes ont participé, directement ou indirectement, à la table d’application de l’article 155 !

Cette culture là lie une partie des grands possédants, une partie des classes moyennes conservatrices et réactionnaires, et une partie des classes populaires dans une identité commune. Quelles traits décrivent cette identité ? Tant de travaux pertinents là dessus, aussi contentons-nous de citer : la propriété individuelle appuyée sur l’exploitation estimée « naturelle » d’un certain nombre de gens (peu ou en grand nombre), pouvant dériver à l’esclavage ; le machisme, … souvent lié au racisme ; la pensée unique de domination ; l’ordre social raide bien au-delà du nécessaire, … souvent assuré au nom d’un dogme religieux ; le goût d’une consommation de luxe ou qui copie pour les plus humbles des symboles d’une image luxe ; la violence gratuite comme signe de virilité (même chez les femmes).

Symboliquement et pratiquement, cette violence gratuite liée au goût du sang prend aux USA la forme de la sacralisation du second amendement de la Constitution, et en Castille et Andalousie la forme de la sacralisation de la tauromachie. Ces quelques exemples suffisent à « sentir » (en français et en catalan) de quoi nous parlons.

Est-il utile de rappeler que les complexes de supériorité sont le plus souvent (pas toujours) une structuration de compensation individuelle et/ou collective aux complexes d’infériorité ?

Or, ce système profondément ancré de représentation des réalités ne peut évoluer vers une ouverture de fond « aux autres » qu’au fil de plusieurs générations. C’est au moins une question de niveau partagé et ancré d’éducation et de connaissances. Avec ce type de culture, l’histoire après de multiples cas démontre qu’il n’est pas de négociation durable possible avec les « autres » , … hormis des compromis temporaires qui ne résultent que de rapports de force. En effet l’essence du projet d’une négociation durable, qu’elle complète ou non une médiation, est bien une modification de fond durable des façon de voir et attitudes des deux « partenaires » qui étaient « antagonistes ».

Sun Tzu, en Chine, a écrit L’art de la guerre, il y a plus de trois millénaires, à partir de l’analyse critique avec recul de nombreux cas de gestion de conflits. Sa règle d’or d’investir deux tiers de l’énergie en développements et un tiers en contention relève totalement du principe de réalité. En l’occurrence contention est sérieux et ne peut qu’être ferme, doit être agie si le contexte l’exige, et peut aller jusqu’à la mise en œuvre des moyens de pression les plus durs autant que de besoin.

Aussi, aux USA l’intention annoncée par Joe Biden  de rassembler en vue de dépasser l’état actuel ne peut être entendue par la caste identitaire du trumpisme, encore moins par les leaders du Tea Party. Aussi, en Catalogne, la stratégie de non-violence  annoncée et portée par les collectifs animateurs de l’Indépendance ne peut être respectée ni même considérée par tant les leaders que les tenants de l’ « Espagne une et indivisible » ; elle est dénigrée et combattue, avec dédain, par les tenants conservateurs du néo-franquisme.

Un jour, j’ai déclaré à un petit collectif de confrères allemands, avec lequel nous partagions une démarche disons « de développement » : « depuis 1945, deux générations ont passées, et la nature des actes posés montre bien que vous n’avez plus à porter la culpabilité de la génération qui a permis le nazisme, même si certains tentent de continuer à tirer profit de cette responsabilité passée ».

Aujourd’hui, en regard du trumpisme issu du sudisme esclavagiste tout comme du néofranquisme issu de l’orgueil  de l’Espagne d’antan, il faudra bien plus que deux générations. Le niveau médian de conscientisation de l’actuelle humanité, d’autres situations aussi et plus dramatiques perdurant sur cette planète, étant ce que nous savons, peut-être même le seul espoir réside-t-il dans la mutation globale de civilisation qui est en cours ?

D’ici là, avec et face à de telles cultures, qui se croient toujours puissantes donc s’imposent (tant que cela marche et après nous le déluge), seuls des rapports de force crus et durs peuvent permettre de dégager suffisamment d’espaces de liberté pour respirer et avancer.

Que l’on ne se méprenne pas, et me faire dire ce que je n’ai pas écris. L’option de la lutte non-violente est belle, signe d’humanité, porteuse de mouvements de fond vers une élévation du niveau de conscientisation collective, … MAIS n’est adaptée qu’aux contextes appropriés.

Sinon, le principe de réalité, fondamental, mène directement à la confrontation frontale, … en sachant choisir ses moyens et son moment lorsque le rapport de force se présente favorable ou, pire, que l’ennemi l’impose (Churchill).

Dans le sud des States, l’acte pour une jeune femme noire de refuser de se lever d’un siège réservé aux blancs était soigneusement préparé en mobilisations et logistique par le mouvement des droits civiques, non violent. Dont acte. Démarche intelligente et courageuse, et certes la législation US a ensuite évoluée, … mais les attentats perpétués en public aux yeux de tous continuent ! Revoir le dossier Ku Klux Klan une histoire américaine de ARTE Éditions – 2020, qui va de la sortie de la guerre de Sécession au trumpisme d’aujourd’hui. Exemple d’objectivation.

Quand au Grand Gandhi, s’il a réussi à libérer les Indes de l’Angleterre, il a été assassiné. Depuis, Indes et Pakistan sont en conflit frontal permanent. Les castes n’y sont pas disparues.

La Catalogne finira par réaliser son Indépendance, compte tenu de ce qu’Elle est (histoire millénaire partagée, langue, culture, territoires, économie,…). De multiples signes : la Catalogne ne manque pas d’appuis au plan international, dont européens. Des acteurs qui comptent en Écosse, en Finlande, au Danemark, de plusieurs Lands allemands, en Suisse, au Portugal, des Régions de Belgique, au Québec,  …, à l’ONU,  ont réitérés explicitement leur appui. Plusieurs grandes entreprises, notamment actrices d’innovation, continuent d’y investir.

La Catalogne ne peut que se libérer de cet état de colonie d’une Espagne qui est en train de se démanteler, ce que la Communauté Européenne se refuse encore à voir de même qu’elle ferme les yeux sur les transgressions graves et inlassablement répétées à l’état de droit ! Comment tenir la contradiction entre les attitudes envers la Biélorussie, la Hongrie, a Pologne d’une part, et par rapport à la Catalogne d’autre part ?

Malheureusement, ce destin hautement probable ne se concrétisera pas sans encore un ou plusieurs épisodes de confrontation frontale. Ils exigeront un grand courage de la part de la population et des collectifs de la société civile engagés, au-delà de la non-violence. De courage, la gent n’en manque pas, en témoigne la capacité de continuer à vivre collectivement tel que l’on est, malgré le harcèlement permanent des exactions. Lorsque des centaines de catalans venaient volontairement se déclarer avoir participé au référendum du 1er octobre pour recevoir la condamnation de leurs leaders, ils rappellent ceux qui aux Indes continuaient d’avancer les mains nues sachant qu’ils seraient matraqués certains à mort. Ce faisant, ils saturaient le système judiciaire, pointant une régime qui a choisi l’arme de la judiciarisation ; mais ce système joue le temps, et continue son rouleau compresseur de procédures, inchangé !

Les populations et les associations civiles catalanes qui restent ancrées dans la réalité ont aussi à pâtir de clivages oh combien dommageables d’une partie des partis politiques, tout comme les citoyens des USA qui espéraient dans une autre société plus humaniste, sociale et soucieuse des écosystèmes ont payées cher les conceptions « hors-sol » des états-majors démocrates il y a quatre ans et depuis. Quels surcoûts !

