DIADA du 9 novembre 2019 à Perpinyà, après le verdict du 14 octobre

La Diada de 2019 marque les 360 ans de signature entre les Rois de France et d’Espagne du Traité des Pyrénées, par lequel le Roussillon, le Vallespir, le Conflent, le Capcir et la moitié de la Cerdagne passent sous couronne française. Acte illégal car sans consulter les Corts Catalanes, et illégitime car contre la volonté des catalans. À partir de quoi les deux États mettent en œuvre des politiques de colonisation et de répressions des identités et structures catalanes, notamment dans la réduction de l’usage de la langue, tant administrative qu’au quotidien. Le dictateur Franco a préparé avant sa mort une monarchie parlementaire qui n’a que l’apparence d’une démocratie européenne, quand les structures militaires, judiciaires et de police n’ont été adaptées qu’en apparences ; ce sont ces mêmes structures qui assurent la répression actuelle contre la Catalogne au sud des Pyrénées.

Et aujourd’hui, en octobre-novembre 2019 ?

Lorsqu’un système, un État, sont sur le point de vivre une transformation radicale, une Révolution, l’histoire montre qu’il se produit toujours un moment, un évènement clé, d’une importance significative, à partir duquel toute la donne change, puis ce qui est à venir devient inéluctable. C’est ce que Vicent Partal a expliqué par son éditorial exceptionnel du 13 octobre, la veille du verdict, dans Villaweb. Dans la démarche d’indépendance de la Catalogne se libérant de l’Espagne, le moment-clé a été le verdict du Suprem au terme du procès des prisonniers politiques sur toute cette année 2019. À partir de ce moment, pour un État devenu, au fil de dégradations successives, totalement fondé sur l’empilement de couches  de mensonges visant à se couvrir l’une l’autre, explosera un déséquilibre tel que cet État ne peut que s’effondrer, … comme un château de cartes.  

Au terme de ce procès, il s’est avéré impossible au Suprem de démontrer la rébellion. Il essaie alors de se légitimer en inventant des prétextes de sédition, contre de toute évidence l’absence d’objet réel, tant aux yeux de la population catalane et d’une partie de la population espagnole, qu’au yeux de l’essentiel de la communauté internationale, … si on met de côté les silences de la CE et de la France, ou l’avis de la Turquie dictatoriale. Il a été démontré que pas un seul euro sur les budgets de la Generalitat ni aucun budget public espagnol n’a été dépensé pour financer le referendum 1-O de 2017. Donc aucun objet à ce procès.

L’opinion internationale regarde incrédule cette sentence du 14 octobre en pleine Europe, et ne comprend pas encore vraiment ce qui se passe. Elle ne voit pas encore clairement les enjeux pour la Catalogne, pour l’Espagne, pour l’Europe. Les enjeux ? : la Catalogne ne va pas seulement recouvrer de nouveau dignement sa liberté, se libérer d’être la dernière colonie de l’Espagne, la Catalogne indépendante sous forme de République, proclamée de fait le 27 octobre 2017 par le Président Puigdemont, va être un exemple et un phare d’une nouvelle forme de démocratie dynamique, au cœur de l’Europe à reconstruire.

Le moment clé ayant donc eu lieu le 14 octobre, la marche vers l’issue est en route et ne s’arrêtera plus.

Le 18, le succès de la grève générale  a été un tremplin définitif vers l’objectif ; ce succès, avec toutes les marches, les rassemblements-manifestations constants, l’occupation d’El Prat, et milles autres initiatives dans toutes les villes de Catalogne, y compris Catalunya Nord, … maintient le Pays dans l’esprit du 3-O.

L’idéal, selon le choix de non-violence active des catalans, aurait été l’acceptation par l’Espagne d’un referendum d’indépendance, mais  …

  • L’État espagnol a brulé toutes les possibilités de négociation pour y mener, ne mettant en œuvre que la répression gratuitement violente. Il n’a jamais compris que la Catalogne indépendante aurait pu être son meilleur allié.
  • A la différence du 3 oct 2017, la plupart des gens pensent actuellement que ni le gouvernement ni la classe politique sont exactement en phase avec la réalité historique de ce qui est en cours. Les manœuvres politiciennes ne sont plus crédibles que pour une minorité, la grande majorité est devenue méfiante au vu de ce qui s’est passé depuis deux ans.
  • Aussi la grève générale a aussi pour objectif de sortir la classe politique de ses atermoiements, les élever et booster dans la réalité, les replacer en relation avec la rue, indépendamment des petits enjeux d’élections imminentes en Espagne.

Après depuis un et deux ans l’appui de nombreux Pays (Belgique, Finlande, Danemark, Portugal, Écosse, plusieurs Lands allemands, Suisse, Slovénie, Québec, Irlande, Islande…) et de nombreux collectifs d’experts de haut niveau (géopoliticiens, sociologues, économistes, philosophes, juristes …), dont l’ONU, même le Financial Times « explique », encore cette semaine, que les sentences d’emprisonnement ne peuvent résoudre la « crise » catalane !

La grève générale et ses suites sont une démonstration de la disposition du peuple à résister à quelque agression que le système en place à Madrid continue à faire, tous les jours.