Pour toutes les autres considérations, Vicent Partal, fondateur et animateur de l’excellent journal internet Villaweb, commente chaque jour avec objectivité et pertinence, certes en catalan, ce qu’il convient.

Cet article est-il utile ? Tous ces traits sont connus, repris et repris, … mais peut-être pas ainsi ?

Michel André Vallée  novembre 2020

L’ESTACA EN 2020

La chanson L’estaca, a été composée par Lluis Llach en 1968. 1968 !

L’estaca, c’est le pieu, auquel nous sommes tous attachés, toutes et tous, nous femmes et hommes du peuple.

D’abord symbole de la lutte contre l’oppression franquiste, elle est devenue  symbole de lutte pour la liberté.

Pour les catalans presque un second hymne, de portée globale.

Ce combat  est sans répit, les mains sont écorchées par les efforts incessants. Il perdure de génération en génération, jusqu’à ce que nous nous libérions tous.

Siset dit clairement que seule l’unité, partant l’action commune, permet et permettra d’en venir à bout.

Unité veut dire que nous sommes différents, pensons différemment, mais que l’objectif commun, l’indépendance, est prioritaire, unique devant tous les autres.

Foin des jeux politiques, auxquels certains se laissent entrainer derrière des prétextes tactiques, … parce que ce serait trop long d’attendre les bonnes places ?

Oui, … « ella es mes ampla i mes gran », car le franquisme est toujours présent, même pas masqué en Espagne :

  1. Beaucoup ont participé au 155, les nuits et les jours de prison et d’exil se cumulent, … et le système en place croit gagner du temps, prisonnier de ses propres contradictions.
  2. L’UE n’assure que le service minimum, et n’exige pas de l’Espagne qu’elle respecte tout simplement les droits, … droits actuels et droits plusieurs fois centenaires. UE, car les peuples des Pays d’Europe, c’est autre chose, nombreux ceux qui ne se sont pas couchés sous les exigences judiciarisées absurdes d’un autre temps.

… l’estaca de 2020, c’est le néo-libéralisme mondialisé, géré par les marionnettistes du Deep power de la finance internationale.

L’estaca, en 2020, bien au-delà de la gouvernance d’Espagne qui demeure réactionnaire, et se refuse à voir combien elle bénéficierait plus du commerce avec une Catalogne indépendante et non plus colonie, bien au-delà de la CE qui n’ose pas affirmer ici et face au monde entier ses valeurs … supposées,

Les analyses, rapports, propositions, venant de tous les Pays, et de l’ONU, abondent, … mais rien ne semble y faire.

Alors unité prioritaire, … estirem fort d’un côté et de l’autre pour la renverser cette estaca :

  1. conscience
  2. à la fois tolérance de nos différences et fermeté dans l’objectif
  3. solidarité
  4. se battre pour gagner

La Catalogne indépendante contribuera à la future Europe, humaniste, sociale, laïque, de niveau d’éducation élevé, de justice. Europe fédérée des peuples conscients de « fer pais » !

Michel André Vallée            11 septembre 2020, jour anniversaire de la Diada.

EN QUOI L’INDÉPENDANCE EST POUR LA MOITIÉ DE LA POPULATION CATALANE LA SEULE ISSUE PERTINENTE ET ACCEPTABLE

Fondements historiques de cette conviction.

Cet article est un support de conférence préparée en février 2020, qui n’a pas eu lieu du fait du confinement Covid-19

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Bon cop de falç ! Bon cop de falç, defensors de la terra ! Bon cop de falç ! (refrain de « Els Segadors », version officielle de l’hymne de la Catalogne indépendante depuis 1899, la version traditionnelle datant de 1640).

CHIFFRES CLÉS DE LA CATALOGNE

Population            7,6 millions d’habitants

Superficie             32114 km2

PIB                         210 milliards d’euros

Economie              Diversifiée, avec cependant une prédominance du secteur des services (69,6 %) et du secteur de l’industrie spécialisée (20,9 %)

Tourisme              11 % du PIB catalan: la Catalogne attire 25 % de tous les touristes qui visitent l’Espagne

Universités           7 universités publiques, 4 privées, 1 université à distance

Langue                   Le catalan: dix millions de locuteurs, 8e langue la plus active dans les blogs, 26e langue du monde en matière de sites web.

Plus de 100 chaînes radio émettent chaque jour en catalan, et plus de 160 universités dans le monde donnent des cours en catalan.

DATES MARQUANTES DE L’HISTOIRE

801

Épopée du comte Guillem de Tolosa, qui engage le début de la Reconquête sur les musulmans d’Al Andalous. Le comte Guillem est reconnu et accrédité par Charlemagne.

1027

L’abbé Oliba lance la Trève de Dieu, tant au Nord qu’au Sud des Pyrénées. Il fonde les abbayes de Saint Michel de Cuxa et Ripoll, de chaque côté. Les deux villes de Ripoll et Prades sont toujours germans (jumelées).

1274

Écrits en langue catalane par Ramon Llull, reconnu penseur universel de son temps.

La Catalogne, une très vieille dame fidèle à son histoire

Si le premier drapeau espagnol date de 1785, le drapeau catalan existe depuis 1150. C’est aussi l’année des ébauches de la langue catalane.

Mise en route des Constitutions de Catalunya en 1214.

Si le premier Parlement espagnol date de 1834, le Parlement catalan (les Corts) existe depuis 1218.

Si la première Constitution espagnole a été rédigée en 1812, la première Constitution catalane l’a été en 1283.

Si le premier Président espagnol a été élu en 1823, le premier Président catalan a été nommé en 1359.

La Catalogne a exercé sa pleine souveraineté pendant 700 ans, au sein d’une confédération catalano-aragonaise. Durant tous ces siècles, elle a préservé ses institutions, son gouvernement, sa langue. Elle prélevait les impôts sur son territoire, qu’elle administrait librement.  

1640

Guerre des « Segadors », au cœur de la guerre de Trente ans (1618 – 1648). Défense du modèle Républicain d’organisation de la société, horizontal, contre le modèle monarchique, vertical et impérial. Perpignan est bombardée en Juin. Une « République » est consolidée autour de « Conseil des Cents ». Elle ne durera que quelques jours, perdant le Roussillon, le Conflent et une part de la Cerdagne au profit de la France de Louis XIII.

Le Portugal, qui s’est soulevé en même temps, gagne son indépendance.

1659

Traité des Pyrénées, signé entre Louis XIV et Philippe IV. Sa longue mise en œuvre entérinera 1640. Mazarin a succédé à Richelieu.


1713 – 1714

Tout bascule après la guerre de Succession espagnole. La Catalogne soutient Charles d’Autriche, alors que les troupes franco-espagnoles veulent placer sur le trône vacant Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV. Barcelone, assiégée durant 14 mois, se rend le 11 septembre 1714.

La Catalogne sera politiquement écrasée: le Décret de la Nueva Planta, imposé par Philippe V deux ans plus tard, lui enlève toute autonomie législative, fiscale et judiciaire, et enterre la Generalitat et son Parlement. C’est le début de la monarchie absolue en Espagne, monarchie qui va absorber et coloniser la Catalogne par la force.

1843

Pendant deux mois, projet d’administration révolutionnaire qui préfigure la Commune de Paris (1871)

1855

Première grève générale ouvrière, en Catalogne, avec un retentissement fort à Madrid. D’une part consolidation du clan « républicains », et d’autre part question du poids de l’économie catalane en avance sur le développement économique du reste de l’Espagne. Constat de la perduration du catalanisme.

Le catalan se définit d’abord culturellement par sa langue.

Une langue, non pas un dialecte, que l’Espagne a tenté en vain d’éradiquer depuis le XVIIIe siècle, et l’avènement de Philippe V. Une assimilation au castillan forcée dès 1716. Par la langue, la culture est spécifiquement systématiquement visée. Deux exemples « historiques » symboliques, parmi des millions d’autres au quotidien :

1867 El ministre de Governació espanyol, González Bravo, prohibeix les representacions de teatre escrites íntegrament en català. Or le théâtre était alors un support emblématique pour l’ensemble des classes moyennes et supérieures catalanes.

1924- Antoni Gaudí és detingut durant la Diada de l’Onze de Setembre per parlar en català a un policia. À cette époque tout le monde connaissait Gaudi, tant en Catalogne qu’en Espagne qu’au plan international. Il avait pris en charge dés 1883 le projet de la Sagrada Familia (a 31 ans).


1888

Exposition Universelle, à l’origine de la Barcelone moderne.

1902

Manifestation monstre à l’enterrement du poète Jacint Verdaguer (auteur de Canigo’) , après une grève générale en février. Le pluralisme de la multitude préfigure les manifestations du peuple catalan du début du XXIème siècle.

1907

Victoire électorale de Solidaritat Catalana, qui marque « le soulèvement solidaire d’un peuple », tout comme en Irlande, en Pologne, en Tchéquie et en Flandres.

1921 – 1931 – 1936

Primo de Rivera se proclame dictateur de l’Espagne, tout en gardant le Roi Alphonse XIII sur le trône. Il tente d’interdire le catalan et la culture catalane. Il est suivi par les généraux Béranguer et Aznar. L’évolution sociale et politique en 1931 contraint le Roi à accepter des élections qui se transforment en plébiscite sur la monarchie. Le 14 avril 1931, la République est proclamée.

1933 Exercice du vote pour les femmes. La revue Feminal avait démarrée en 1907.

En janvier 1936, la dissolution des Cortès entraine la constitution du Front Populaire, en réaction de quoi les carlistes et franquistes s’organisent. Commence la guerre d’Espagne, initiée depuis le Maroc.

1936 / 1975 – Guerre d’Espagne puis dictature franquiste

Deux références bibliographiques parmi tant d’autres

Antony Beevor, La guerre d’Espagne, Calman-lévy, 2006

Josep Benet, Catalunya sota el régim franquista, Editorial Blume, 1978

1939

La Retirada : 500000 républicains espagnols et catalans passent la frontière avec les Pyrénées Orientales. Leur « accueil » dans les camps, notamment d’Argelés, Saint-Cyprien, Rivesaltes … est reconnu aujourd’hui comme une honte de la part des États français d’alors. Le mémorial de Rivesaltes, sobre, en permet une objectivation non remise en cause.

Un ouvrage de référence de l’ICRECS (Institut Català de Recerca en Ciències Socials Universitat de Perpinyà) : Llibertat ! Prats de Mollo’ entre historia i memoria, Terra Nostra, 2007

Le régime franquiste va organiser une chasse systématique et meurtrière à tout ce qui est trait catalan.

Un acte marque plus que d’autres profondément la mémoire des catalans :

Le 15 octobre 1940, Lluis Companys, Président de la Generalitat de 1934 à 1940, est exécuté par le gouvernement espagnol à Montjuic (Barcelone)

Alfred Bosch d’Esquerra Republicana (parti dont Lluís Companys était l’un des leaders) affirmait sur Equinox Radio, à l’occasion des 40 ans de la mort de  Lluis Companys , que celui-ci a été « le seul président élu démocratiquement qui a été exécuté dans les temps modernes ». Selon lui, « Lluís Companys a tout donné, sa vie, pour préserver des choses très simples comme le vote et la langue », Alfred Bosch ajoute que c’est un « exemple qui encourage à continuer pour ceux qui veulent l’indépendance de la Catalogne ».

Lluis Companys, au parcours catalaniste exemplaire, était passé en France avec la Retirada. Il a été livré au gouvernement franquiste par la Gestapo.

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Le régime franquiste s’est appuyé sur l’engagement politique de l’Église catholique d’Espagne. Cependant ses membres ne se sont pas tous soumis, ainsi ce prêtre : La Catalogne est une Nation occupée militairement, soumise politiquement, exploitée économiquement, dont la langue est remplacée par une autre, colonisée dans sa culture, et dépossédée de ses expressions artistiques.

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Soit : 3 emprisonnés, 3 emprisonnés et exilés dont 1 fusillé, 3 contraints à l’exil, 1 déshabilité, 2 n’ont pas subi de répression

Le Droit à l’autodétermination figure dans la Charte des Nations Unies depuis 1951. Pourquoi la Catalogne veut-elle se donner le choix de l’indépendance?

Parce que la Catalogne est une nation millénaire, avec une culture et une langue qui lui sont propres, et une souveraineté qui lui a été volée par les armes, il y a de cela 300 ans.

Parce que sa population n’oublie ni ses racines ni son passé, et a démontré la force et la constance de ce profond désir d’indépendance, à travers de gigantesques manifestations dans le pays, notamment à l’occasion de la Diada, la fête nationale catalane, qui a lieu le 11 septembre de chaque année, .

Parce que la nation catalane estime que le pouvoir central ne respecte ni ses particularités, ni ses compétences de région autonome, la traite fiscalement comme une colonie, n’encourage pas son développement économique et, enfin, parce qu’elle n’envisage plus la création d’une Espagne fédérale comme une solution durable et fiable à un problème récurrent.

Parce que cette volonté d’indépendance émane du peuple, et que par conséquent, le Parlement catalan depuis qu’il est composé à majorité de députés indépendantistes, a un mandat clair confié au pouvoir exécutif : organiser un référendum sur l’indépendance en 2017. Ce sera l’1-O, le 1er octobre.

1971

Discours de Pau Casals à l’ONU, recevant la Médaille de la Paix :

“This is the greatest honour I have ever received in my life.

Peace has always been my greatest concern. Yet in my childhood I learned to love it. My mother—an exceptional, brilliant woman—used to speak to me about it when I was still a child, because in those years there were also a lot of wars.

What is more, I am a Catalan. Today, a province of Spain. But what has been Catalonia? Catalonia has been the greatest nation in the world. I will tell you why. Catalonia has had the first parliament, much before England. Catalonia had the first United Nations. All the authorities of Catalonia in the Eleventh Century met in a city of France, at that time Catalonia, to speak about peace, at the Eleventh Century.

Peace in the world and against, against, against war, the inhumanity of the wars. So I am so happy, so happy, to be with you today. That is why the United Nations, which works solely towards the peace ideal, is in my heart, because anything to do with peace goes straight to my heart.

I have not played the cello in front of an audience since long years but I think I must do it this time. I am going to play a melody from the Catalonian folklore: “The singing of the Birds”. Birds, when in the sky, go singing: Peace, peace, peace. And this is a melody that Bach, Beethoven and all great people would have admired and loved. And, in addition, it springs up from the soul of my country: Catalonia.”