Pour Elisenda Paluzie, Présidente de l’Assemblea (ANC), Jordi Sanchez étant en prison, l’État espagnol et la police sont responsables, concrètement sur les terrains, des violences, blessés, depuis le verdict. Avis aisément vérifié avec le recoupement de tous les témoignages, vidéos…, qui mettent bien en évidence : qui attaque, comment, avec quels moyens.

Déjà une semaine après le verdict (mais cette triste liste continue de s’allonger) :

  • 579 blessés. Attitude ultra-violente de la police notamment toutes les nuits.
  • 4 personnes ont perdu un œil.
  • 179 personnes sont détenues.
  • 28 sont emprisonnées.

Pendant ce temps :

  • la Présidente du Parlement Carme Forcadell et le vice-Président Oriol Junqueras restent emprisonnée.
  • de même plusieurs membres du gouvernement.
  • les dirigeants de l’Assemblea et de l’Omnium cultural, Jordi Sanchez  et Jordi Cuixart , de même.
  • 7 membres des Comités de Défense de la République sont détenus sans preuves.
  • le Président Puigdemont et plusieurs conseillers sont encore forcés à l’exil.

La Catalogne vit au jour le jour un état d’urgence démocratique.

Encore ces derniers jours, l’État espagnol continue de poser ses pions sur tous les champs :

  • pression sur le Tsunami democratic, tenter de le fermer après l’avoir qualifié de « terrorisme ».
  • fermeture de l’exposition « 55 photos pour la Liberté » à Tortosa. Un État qui a peur de l’Art !
  • le décret « de sécurité » du Premier ministre PSOE Sanchez, véritable acte de dictature.
  • injonction de la vice-Présidente d’Espagne à la Belgique de livrer Carlos Puigdemont ! Acte qui atteste du dédain de la séparation des pouvoirs ! Injonction liée à reconnaître la « démocratie » espagnole en l’état, alors que cette Constitution est inachevée, violée, et ce que l’on sait de ses graves dysfonctionnements. Injonction assortie d’une menace contre un des Pays de l’Union, ignorant que dans ce Pays les trois régions le composant sont et se vivent à égalité de statut. C’est là un acte qui signe la perte de contrôle de l’exécutif espagnol actuel, et qui devrait achever de ridiculiser ce gouvernement et ses alliés, de quelque orientation qu’ils soient, aux yeux de tous les institutionnels sérieux.

Depuis cette première semaine, le peuple est dans le bon sens en profitant des départs de la police pour occuper en permanence la rue, mettre en évidence l’injustice de la sentence et de tout ce que les gens ont vu, pour défendre leurs enfants, réclamer la libération de tous ceux qui ont perdu la liberté.

Car la rébellion efficace contre la répression, le questionnement systématique du pouvoir de l’État, la critique sans faiblesse de la tentative de criminaliser l’indépendantisme … invalident de fait la stratégie répressive de l’État

Fin octobre, un sondage basé sur un échantillon de 1200 personnes donne les partis indépendantistes majoritaires tant en voix (58 % en ne tenant pas compte des abstentions) qu’en sièges.

L’État espagnol continue dans sa mentalité d’inquisiteur.  C’est sa nature comme le scorpion qui pique à mort la grenouille ; il ne peut pas s’en empêcher. Après 2 ans de répression, constatant qu’ils n’ont fait que renforcer la détermination des catalans, les Partis non-indépendantistes se concertent sur le moyen de réduire l’autonomie de la Catalogne dans les mois qui viennent : retour au 155 ou même état d’exception ? Ils vont tenter de tout diriger  directement depuis Madrid :

  • l’école publique
  • les délégations extérieures
  • TV3
  • L’intégralité des Mossos d’esquadra
  • … tout

… en supprimant le Parlement, le gouvernement, le Président.

Dans ce cas, si l’État espagnol peut effectivement pendant un temps récupérer l’administration, il n’aura ni la confiance ni l’adhésion de la grande majorité, … car plus de 80 % de la population du Sud souhaite un referendum sur l’indépendance reconnu légal, dans les règles.

Continue la multiplication des actes concrets et symboliques dans plusieurs provinces d’Espagne :

  • manifestations pro-indépendantistes à Madrid et plusieurs autres grandes villes.
  • bannières espagnoles retirées en Pays basque, et manifestation monstre à Bilbao.

… et en Catalogne même :

  • Succès du Tsunami démocratique. Vers une succession d’occupations dynamiques des places, des avenues, des routes, des aéroports, des voies de chemin de fer, des bâtiment logistiques et/ou symboliques. Il importe de continuer à rendre visible la révolte contre la tyrannie et la détermination de vouloir un autre futur immédiat.
  • Auto-institutions de municipalités en Consells locaux pour la République, affirmant que leur territoire est une partie de la République catalane, libre et souveraine.
  • À Barcelone et d’autres villes de Catalogne, sur l’initiative de l’Omnium cultural, des centaines de personnes se présentent au juge pour s’auto-inculper de sédition, déclarant avoir voté le 1er octobre 2017,  en solidarité avec la condamnation des « prisonniers politiques ». Des queues entières dans la rue. Précédent du 9-N où des milliers de personnes avaient fait de même pour « désobéissance ».
  • Manifestations collectives des maires de la majorité des communes, cette dernière semaine encore a Palau

Les efforts durs et difficiles de la majorité des gens pendant deux ans ne peuvent mener le peuple à accepter la reddition. Les États qui se reposent sur une telle stratégie visent à forcer les citoyens à se soumettre à la Loi, la justice servant alors le pouvoir exécutif. Il s’agit de priver les populations de la gestion de la démocratie, pour en attribuer l’exclusivité au système en place. Et réduire de plus en plus les libertés.