Le caudillo Franco est mort en 1975. Pau Casals, qui avait promis de ne plus retourner en Espagne tant que le régime franquiste la régirait, n’a dérogé qu’une fois, pour l’enterrement de sa mère.

1978

Signature de la Constitution espagnole, … temporaire.

Constitution adoptée en sortant de la dictature franquiste, sous la menace par l’armée d’un coup d’État, qui a d’ailleurs été tenté en 1981 mais sans aboutir.

La Constitution de 1978 est uniquement pensée par rapport à la dictature, par le fait qu’il faut sortir de la dictature. Même les forces de gauche renoncent à lutter contre cette Constitution, et font un pacte, malgré les critiques. A cette époque, on disait: transition, ou rupture. Et les gens ont préféré la transition, parce que la rupture aurait pu signifier un nouveau retour à la dictature, l’armée étant encore très puissante.

La Constitution est explicitement « temporaire », … mais inchangée depuis par un blocage systématique des Partis de droite et d’extrême-droite.

1983

Loi de « normalisation linguistique » votée au Parlement de Catalogne, interdite à l’usage public depuis 1939.

2006

Un nouveau statut d’autonomie est voté au Parlement catalan, puis ratifié par le peuple. Mais sa portée sera fortement limitée par le Parlement espagnol, ayant à sa tête le social-démocrate Zapatero, qui avait pourtant promis aux Catalans de soutenir leur démarche.

C’est la même prudence d’alors du PSOE, compte tenu de la réalité des clans de la droite dure espagnole toujours dirigée par le néo-franquisme, qui lui « permet » toujours en 2020 de rester raide sur le principe de l’Espagne une et indivisible.

2010

Le Partido Popular saisit ensuite le Tribunal constitutionnel, qui démembre encore davantage le texte, notamment dans tout ce qui concerne la protection de la langue catalane.

C’est cette décision unilatérale de la justice espagnole, en 2010, qui fera naître une grande vague de protestation en Catalogne… C’est la racine de la rupture définitive d’une partie des autonomistes d’avec l’Espagne, et la naissance du mouvement indépendantiste actuel.

Une commune du nord de Barcelone prend l’initiative d’un referendum local sur l’indépendance. Les autorités espagnoles tentent de l’interdire, ce qui mobilise dans toute  la Région de Catalogne.

2013

23 janvier, le Parlement catalan se déclare souverain (85 députés sur 135).

13 mars, le Parlement approuve une résolution sur le droit à l’autodétermination.

11 avril 2013, le gouvernement prépare la mise sur pied d’un Conseil de Transition Nationale.

14 septembre, le Premier ministre d’Espagne, Mariano Rajoy, PP, refuse que la population catalane soit consultée, au motif  que la Constitution de 1978 déclare l’Espagne « une et indivisible ». Depuis interdiction à toutes tentatives jusqu’au 28 septembre 2016.

Depuis 2016 au moins, selon les sondages, en Catalogne, 80 % de la population est d’accord de procéder par référendum pour décider si la Catalogne doit être indépendante, ou pas.

Principe de fond qu’en démocratie, les conflits politiques doivent se résoudre politiquement. Principe N. fois reformulé par de nombreux gouvernements, experts et juristes internationaux étrangers (cf. paragraphe « appuis »).

Le camp des indépendantistes catalans accumule les arguments et preuves de légitimité, tant internes qu’à l’international.

Les autorités catalanes de la Generalitat renouvellent N. fois au gouvernement espagnol une proposition de négociation de fond.

Le camp du pouvoir espagnol refuse toute négociation, et réponds systématiquement par la judiciarisation limitée au seul droit espagnol, et par la violence de son système judiciaire appuyé sur la police militarisée (Guardia Civil).

L’armée a été mise en alerte en octobre 2017. Probablement du fait que le Président Puigdemont, après avoir proclamé l’Indépendance sous forme de République, mette en attente la mise en place du nouvel État le temps de négocier avec l’Espagne, a amené le gouvernement PP d’alors a choisir la stratégie de la judiciarisation systématique liée à l’article 155, … sans aller jusqu’au feu vert de l’entrée massive de l’armée en Catalogne.

Parmi les Partis espagnols qui composent le discret « club des 155 » figure le PSOE aux côtés de Ciutadans et du PP.

DÉCLARATION D’INDÉPENDANCE DE LA CATALOGNE (extraits)

Elle a été signée le 10 octobre 2017 par 72 députés catalans du Parlement de Barcelone.

« Au peuple de Catalogne et à tous les peuples du monde, …

 « Depuis l’adoption de la Constitution espagnole, la Catalogne a joué un rôle clé avec une attitude exemplaire »

« Les citoyens de Catalogne ont voté majoritairement en faveur de la République catalane »

« Nous constituons la République catalane »

La République catalane est une opportunité pour corriger les déficits démocratiques et sociaux actuels et de construire une société plus prospère, plus juste, plus sûre, plus durable et plus solidaire. En vertu de tout ce qui vient d’être exposé, nous, représentants démocratiques du peuple de Catalogne, dans le libre exercice du droit à l’autodétermination et conformément au mandat reçu des citoyens de Catalogne,

NOUS CONSTITUONS la République Catalane, en tant qu’État indépendant et souverain, de droit, démocratique et social.

NOUS METTONS EN VIGUEUR la loi de transition juridique et fondamentale de la République.

NOUS INITIONS le processus constitutif, démocratique, citoyen, transversal, participatif et contraignant.

NOUS AFFIRMONS la volonté d’ouvrir des négociations avec l’Espagne, sans conditions préalables, visant à établir un système de collaboration au bénéfice des deux parties. Les négociations doivent nécessairement être sur un pied d’égalité.

NOUS PORTONS A LA CONNAISSANCE de la communauté internationale et des autorités de l’Union européenne la constitution de la République catalane et la proposition de négociations avec l’Espagne.

NOUS DEMANDONS instamment à la communauté internationale et aux autorités de l’Union européenne d’intervenir pour mettre fin à la violation continue des droits civils et politiques et de suivre le processus de négociation avec l’État espagnol et d’être témoins.

NOUS MANIFESTONS le désir de construire un projet européen qui renforce les droits sociaux et démocratiques des citoyens ainsi que l’engagement à continuer à appliquer les normes de l’ordre juridique de l’Union européenne et celles de l’Espagne et de la Catalogne autonome qui transposent cette norme.

NOUS AFFIRMONS que la Catalogne a le désir sans équivoque de s’intégrer le plus rapidement possible à la communauté internationale. Le nouvel Etat s’engage à respecter les obligations internationales actuellement appliquées sur son territoire et à continuer à faire partie des traités internationaux auxquels le Royaume d’Espagne est partie prenante.

NOUS APPELONS les États et les organisations internationales à reconnaître la République catalane comme un État indépendant et souverain.

NOUS DEMANDONS au Gouvernement de la Generalitat de prendre les mesures nécessaires pour rendre possible la pleine réalisation de cette déclaration d’indépendance et des dispositions de la loi de transition juridique et fondamentale de la République.

NOUS APPELONS chacun des citoyens de la République catalane à nous rendre dignes de la liberté que nous avons donnée et à construire un Etat qui se traduit par des actions et en conduite des inspirations collectives.

DISCOURS DU COMITÉ DE SOLIDARITÉ DE CATALUNYA NORD À LA DIADA DU 9 NOVEMBRE 2019 À PERPINYA (extraits)

Lorsqu’un système, un État, sont sur le point de vivre une transformation radicale, une Révolution, l’histoire montre qu’il se produit toujours un moment, un évènement clé, d’un importance significative, à partir duquel toute la donne change, et ce qui est à venir devient inéluctable. C’est ce que Vivent Partal a expliqué dans un éditorial exceptionnel de Villaweb. Dans la démarche d’indépendance de la Catalogne se libérant de l’Espagne, ce moment clé a été le verdict du Suprem au terme du procès des prisonniers politiques sur cette année 2019.  

Au terme de ce procès, il s’est avéré impossible au Suprem de démontrer la rébellion. Il essaie alors de légitimer en inventant des prétextes de sédition, contre toute évidence de l’absence d’objet réel, tant aux yeux de la population catalane et d’une partie de la population espagnole, qu’au yeux de l’essentiel de la communauté internationale, si on met de côté les silences de la CE et de la France ou l’avis de la Turquie dictatoriale.  

Le moment clé a eu lieu le 14 octobre 2019, la marche vers l’issue est en route et ne s’arrêtera plus.

Le 18, le succès de la grève générale  a été un tremplin définitif vers l’objectif, maintient le Pays dans l’esprit du 3 octobre (2017), avec toutes les marches, les rassemblements-manifestations constants, l’occupation d’El Prat, et milles autres initiatives dans toutes les villes.

L’idéal aurait été l’acceptation par l’Espagne d’un referendum d’indépendance, mais  …

Après depuis un et deux ans l’appui de nombreux Pays (Belgique, Finlande, Danemark, Portugal, Écosse, plusieurs lands allemands, Suisse, Slovénie, Québec, …) et de nombreux collectifs d’experts de haut niveau (géopolitologues, sociologues économistes, philosophes, juristes …), dont l’ONU, même le Financial Times « explique » encore cette semaine que les sentences d’emprisonnement ne peuvent résoudre la « crise » catalane.

La grève générale et ses suites sont une démonstration de la disposition du peuple à résister à quelque agression que le système en place à Madrid continue à faire, tous les jours.

Pour Elisenda Paluzie, Présidente de l’Assemblea (ANC), Jordi Sanchez étant en prison, l’État espagnol et la police sont responsables, concrètement sur les terrain, des violences, blessés, depuis le verdict. Avis aisément valable avec le recoupement de tous les témoignages, vidéos …, qui mettent bien en évidence qui attaque, et comment.

Une semaine après le verdict : 579 bléssés (attitude ultra-violente de la police toutes les nuits), 4 personnes ont perdu un œil, 179 personnes sont détenues, 28 sont emprisonnées

Pendant ce temps : la Présidente du Parlement Carme Forcadell reste emprisonnée, ainsi que le vice-Président Oriol Junqueras, de même plusieurs membres du gouvernement, les dirigeants de l’Assemblea et de l’Omnium cultural, Jordi Sanchez  et Jordi Cuixart de même, 7 membres des CDRs sont détenus sans preuves, le Président Puigdemont et plusieurs conseillers ont été forcés à exil.

La Catalogne vit au jour le jour un état d’urgence démocratique.

Fin octobre, un sondage basé sur un échantillon de 1200 personnes donne les partis indépendantistes majoritaires tant en voix (58 % en ne tenant pas compte des abstentions) qu’en sièges.

Continue la multiplication des actes concrets et symboliques dans plusieurs provinces d’Espagne : manifestations pro-indépendantistes à Madrid et plusieurs autres grandes villes, bannières espagnoles retirées en Pays basque et manifestation monstre à Bilbao

… et en Catalogne même :

> succès du Tsunami démocratique. Vers une succession d’occupations dynamiques des places, des avenues, des routes, des aéroports, des voies de chemin de fer, des bâtiment logistiques et/ou symboliques si pertinence. Continuer de rendre visible la révolte contre la tyrannie et la détermination de vouloir un autre futur immédiat.

> auto-institutions de municipalités en Consells locaux pour la République, affirmant que leur territoire est une partie de la République catalane, libre et souveraine.

> à Barcelone, sur l’initiative de l’Omnium cultural, des centaines de personnes se présentent au juge pour s’auto-inculper de sédition, déclarant avoir voté le 1er octobre 2017,  en solidarité avec la condamnation des « prisonniers politiques ». Des queues entières dans la rue. Précédent du 9-N ou des milliers de personnes avaient fait de même pour « désobéissance ».

> manifestations collectives des maires de la majorité des communes.

Encore aujourd’hui, début 2020

plus de 600 poursuites judiciaires depuis le début de cette année 2020 pour participations à des manifestations liées à l’indépendance

Consell per la Republica

Lancé à Waterloo en 2018-9, légitimé sur la déclaration d’indépendance proclamée le 27 octobre 2017, elle même fondée sur les réponses au référendum du 1er octobre 2017.

Sa mission est de réaliser le mandat du 1er octobre.

Le Consell est la première pierre d’un nouvel État indépendant en Europe.

Il se veut représenter toutes les tendances du républicanisme.

Peuvent en être membre les catalans tant vivant en Catalogne que n’importe où dans le monde, ainsi que les personnes qui se reconnaissent dans les valeurs fondatrices et qui s’y inscrivent.

Elles constituent ainsi une e-République, susceptible de participer en permanence aux débats et décisions, au travers d’une Assemblée de Representants convoquée au minimum deux fois par an, et directement sur consultation par internet

L’État espagnol se trouvera alors devant un « partenaire » avec les mains complètement libres, d’égal à égal, hors de son contrôle… et non plus une institution vidée maintenue en dépendance par la force.

Le peuple lui, visiblement, n’a pas peur, et montre événement après événement sa détermination à mettre en place la République.

Quel va être le devenir de l’Espagne ? Le New York Time, pas n’importe quel journal de fond, s’interroge, ainsi que de nombreux autres acteurs politiques et socioéconomiques, devant le constat de 4 votes en 4 ans !  

Le 29 février 2020

À Perpinya, de 150000 à 200000 personnes selon les estimations, sur l’initiative du Consell per la Republica, accueillent le Président Puigdemont. Sachant que plusieurs milliers ont été contraints de faire demi-tour avant la frontière du fait du blocage généré par un contrôle de la police espagnole ! Sachant aussi que les associations civiles catalanes sont capables de mobiliser quasiment au pied levé plus d’un million de personnes à Barcelone. Au terme des manifestations, les trottoirs et chaussées sont propres, aucun bâtiment ou mobilier public n’est dégradé, il n’y a pas de véhicules incendiés …

Le Président Puigdemont y a appelé à engager la lutte définitive.

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Institutions d’appui du mouvement d’indépendance 

Les Associations, présentes sur tous les territoires où se parle le catalan, et les groupes locaux dans de nombreux Pays :

ANC ou Assemblea National Catalana, constituée le 30 avril 2011

Omnium cultural

A.M.I. , qui regroupe 794 municipalités sur les 947 que compte la Catalogne du sud

les CDR ou Comités de Défense de la République, comités locaux

e-identité au-delà des frontières, le Consell per la Repùblica Catalana, actuellement à l’exil, pré-constituant.