Le système en place tente d’instituer ce « respect » du pouvoir de la Loi, et le lie dans les médias à la répression autoritaire.

Il est donc important que la classe politique catalane, appuyée par les associations civiles qui maillent le territoire, surpasse la « légitimité » constitutionnelle actuelle par le Consell de la Republica.

Le Conseil compte actuellement 75000 inscrits.

Il est important que la population catalane, occupant la rue et tous les espaces publics, reconnaisse la légitimité du Consell, pour assurer la transition de l’installation de la République. C’est le peuple qui dicte aux politiques.

L’État espagnol se trouvera alors devant un « partenaire » avec les mains complètement libres, d’égal à égal, hors de son contrôle… et non plus une institution vidée maintenue en dépendance par la force.

Ces derniers jours, multiplication des prisonniers politiques et des perquisitions au domicile, toujours sur des prétextes.

Et ensuite, même s’il y a des morts, arrivera un moment où l’État espagnol ne pourra faire plus. Il reste peu à ajouter pour y être. La confrontation frontale sera alors inévitable ?

Que va-t-il se passer ? Faire occuper le Pays par l’armée ? Dans d’autres zones de cette planète, on constate que c’est ce qui se passe, ainsi actuellement en Syrie. Mais en Europe de l’Ouest, ce serait le chaos à Bruxelles et à Strasbourg.

Le peuple lui, visiblement, n’a pas peur, et va mettre en place la République.

Et quel va être le devenir de l’Espagne ? Le New York Times, pas n’importe quel journal de fond, s’interroge, ainsi que de nombreux autres acteurs politiques et socioéconomiques dans le monde, devant le constat de 4 votes en 4 ans !

L’histoire a plusieurs fois fait exemple : comme nous l’a rappelé Vicent, quelques évènements sur peu de temps pour l’effondrement du monde ancien.

Sempre endavant.

Comitè de Solidaritat Catalana de Perpinyà

Michel Vallée 1er novembre 2019

Moments-clés signes du basculement d’un système

Un nouveau texte de fond est disponible en PDF sur le côté de la page d’accueil de ce blog. Il s’agit de la traduction du catalan en français de l’éditorial du dimanche 13 octobre de Vicent Partal sur le journal internet Villaweb. Effort de traduction en français car ce texte est une référence géopolitique, en ce sens qu’il met en évidence plusieurs enseignements majeurs des dynamiques de long terme.

Toute puissance est appelée à disparaître ou à être réduite à peu en regard de son temps de gloire, qu’elle se délite sur une longue durée tel le cas bien connu de l’Empire romain, ou qu’elle s’effondre comme un château de cartes tel le cas lui aussi bien connu de l’Union soviétique (soit une autre identité que celle de la Russie). Vicent Partal met en évidence que pour chaque bouleversement de cette ampleur, chaque changement radical de système, un moment clé, un évènement tout autant concret que symbolique, en signe l’imminence. Il explique que pour l’Union soviétique, ce moment a été Tchernobyl (ainsi que Gorbatchev l’a reconnu depuis). Pour le système nazie, c’est Stalingrad. Pour l’Empire romain, nombreux sont les historiens qui identifient la conversion de Constantin (peu avant de mourir de cette vie-ci). Pour l’Espagne actuelle, ce sera le verdict condamnant les « prisonniers politiques catalans », innocents.

Autre trait majeur significatif, un régime, quelle qu’en soit la puissance apparente, au-delà d’un certain seuil de dégradation interne, se trouve structuré sur le mensonge, les mensonges successifs couvrant, aux yeux de l’interne encore plus que de l’externe, les mensonges précédents. L’évènement clé va précipiter la révélation de la carapace de mensonges intriqués entre eux, … la chute est alors inéluctable.

Cette longue note du 13 octobre, veille du verdict prononcé officiellement le 14, développe ces enseignements. Les connaître et comprendre pour lire ce qui se passe depuis et va se passer.

29 octobre 2019

L’hymne de Catalogne, Els Segadors, est totalement d’actualité

Reprenons le trait principal des trois couplets de la version actuelle des Segadors ( les faucheurs).

Le premier couplet dénonce “aquesta gent tan ufana i tan superba” (ces gens si orgueilleux, vaniteux et si hautains, si arrogants). De fait, depuis la nuit des temps, la dominance castillane traite toutes les autres entités ainsi, les traite en colonies considérées comme soumises, ce qui est exactement le traitement fait à la Catalogne, en tous domaines, tant culturels qu’économiques … Il est bien naturel et légitime que, porteuse d’une histoire démocratique et riche d’un millénaire, elle demande, exige, pose son indépendance.