Les Pays qui appuient le projet de Catalogne indépendante sous forme de République :

Belgique, Danemark, Écosse (dispose d’un Parlement autonome), Finlande, Irlande, Islande, plusieurs Lands allemands, Portugal, Québec (dispose d’un Parlement autonome), Slovénie, Suisse, … et l’ONU.

Les Pays qui encouragent l’attitude du gouvernement espagnol / Catalogne :

Turquie

Le Pays qui a passé un accord de coopération policière avec l’Espagne : la France, droit d’intervention / acteurs qualifiés de terrorisme jusqu’à 300 kms à l’intérieur des terres.

Conseils de bibliographie

Antony Beevor – La guerre d’Espagne – Calmann-lévy 2006

Ramon Gual presentat pour I.C.R.E.C.S. –  Llibertat – Terra Nostra 2007

Jean Rous – Renaissance et mission de la catalanité – Éditions Trabucaire 2015

Joan Villanove – Histoire du pays catalan – Éditions El Far 2016

Joan Villanove – Les catalans ont tout pour étonner le monde – Éditions El Far 2017

Vicent Partal – Nou homenatge a Catalunya – ara Llibres 2018

Dominique Petitdemange et Marie-Christine Gené (ss. la dir. de ) – La Catalogne et l’Espagne  Balzac éditeur 2018

Borja de Riquer (ss. la dir. de ) – Historia mundial de Catalunya – Edicions 62 Barcelona 2018

Dossier préparé par Michel André Vallée, psychosociologue des organisations

Culture de la Castille … en creux. Indépendantisme … et non séparatisme catalan.

Comme l’historien catalan Joan Villanove le rappelle assez régulièrement au fil des Cartas del dimecres, la tension, permanente et de période en période très vive, entre Catalogne et Castille remonte au temps où les rois d’Espagne, à partir de 1516 au moins et tant de fois depuis, ont dénié le statut historique de la Grande Catalogne et imposé à toute une Nation le paradigme centralisateur (appelé en France « jacobin ») de la Castille.

De nombreux historiens catalans et de plusieurs autres cultures d’Europe et du monde développent, avec tant de sources validées à l’appui, ce phénomène qui s’est étalé des siècles et continue dans la violence de nos jours, exacerbé depuis l’1-O (1er octobre 2017).

Depuis cinq ans que j’ai choisi de vivre ici, j’ai étudié de nombreuses sources. D’abord La guerre d’Espagne de Anthony Beevor, puis d’autres sources sur toute cette période en Catalogne, des ouvrages de Joan, La Catalogne et l’Espagne, Les clefs du conflit par un large collectif d’auteurs animé par Dominique Petitdemange et Marie-Christine Jenè, l’ Historia Mundial de Catalunya dirigée par Borja de Riquer,  de nombreuses publications de Vicent Partal, … et écouté les conférences données en Catalunya Nord par Ramon Gual père et plusieurs autres témoins, les conférences et cours à l’Universitat Catalana d’Estiu, etc …

Il est juste d’y reconnaître que la passion, l’attachement, y sont toujours relativisés, pondérés, par l’objectivation, la raison, la production des références.

Ce n’est pas ce qui se trouve dans un article de deux pages du N° 27 de Mai-Juin 2020 de la sérieuse revue de géopolitique CONFLITS, sous le titre Les racines intellectuelles du séparatisme catalan.

Si j’en parle ici et écris en conséquence cet article, c’est :

  • d’une part que là est franchement posé, crument, directement, ce que j’ai trouvé souvent de façon contournée dans de nombreux autres supports français. Et la diffusion large de cette image, reçue par beaucoup de gens, contribuant à forger leur compréhension et leur conviction, pose problème.
  • d’autre part que la période est critique pour le mouvement indépendantiste catalan, plusieurs clans politiques faisant courir à l’ensemble du mouvement des risques clairement analysés tant en Espagne que dans plusieurs supports internationaux sérieux, … quand l’UE, tant au Parlement qu’à la CE, maintient une distanciation « prudente ».

L’auteur de l’article, Nicolas Klein, agrégé d’espagnol, introduit en citant Josep Manuel Ximenis, membre de la CUP, qui aurait déclaré « En Catalogne, dés le départ, l’on voit comment s’établit une société diamétralement opposée à la société féodale castillane. Et il s’agit d’une réalité historique et d’une structure qui crée ses inepties. La Castille se résume à une simple hiérarchie d’agriculteurs et d’aristocrates. Rien à voir, donc. La mentalité castillane porte dans ses gènes une acceptation naturelle : «être commandé ». Cela n’a jamais changé et ne changera jamais ».

Bien entendu, comme toujours, il serait d’abord convenable de resituer le contexte d’une telle déclaration, comme pour toute expression. Mais là est donné le ton de l’article, qui exploite ce propos pour développer le procès d’intention d’une attitude systématique de supériorité et de condescendance de la part des intellectuels catalans envers les espagnols, dénommés « castillans », … trait en soi qualifié de «discours haineux ».

Il continue ses démonstrations en citant Joan Cardona (Unité de tuberculose expérimentale de l’Institut Germans-Trias-i-Pujol ; « … c’est pourquoi la République nous permettrait d’augmenter les investissements dans la recherche et de nous placer à la pointe … si nous restons dans un État dirigiste nous n’y parviendrons jamais ». Et pourtant, en l’occurrence (je ne sais pas par ailleurs) Cardona a raison, et il n’est que de voir la qualité et l’ampleur des investissements de haute technologie en Catalogne pour constater que tant d’économistes et scientifiques venant de loin ont compris. Puis il cite Oriol Junqueras, Jordi Pujol, … jusqu’à Joaquim Torra, l’accusant d’être sensible à l’Italie de Mussolini. Bref, les penseurs et dirigeants catalans seraient suprématistes et racistes. Pour conclure que le nationalisme catalan « est loin d’être inclusif », contrairement à ce que les intellectuels et militants catalans en diraient ! Il serait xénophobe et « ne peut donner que des fruits vénéneux ».

Comment à ce point ne pas connaître, ignorer, les réalités de l’histoire, depuis, par exemple, les fondements par un Grand ecclésiastique, l’Abbé Oliba, dés 1027.  

Ainsi, lorsque l’auteur date la naissance du nationalisme catalan dans la seconde moitié du XIXème siècle, il montre ne pas connaître l’histoire et est en retard d’au moins six siècles, soit avec les Corts en 1214-8 ; il est trop facile de balayer d’un revers de main le travail des historiens sur les 700 ans de confédération catalano-aragonaise en les qualifiant de « fadaises ».

En 1640 la guerre des Segadors a défendu le modèle Républicain d’organisation de la société. Depuis le décret de la Nueva Planta en 1716, régulièrement l’ensemble du peuple catalan va perdurer et manifester son identité pour se démarquer de la monarchie absolue castillane. La première grève ouvrière générale aura lieu en 1855.

Toute la période depuis la proclamation de la République en avril 1931 est mieux connue, … et témoigne malgré les exactions des dictatures de la même constance dans la conscience collective et le vouloir d’être.

Disons tout de suite que tous les espagnols non-catalans ne témoignent pas du référentiel, du logiciel, du paradigme culturel décrit ci-dessus et ci-dessous. Il n’est pas besoin d’être grand clerc en sociologie pour savoir que dans tout groupe culturel et collectif important, se distinguent des sous-groupes dont les orientations et les styles peuvent être très contrastés et aller du plus ouvert, humaniste, tolérant, au plus violent et réactionnaire. Par ailleurs, comme toutes les Nations-États de l’Europe (et du Monde), l’Espagne est un puzzle de Régions nettement distinctes (soulignons dont les « autonomies » des Régions ne sont pas identiques ?). L’Alsace n’est pas la Bretagne ni la Corse ; l’Andalousie n’est pas le Pays Basque ni la Galice. Tous les États-Nations du Monde sont des construits historiques toujours susceptibles d’être remis en question ; par exemple actuellement la Californie marque explicitement sa distance d’avec le reste des Etats-Unis, la Hongrie provoque clairement l’UE aux limites de l’actuel « tolérable », l’Écosse fourbie ses armes pour une nouvelle tentative d’indépendance.

Mais, effectivement, pour un bloc culturel historique de celles et ceux qui s’y reconnaissent, le logiciel mental de la Castille, devenu Espagne par colonisation progressive des Provinces environnantes, ne peut « voir » les réalités autrement ! C’est le premier trait fort qu’il importe d’accepter de comprendre.

Le paradigme en est d’une image de soi et des relations avec autrui de conquérants, de conquistadors, et non de coopérations. C’est un monde de domination et de vie dans l’exploitation d’autrui. Le machisme dans la considération des femmes et dans le porté, la tenue, est en cohérence ; même les films crûment volontairement critiques de cette sociologie des relations de genre, par exemple ceux d’un Almodovar, transpirent de ce regard et des violences liées. Le monde méditerranéen est marqué depuis les plus lointaines traces archéologiques par les mythes du taureau, mais en Espagne, tant à Madrid qu’à Ronda (Andalousie), les cultes sont devenus le rite violent et sanglant de domination que nous connaissons avec la corrida ; la culture catalane ne s’y est pas trompée qui y a renoncé, ni le Portugal qui garde des jeux mais a de longue date renoncé à la mise à mort.

Tout se passe comme si la culture castillane, devenue espagnole, était donc dans l’incapacité de percevoir, constater, retenir, considérer toute autre culture, même pas le négociatoire, encore moins bien entendu intégrer, …. Toute autre forme de pensée et mode de vie ne peut alors être que hors de cette façon brutale de sentiment de l’honneur, de possession conquérante. C’est une forme sociétale effectivement archaïque du « there is no alternative » (alias TINA) économique des néo-libéraux contemporains, … mais tout autre. Cette forme est encore subconsciemment fondée sur l’économie de l’esclavage, féodale. Alors que l’économie de l’esclavage remonte quand même en tant que modèle de société à plusieurs siècles en arrière, même si elle est encore pratiquée dans plus de Pays qu’il n’y paraît, masquée (mais tolérée comme la finance internationale intègre l’économie du crime dans ses compte et critères de gestion).

Bien entendu, si compte tenu des tendances géopolitiques lourdes de notre temps, en Occident le système politique de démocratie est le référent officiel, et si l’Espagne sortant de la dictature franquiste n’était plus en capacité d’assurer l’isolement dans une UE économiquement désirable, les rapports de force ont imposés une Constitution clivée, à la limite du recevable institutionnel, mais qui préserve le fond d’un système vertical et des anciennes prérogatives. Le pouvoir de l’Ejercito (Armée) est garanti, soigneusement autoentretenu, pendant que la Justice est intégralement détenue par la pensée unique du clan néo-franquiste. C’est une Constitution « temporaire », qui dure. Sa gouvernance a utilisée toutes les tentatives d’avancées catalanes, et plus généralement authentiquement démocratiques (le moins pire des systèmes selon Churchill), pour récupérer pas à pas en réaction ce qui avait été concédé. La récupération dans ce type de culture et de contexte se base sur la judiciarisation, laquelle dans l’affaire catalane est, à l’évidence aux yeux de tant d’autorités et médias internationaux hors Espagne et France, radicalement raide. Droit dans les bottes au point d’être comparable aux pratiques frontales des autres systèmes autoritaires actuels ou récents hors zones Occident. Depuis l’1-O il n’y a pas en Catalogne du Sud envers la population ou à Madrid envers les prisonniers politiques de semaine sans exaction grave.

Pas étonnant que le mouvement indépendantiste soit qualifié de « séparatisme », et, dans d’autres supports de moindre qualité mais qui développent la même image, de « terroriste ».

Alors, il convient de voir clair, que seul le rapport de force direct compte, est considéré comme respectable et viril. C’est le second trait fort qu’il importe d’accepter de comprendre. C’est « la Loi » (au sens de La Loi d’un Roger Vailland), quitte à prendre le temps de toutes les manœuvres imaginables, en disposant aisément des budgets adéquats pour cela (les Partis dits « de droite » espagnols sont connus pour être parmi les plus corrompus d’Europe).

En conséquences, permettez plusieurs remarques :

  • Il est incorrect d’envisager négocier quoi que ce soit avec les clans décideurs d’une telle culture, et il importe de se faire, au plan même de l’éthique, à l’idée que seul le rapport de force permettra de se rapprocher de l’objectif catalan d’indépendance. Même remarque pour l’objectif de « démocratie » pour l’ensemble de l’Espagne. Si le rapport de force l’emportait, alors il sera toujours temps de mettre en œuvre un long processus de rééducation socio-culturelle.
  • Poser, exprimer, expliciter, adapter en permanence, non pas Un mais LE Projet de société, selon un dessein collectif cohérent. Sans Projet, pas d’Unité pérenne. Ne pas confondre objectif (l’indépendance) et Projet : quelle Catalogne État sous forme de République, quelles orientations en tous domaines dans une vision long terme.
  • Le rapport de force, il importe alors de le reconstruire, développer, autant que de besoin (c’est actuellement le cas). Reconstruction d’une part en liant mouvement du bas (le peuple dans ses diverses composantes) et mouvement du haut (tous les dirigeants politiques et associatifs, les intellectuels, les financeurs …), d’autre part en liant mouvement de l’intérieur (suffisamment de zones avec degrés de liberté connectés entre eux pour éviter tout encerclement réducteur) et mouvement de l’extérieur (alliés explicites et potentiels, appuis internationaux de connaissances et expertises en toutes matières, apports d’oxygène, zones de repos-résilience et de repli …). Tout cela dans un esprit de combat.
  • Éviter de n’exister que dans la plainte et dénonciation de toutes les « mauvaises actions » de … , cependant tout en les faisant systématiquement connaître. Pourquoi bien des fêtes catalanes sont celles de défaites ? Agir dans le rapport de 2/3 de l’énergie en développement (pas moins) et 1/3 de l’énergie en défensif (pas plus) ; il s’agit là de temps passé, de budgets, de moyens investis …

Car si l’on reste dans la dénonciation, on reste en dépendance de « l’ennemi » qui maîtrise alors l’initiative à son gré.

  • Comprendre et intégrer, sereinement, que les personnes et collectifs qui sont de la culture castillane telle que décrite entendent et entendront tout propos pointant, décrivant, dénonçant leurs paroles et actes comme orgueil, sentiment de supériorité, condescendance, signe de faiblesse … , partant radicaliseront leur compréhension et réaction partagée entre eux. C’est de l’énergie gaspillée, et il est utile d’apprendre entre tenants du changement de société à muter la colère en force pratique.

Sauf … à choisir la politique du pire, … mais alors être prêt à tenir jusqu’au bout et se donner les conditions concrètes de l’emporter (avec un plan B et un plan C).