Le second couplet encourage le peuple à rester en éveil “ara es hora d’estar alerta” ( il est temps de rester vigilant, en garde). L’arrestation puis l’emprisonnement de sept membres des CDR, une des associations civiles des catalans (avec l’Assemblea, l’Omnium, l’Association des Maires) cette semaine, pour terrorisme quand il n’y a pas un cheveu à leur reprocher, après les centaines d’exactions menées ces dernières années depuis le recul de Madrid sur les avancées en autonomie, … action violente gratuite, montre bien que le peuple catalan se doit de rester en état d’alerte. Les abus et dénis de droit sont tels que la Catalogne vient de renter en “désobéissance civile” ; c’est de bon et plein droit.

Le troisième couplet met en garde la gouvernance devant la force latente, potentielle, là, représentée par la bannière “Que tremoli l’enemic” (que l’ennemi tremble), … il annonce honnêtement la couleur, met en garde. Les ex-partenaires auxquels étaient tendue la main pour négocier se sont placés dans leur morgue, eux-mêmes, en ennemis. Les capacités de la Catalogne à assurer quoiqu’il lui soit asséné ne sont plus à démontrer ; tant de puissances politiques, économiques, sociales, culturelles, juridiques (puisqu’ils y tiennent tant) … en témoignent. Les 500 Guardia civils envoyés, depuis hors de Catalogne (!) pour arrêter sept hommes constitue un signe évident de peur. Me fait penser à la Grande Armada espagnole, la plus puissante flotte d’alors, orgueilleuse et sure de son succès éclatant, pour occuper l’Angleterre d’Elisabeth Ière. Elle a été décimée en moins d’une semaine par une petite flotte de plus petits navires corsaires d’hommes du peuple à la fois marins et soldats. Aussi, effectivement, que le pouvoir castillan prenne garde, car les catalans sont “comme des poissons dans l’eau” tout en brandissant l’ “ensenya”.

Quand au refrain “bon cop de falç” (un bon coup de faucille), il est à considérer non seulement dans le contexte actuel Catalogne/Espagne, mais d’autres Pays tant en Europe qu’au delà. La mutation de civilisation est engagée.

Michel André Vallée 27septembre 2019

C’était à la 51ème Universitat Catalana d’Estiu, … quelques traits de droit international

C’était à la 51ème Universitat Catalana d’Estiu (Université Catalane d’Été) de Prades, qui vient de se terminer ce matin. Pendant 7 jours, accès libre à des cours de haute tenue en sciences de la nature, sciences dures et technologie, santé, économie, droit, philosophie, histoire, langues, littérature, histoire de l’art, musiques, genre, politique. L’après-midi, ateliers d’interprétation et théâtre, photographie, danse, chant populaire, … et des excursions en montagne. Ainsi que de nombreux temps de débats orientés cette année sur les enjeux européens de la Catalogne (tant pour l’Europe que la Catalogne), dont particulièrement 5 moments animés par l’ANC (Assemblea National Catalana), une des plus importantes et actives associations de la société civile. Cette 51ème UCE a été honorée de la visite de Quinn Torra, Président de la Generalitat de Catalunya.

Quelques notes de  traits juridiques nationaux et internationaux saisis au fil de trois de ces temps hier vendredi 23, significatifs dans le contexte actuel.

L’histoire témoigne de nombreux cas d’écarts importants entre les écrits et déclarations de droit, et les restrictions dans leur mise en œuvre, par ex. en France entre la Déclaration des droits de l’Homme et le droit de vote des femmes qui a attendu la Libération. Actuellement écarts lourds entre le droit de manifester, le droit à l’autodétermination, … et les pratiques actuelles de plusieurs États !

La qualification de séparatisme ne tient pas du hasard. Séparatisme porte une connotation négative, préjudiciable, qui influe sur la difficulté de reconnaissance tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’Espagne. À une autre échelle, association avec « l’image » du divorce », alors que ce dernier peut être à l’évidence motivé, fondé, sans impliquer pour autant de violence ; mais séparatisme implique cette idée de violence, pourtant gratuite. L’histoire récente entre Catalogne et Espagne montre d’où est de fait agie la violence.

La question de l’égalité entre Nations (droit international) comprend la question de « ce qu’est un peuple ». Réponse (Nations Unies) : une Nation portée par un peuple tient à une reconnaissance de tous les jours, simple et évidente, « ordinaire », de ses citoyens ; elle est tout autant culturelle qu’économique, relève d’une histoire. Alors l’autodétermination est constitutive, essentielle même, des droits fondamentaux, tant collectifs qu’individuels. C’est donc un phénomène tant subjectif qu’objectif, et la pratique internationale a mis en évidence que l’objectivation de cette subjectivité se décline de la reconnaissance extérieure.