Oui, ce qui est avancé là est, pour la tradition culturelle catalane, telle qu’elle ressort de la grande majorité des écrits et des propos et des pratiques, telle que je l’ai comprise à ce jour, un dilemme difficile en notre période. Il n’est pas adapté aujourd’hui d’avancer le pacifisme, qui remonte pourtant pour la Catalogne à Oliba lui-même, de choisir la stratégie de la non-violence trop exclusivement, …sans y renoncer totalement pour autant. Guifré lui avait pris les armes pour engager la Reconquête. Le pacifisme a fait oh combien ses preuves ailleurs au fil de l’histoire, … mais, là aussi, ne peut pas être senti tel une pensée unique.

Il en est d’autres. Un Dessein juste a toujours le choix.

Michel André Vallée              17 mai 2020

POURQUOI LA RÉPUBLIQUE DE CATALOGNE SERA PROFITABLE À L’EUROPE …

Les catalans sont en majorité pacifiques, et en même temps déterminés, … dans les deux cas de tradition culturelle plusieurs fois centenaire. Mais si « on » les attaque de façon illégitime ils savent se battre ; ils l’ont prouvé pendant la guerre d’Espagne, et le prouvent encore (au minima nécessaire) encore aujourd’hui.

Ils donnent par leurs débats politiques internes, mais aussi les institutions qui font liens entre le mouvement du haut et le mouvement du bas, l’exemple d’une démocratie qui vit, au travers de ses rivalités internes comme partout MAIS de leurs dépassements stratégiques bien compris. Les associations de société civile catalane qui entretiennent ces liens entre mouvement du haut et mouvement du bas donnent dans la pratique l’exemple des principes essentiels de la démocratie.

Ils valorisent en permanence une culture historiquement riche à tous niveaux, millénaire, et continuent de l’enrichir en faisant preuve d’innovation, d’originalité, d’audace, tant dans les sciences que dans les arts ou le commerce… spécifiques et appréciées dans le Monde.

Ils ont toujours été et continuent d’être dynamiques et toniques en économie. À preuve leurs résultats continus malgré la ponction volontairement écrasante de l’Espagne jalouse, qui traite la Catalogne comme une colonie. À preuve le choix de ce Pays par de nombreux et divers grands investisseurs étrangers.

Qui traverse la Catalogne en long ou en large voit bien l’activité du tissu économique, les productions diversifiées, les nombreuses PME et TPE partout, fournissant l’autosuffisance. En Catalogne, on sait travailler. L’élection récente d’un proche de l’ANC (Assemblea National Catalana) à la Chambre de Commerce est significative.

Avec ces résultats, les autorités catalanes investissent dans les services et fonctions publics utiles et nécessaires, d’où les qualités reconnues au plan international des universités, l’orientation alternative tolérante du système éducatif, l’état des services de santé, l’adaptabilité au services de la population des services de police catalans, des pompiers …

L’indépendance de la Catalogne fera évidemment effet domino, dans les autres Pays Nations composant actuellement l’UE. C’est déjà là une « tendance lourde » (en terme de géopolitique). Cette dynamique contribuera à transformer l’Europe en une Fédération de Pays (ex-Grandes Régions) chacun cohérent en son sein, … mais conscient des enjeux globaux. D’où l’engagement dans cette Fédération à re-Constituer, nouvelle Puissance de l’identité Europe sur cette planète.

Partant engagement dans la gouvernance européenne avec la réalité des représentations des identités populaires et culturelles : Écosse, Irlande réunifiée, Lands allemands, Régions italiennes, véritables Régions françaises (à recomposer pour corriger le récent absurde « regroupement »), Régions polonaises, Régions libérées d’Espagne (reconstituées si identité actée par référendum par-delà les actuelles frontières), Chypre réunifiée …
Ainsi les peuples ayant regagné leur souveraineté s’y reconnaitront plus authentiques et apporteront plus de force à l’ensemble de l’Europe. Elle imposera aux autres puissances sa réalité au lieu de se contenter d’être un immense marché soumis, sapé par les lobbys, passoire de la dégradante mondialisation néo-libérale, … et redeviendra respectée comme Puissance parmi les autres, ni plus mais ni moins. En conséquence, elle ne pourra que se libérer de l’emprise atlantique et constituer immédiatement la CED (Communauté Européenne de Défense) que Mendès France avait proposé en son temps.

Les principaux textes et déclarations disponibles montrent sans ambiguïté comme la Catalogne a compris pouvoir être dans sa nouveauté un des phares pour l’Europe.

Dans la réalité culturelle du XXIème siècle, qui en est déjà au cinquième de sa durée ( !), l’institution de la royauté qui ne correspond plus depuis longtemps à rien, sera devenue un musée exemplaire des erreurs et abus du passé. L’histoire de la Catalogne envers ses propres rois est à ce titre exemplaire.

Respect au quotidien des pratiques philosophiques et religieuses diverses, ainsi que sa pratique de l’accueil, vont de pair avec un esprit tant de primauté de  laïcité que de tolérance dans la simplicité, mais de vigilance nette envers tout prosélytisme. À Montserrat, exemplarité libre et non prosélytisme. La Catalogne ne craint pas les populismes. Et elle sait descendre dans la rue massivement en tant que de besoin, dans la dignité. El Consell per la Republica, qui vient de s’instituer pour préparer librement la prochaine République, se positionne clairement dans le respect de la transversalité entre les orientations politiques.

Tout cela concerne plus la Catalogne du Sud (encore pour peu de temps dans l’actuelle Espagne) que la Catalogne du Nord, cette dernière ayant subie plus de trois siècles le jacobinisme centralisateur français.

Bien évidemment « on » y trouve à l’occasion aussi, comme partout, des tordus, des pervers, des manipulateurs, des égarés, des réactionnaires, des malveillants, … ; mais, à prendre du recul sur l’ensemble de l’Europe, dans une proportion liée aux dérives naturelles de l’humain, et, sociologiquement, « normale ». Cela n’est en soi qu’une réalité « gérable », dans une culture et une économie saines. En tout cas difficile d’observer le climat de dégradation qui marque l’actualité de trop de zones ailleurs en Europe dans les années 2000-20.

Certes, vue de l’extérieur, il est possible à certains de considérer qu’une autonomie poussée et respectée, dans des règles (dont économiques) équitables, auraient suffi, sans créer en UE un État de plus ! MAIS, l’attitude coloniale et rétrograde, violente, du néo-franquisme de la Castille & dérivés,… que ladite UE n’a pas eu la fermeté de réguler, a inéluctablement mené les catalans à choisir l’indépendance sous forme de République. C’est justement là par leur expérience une des facettes de ce qu’ils vont apporter à l’Europe. C’est d’ailleurs ce qu’ont compris tant d’observateurs internationaux d’orientations culturo-politiques diverses.

COMPRENDRE   >>>   VOULOIR   >>>   AGIR

Quelques repères (parmi des milliers d’autres) :

Joan Villanove, « Les catalans ont tout pour étonner le monde » , Éditions El Far 2017

Borja de Riquer ‘ « ss la Dir. de », Historia mundial de Catalunya, Éditions 62  2018

« La Catalogne et l’Espagne, les clés du conflit », collectif d’auteurs, Balzac 2018

Vicent Partal, « Nou homenatge a Catalunya », ara llibres 2018

Michel André Vallée               26 janvier 2020