Le principe de subordination est posé par l’Espagne envers le processus indépendantiste. Là dessus, les NU font « le test de l’eau salée », soit de la proportion des reconnaissances qui font qu’il y a mélange intégré ou non intégré. Ce « test » a été quasi-systématiquement utilisé dans la période de décolonisation. Dans un État, l’assimilation peut résulter d’un colonialisme interne. La subordination y va avec l’image intégrée par le subordonné de la supériorité de l’oppresseur, puis le temps fait le mélange. Ce n’est en rien le cas de la Catalogne, tant pendant de si longues périodes de son passé depuis mille ans qu’actuellement depuis la sortie de la dictature franquiste ; mais c’est intégré dans les fantasmes conscient et inconscients de l’unionisme castillan. En France, cela fait belle lurette que la Bourgogne ne pose plus ce problème (le processus ayant commencé avec Louis XI) ; je ne choisi pas cet exemple au hasard compte tenu de la longue histoire entre Bourgogne et Flandres. La Catalogne est donc en total droit à l’autodétermination. Les violences qu’elle subit accentuent ce droit aux yeux de la reconnaissance internationale (…mais aussi  interne sachant ce que vivent 6 millions de personnes au quotidien).

L’actuel tribunal d’exception (El Suprem) dépend de toutes évidences du politique, quoique les divers dirigeants politiques aux manettes en disent. C’est un procès National et non un procès judiciaire, ; il y s’agit de transformer des actes démocratiques (menés dans une attitudes pacifique par des millions de personnes) en délit de rébellion ; le judiciaire, en ayant pour tâche de justifier le politique, en est d’ailleurs amené à se justifier lui-même. Aussi, et ce depuis tôt après le début de cette action, de plus en plus d’actes extérieurs, de sources diverses couvrant quasiment l’ensemble des champs politiques, comme chacun le sait, attestent qu’il y a là un problème de fond. D’autant plus, qu’outre les leaders, sont menés de très nombreux actes de répression sur de simples citoyens.

Mais, en regard des démarches tant vers les « prisonniers politiques » que les tentatives vers les « exilés », les décisions judiciaires actées ailleurs en Europe sont » in-entendables » en Espagne, … même si, devant les réactions judiciaires et positions « d’ailleurs » face aux tentatives, l’Espagne s’est retirée systématiquement, … n’y pouvant mais.

Mais, les faits sont là, totalement inconsistants au pénal, tous !

Mais, le succès du processus indépendantiste …signifierait la négation de l’actuelle Constitution espagnole, dont sa dimension monarchique. Pour la Justice et l’État espagnol, où s’est perdue la « prévisibilité » du droit (tel acte entraîne si attesté à l’évidence telle sanction ou non selon la Loi), … l’enjeu est de reconduire l’état antérieur ainsi que les clans qui le portent. Comme cela est impossible, les suites ouvrent à tous les possibles et tous les dangers.

À noter que la place des élus catalans au Parlement de Strasbourg est importante, pas seulement par respect de l’expression des électeurs, mais aussi car elle constitue l’expression d’une « minorité nationale », qui en soi en droit international suffit à ouvrir le droit à l’autodétermination. De plus, savoir aussi qu’en droit européen, l’immunité parlementaire est (devrait être) effective dés l’instant même de l’élection !

Une information : le 155 ne peut intervenir sur les actes du Consell per la Republica, de statut international. Néanmoins en France sur 300 kms au delà de la frontière, faire attention à l’accord de Malaga de 2002 passé entre la France et l’Espagne, en fait aux débordement éventuels d’interprétation.

Deux autres remarques personnelles :

  • admiration envers la Tchéquie et la Slovaquie qui ont su se séparer correctement, posément, proprement , et savent depuis vivre chacune en bonne entente.
  • tristesse en considérant la situation du peuple kurde, partagé entre quatre États (Turquie, Syrie, Irak, Iran) et spolié de son droit à l’indépendance depuis plus d’un siècle, droit réactivé récemment pas ses engagement courageux.

Michel André Vallée   24 août 2019

Le jusqu’auboutisme dans l’absurde du colonialisme castillan

Examinons les décisions prises, ces dernières semaines 21, 22 et 23 de cette année 2019, par l’Espagne envers les dirigeants « prisonniers » et exilés de l’indépendantisme catalan.

En résultats des élections aux « législatives » espagnoles du 28 Avril, quatre des principaux leaders indépendantistes « en prison » (Oriol Junqueras, Jordi Sanchez, Jordi Turull, Josep Rull) ont été élus députés et un (Raül Romeva) sénateur.

Un des premiers actes des Cortés (le Parlement espagnol) a été de suspendre par vote ces quatre députés catalans, et le Sénat espagnol a fait quelques jours après de même envers le sénateur catalan !

Rappelons que fin Mars, quarante et un sénateurs français (de tous Partis et Régions) ont formellement demandé à l’État français et à l’UE d’arrêter le désordre, le gâchis causé par l’Espagne avec sa violation des droits civiques, … entrainant immédiatement une opposition-réprobation violente tant dans les termes que la démarche diplomatique de la part de l’ambassade d’Espagne en France. En cohérence avec d’autres interventions de cette ambassade ces toutes dernières années.

Enfin, des politiques français (mais pas l’establishment aux manettes) disent, clairement tout en restant dans les cordes du « convenable », que cela a trop duré. Seuls auparavant, quelques médias et personnalités françaises avaient « osé » condamner un déni inadmissible de démocratie. Ce n’est qu’un cas parmi tant d’autres de même nature ces dernières années (les constats et témoignages sont en abondance sur des supports de dorénavant quasi toutes tendances).

Suite : en résultat des européennes du 26 mai, deux leaders indépendantistes exilés sont élus au Parlement européen, Carlés Puigdemont et Toni Comin. Ce 29 mai, jour d’installation à Strasbourg des élus européens, les deux élus catalans se sont vus interdire d’entrer au palais du Parlement, donc de pouvoir commencer à exercer leur mandat, sous prétexte de conditions de sécurité, et en fait sur décision politique du Président sortant du Parlement, Antonio Tajani et de son secrétaire général, Klaus Welle, tous deux membres du PPE !

À Madrid, le procès des leaders du mouvement indépendantiste catalan « prisonniers politiques » en prison vient d’entrer cette semaine dans sa phase terminale. Toutes celles et ceux qui suivent ce « procès », dont de nombreux médias journaux et sur la toile, ont bien compris depuis son début (et même depuis l’arrestation officielle des « prisonniers politiques ») qu’il est sans fondements, et que le système judiciaire espagnol a été incapable de rassembler les preuves liés aux objets de l’accusation, tant en ce qui concerne la sédition que des malversations financières. Les faux témoignages avancés par des policiers et militaires ont même été retournés ! En fait pas étonnant compte tenu de l’option de non-violence et de négociation traditionnelle de la culture catalane.

Rappelons que depuis les suites du 1er octobre 2017, le processus judiciaire et politique engagé par l’Espagne a été formellement dénoncé et condamné en Allemagne, en Finlande, en Suisse, au Danemark, au Portugal, en Slovénie, tant en Angleterre qu’en Écosse, au Québec, … et que la semaine dernière l’ONU a demandé à l’Espagne, après une instruction sans appel contre les pratiques de l’État espagnol, la libération immédiate des « prisonniers » qui en droit ne devraient depuis le début pas en être, qu’ils soient indemnisés, et d’engager une enquête complète et indépendante des droits floués ces dernières années ! Immédiatement, l’Espagne a exigé le retrait de l’habilitation de deux des membres du groupe d’experts de l’ONU !

Rien n’y fait, ce Tribunal, sans preuves, vient cette semaine quand même de confirmer la demande de condamnations  à des 15 à 25 ans de prison !?

C’est là, sans exagérer, typique de la même rage cruelle, vindicative et perverse qui a, sous la dictature Franco, condamné à être garrotté trois ou quatre fois (si mon souvenir est correct)  le dernier des basques qui a été exécuté. Raideur extrême d’un système.

En soi, quelle monstruosité gratuite que d’utiliser le garrot pour les exécutions capitales, provoquant une très longue et douloureuse agonie !

Pendant ce temps, certes l’article (abusivement mis en œuvre) 155 a été levé après le remplacement de Mariano Rajoy (PP) par Pedro Sanchez (PSOE), mais toutes les restaurations de la privation de l’autonomie de la Generalitat de Catalunya ne sont pas encore effectives, les freins ont été poussés au bout du bout, … et les exactions et difficultés « gratuites » auprès de maires et particuliers continuent au plan local, tout juste adoucies et moins visibles depuis l’arrivée au pouvoir de Pedro Sanchez.

De tout cela, en sont complices non seulement le système de pouvoir, dont la royauté mise en place par Franco, espagnol, mais aussi de ce côté des Pyrénées le gouvernement et la partie « aux ordres » de la presse française, et plus général la CE et les Présidents tant de la Commission de Bruxelles que du Parlement de Strasbourg.

Question, le prochain Président de ce Parlement qui va être coopté donc élu par une nouvelle majorité (encore à constituer) va t’il modifier dans le sens de la démocratie cette attitude, et jusqu’où ? Avec quelles répercutions en effet domino ?

En attendant, j’ai eu l’opportunité vendredi 24 d’emmener quelqu’un à l’aéroport international d’El Prat de Barcelone, tôt le matin. Disposant de temps, je suis rentré en France en passant par plusieurs lieux que je souhaitais revoir. Un des traits qui m’a frappé, sans parler du dynamisme évident de Barcelone, est l’activité locale dense tant industrielle qu’agricole dans tout le Pays. Les gens travaillent, ce Pays a et développe une âme spécifique, … là où dans de plus en plus d’autres Pays, dont à l’évidence la France (passée du 5ème rang mondial à entre 15ème et 40ème selon les critères), tant déplorent l’état de dégradation.

C’est le même constat à chaque déplacement que je fais « au Sud » (de la Catalogne), … et cela rejoint tant de constats d’économistes et sociologues internationaux sérieux, dont nous pouvons disposer.

Bien entendu, il est possible de comprendre au premier regard pourquoi l’Espagne actuelle (dont les constitutions des diverses « provinces » sont diverses ?) ne veut à tous prix pas « perdre » ce « territoire » ; c’est elle qui ne veut pas perdre de l’exploiter comme une de ses dernières colonies, … et non l’inverse du procès d’intention non fondé que les catalans ne veulent pas partager leur richesse.

Alors, si là est la vraie motivation de l’establishment castillan, car c’est au regard de l’histoire la culture de la Castille et de ses « conquistadors » qui a imprégné comme une sorte de pensée unique la quasi intégralité de cet establishment là, … comment la gouvernance espagnole n’a t’elle pas compris que la Catalogne indépendante pourrait être son meilleur allié économique et culturel, … au lieu de la repousser aux yeux de tout un peuple (dorénavant un 50 % réel régulièrement croissant) ?

Non, certes, la motivation économique existe, mais les motivations identitaires de fond sont autres. En 2019, en plein processus de refondation de l’Europe pour redresser la tête dans une mondialisation qui la noie, la représentation collective castillane est bien archaïque, … et absurde. No pot durar.

Et la Catalogne indépendante pourrait bien être une des entités exemplaires de reconstruction attendue de cette Europe.

Michel André Vallée 2 juin 2019

Rencontre avec Jordi Puig, un grand sans ses jambes

Hier j’ai donc eu l’honneur, au milieu de mes amis d’ici,  de rencontrer cet homme qui termine un parcours de plusieurs centaines de kms au travers de toute la Catalogne sur son fauteuil roulant. Parti des Baléares, il termine aujourd’hui à Salses, à la frontière Nord. Il s’était arrêté hier dans le Conflent pour visiter l’exposition de photos sur la Retirada, si nettement symbolique en montrant que les façons dont les hommes se traitent n’ont pas changé entre il y a 80 ans et aujourd’hui, dans le meilleur comme dans le pire.

Je ne rappelle pas ici pourquoi ni comment Jordi a perdu ses deux jambes, simplement que ç’est dans un geste d’honneur. Mais il nous a raconté comment il a été systématiquement toujours aidé, partout , dans les Casals, Associations, Structures solidaires diverses, et par les gens croisés sur son chemin. Il a rapporté que, là où il a été accueilli, partout en Catalogne, il a reçu le témoignage de la volonté de ce peuple à reconstruire sa Liberté (Llibertat), avec la connaissance et certitude que ce destin est inéluctable et que, malgré les obstacles conservateurs et réactionnaires, même si il n’est pas encore possible de savoir exactement comment, la voix est ouverte, là, proche, incontournable telle qu’elle se prépare. Il a aussi rapporté que, même si la démarche catalane se veut de part sa nature historique pacifique, les abus de violence de l’1-O ne se renouvelleront pas encore ainsi, car lorsque l’indépendance, qui est proclamée, sera actée, si, dans un endroit, les agresseurs entrent ainsi en force, ils ne sortiront pas ! Oser le dire avec le cœur quand le mot d’ordre du devoir de désobéissance est devenu explicite.

Le lui ai posé la question, traduite en catalan par une camarade, « Qu’est-ce qui vous meut, non dans la tête, mais venant du ventre ? ». Sa réponse : « L’amour, l’amour de la vie, l’amour de ce que nous sommes. Il est toujours si émouvant de voir, sentir, entendre les personnes que l’on rencontre savoir ce qu’elles veulent, simplement, et le partager entre elles ». Fem pais.

Risque à terme d’une nouvelle RETIRADA ?

Le soir sur ARTE vers 20H15 magazine 28 ‘ qui le vendredi fait le point de la semaine. ARTE, franco-allemande, reste une des rares chaines de qualité.  Cependant hier soir quiconque est un peu au courant de ce qui se passe en Catalogne n’a pu qu’être choqué par la description qu’en ont fait, après le refus cette semaine du budget de L’Espagne à Madrid, deux des journalistes habituels du vendredi sur ce plateau. Je ne les nomme pas ici : l’un est correspondant à Bruxelles d’un des journaux français les plus en vue et l’autre la représentante en France d’un des premiers journaux britanniques. Pour ces deux journalistes côtés mais « couchés », la chute du Premier ministre espagnol est la faute des députés catalans et les « déboires » du mouvement indépendantiste de Catalogne résultent du l’égoïsme financier des catalans qui s’obstinent à refuser de partager les fruits de leur économie florissante avec les autres Régions plus pauvres d’Espagne !

Pourtant, au moins depuis la violente répression par la Guardia Civil du referendum du 1er octobre 2017, et depuis les décisions (vraiment démocratiques celles-là) des tribunaux belges et allemands qui ont déboutées les tentatives de l’État castillan s’attaquant aux éxilés, l’essentiel de la presse internationale et des journalistes et experts ont mis en évidence les réalités de tout ce qui s’est passé ; n’y revenons pas il suffit de consulter les archives de tous les supports, …

TOUS ?, non pas car observons avec stupeur les quelques  silences « assourdissants », notamment celui des télévisions espagnoles qui ne commentent pas le jugement des responsables politiques catalans emprisonnés, qui vient de commencer (le jugement n’est couvert au sud des Pyrénées que par les chaines catalanes), et le silence des médias français lesquels , sauf quelques courageuses et honnêtes exceptions, font silence depuis avant même octobre 2017, ou déforment grossièrement la réalité en se contentant de reprendre les agence de presse de Madrid !

Ces dénis et déformations de l’évidence sont ou devraient être  proprement inadmissibles  pour tout «  honnête homme « , et irrecevables de la part d’un État (Espagne) membre à part entière de l’UE. Plus largement, tous ces constats navrants sont significatifs de ce système socio-politique européen gravement dégradé, … comme les manœuvres climatosceptiques, la non-répression des pesticides, le mise en place des Accords de Libre-Échange qui nous couchent sous les multinationales et les States, la multiplication des dénis de démocratie …etc, etc …le démontrent.

J’en viens à la Retirada, dont les 80 ans de mémoire font l’objet actuellement, en Catalogne, Sud et Nord, de nombreuses manifestations. Quel fort signal de synchronicité en voyant le lancement de ce « jugement » (non fondé en soi) à Madrid simultanément avec les 80 ans de la Retirada. Qu’est-ce que la Retirada : ainsi les catalans appellent le départ désespéré des républicains catalans et espagnols, et de nombreux habitants fuyants au su des agissements des armées franquistes, sans rien, toutes et tous (plus de 500000) qui ont passés la frontière ici en Pyrénées Orientales. Dans les pires conditions comme tant de travaux de mémoire en témoignent, … conditions « d’accueil » dont la France peut avoir honte.

Ce matin, au cœur des manifestations tant au sud qu’au nord, la Municipalité de Prats de Mollo (un des principaux point de passage), organise une marche au col d’Ares, en présence du Président de la Generalitat, de Catalunya Quim TORRA. Explication des faits à la chapelle Sainte Marguerite par M. Ramon Gual, dont la vie militante a été consacrée à la catalanité.

Au terme de l’exposé du même Ramon Gual père, richement objectivé, il y a une semaine à Olette, nous avons exprimé l’hypothèse de voir de nouveau, à terme, une nouvelle Retirada aussi dramatique, … au vu des attitudes de la CE à Bruxelles, et des évolutions politiques qui risquent de résulter des prochaines élections, tant pour l’ensemble de l’Europe qu’en Espagne.

Si ce devait advenir, ce seront encore des souffrances, des injustices, des gaspillages d’énergie … horribles et inutiles, … inutiles car notre continent, y compris en Catalogne comme ailleurs, ne pourra pas empêcher de continuer à dénier, de masquer par les pratiques de la « société du spectacle », de lutter contre les conséquences naturelles des réalités. La mutation est en cours.

La chanson catalane l’Estaca (Le pieu) est encore d’actualité.

Michel André Vallée –  16 février 2019

Transfert du 1er février : un des regards des enjeux à terme

Transférées donc hier vendredi 1er février des prisons de Catalogne à Madrid pour le début de ce « jugement » sur des chefs d’accusation non fondés et dénoncés par de nombreuses personnalités et juristes occidentaux, dont certains en Espagne même. 

La justice espagnole et la caste au pouvoir en Espagne est à ce point dos au mur que l’on voit mal comment elles pourraient ne pas prononcer les condamnations, sachant évidemment qu’appel en sera fait devant la Cour européenne de Strasbourg. 

Mais la tenue de l’appel prendra beaucoup de temps. Pendant ce temps, les dirigeants « actuels » espagnols espèrent d’une part maintenir le statut actuel de la Catalogne, éviter l’indépendance en échange d’une autonomie renégociée, donc pourrir la situation et rassembler les capacités à engager une telle « négociation », d’autre part voir s’imposer en Europe une majorité d’extrême-droite d’où une modification profonde des enjeux et contextes. 

Actuellement, des manifestations franquistes se multiplient, deviennent de plus en plus violentes, ainsi préparent le terrain, pendant que les exactions sur l’ensemble de la population continuent comme depuis le referendum du 1er octobre 2017 (et en fait bien avant). 

C’est n’avoir rien compris à l’histoire et la culture catalane, la détermination de la population, … et prendre un risque énorme sur l’avenir à court et moyen terme. Bien entendu, les prisonniers sont d’ores et déjà qualifiés de criminels, et les observateurs internationaux interdits. Quoique le système de gouvernance espagnol fasse, ce procès ne pourra être que politique, en interne tout comme en externe. 

C’est toute l’Europe en laissant faire qui se tire une balle dans le pied !

En Catalogne, les Comités de défense de la République portent une vision émancipatrice de l’indépendance

PAR STÉPHANE FERNANDEZ 19 DÉCEMBRE 2017, dans BASTA

Le mouvement indépendantiste catalan se prépare aux élections régionales du 21 décembre, sous la menace d’interdiction des partis opposés au pouvoir central de Madrid. En son sein, les Comités de défense de la République se sont multipliés. Ces assemblées de quartier voient dans l’indépendance l’opportunité d’une transformation de l’ordre social et de remise à plat d’un régime en crise. Ces comités fédèrent aussi bien des militants de gauche, des libertaires que des citoyens qui ne sont pas forcément des inconditionnels de l’indépendance. Reportage.

A une demi-heure en métro du centre de Barcelone, se dressent les immeubles de L’Hospitalet de Llobregat. Soit la deuxième plus grande ville de Catalogne, avec 250 000 habitants, mais une banlieue de la ville-monde voisine. De tristes tours et de nombreux ensembles urbains ont poussé dans les années 60 et 70 autour des maisons de style « art moderne » du 19ème siècle, que la bourgeoisie barcelonaise venait occuper l’été. Ils ont permis d’absorber les migrations, d’abord venues des autres provinces d’Espagne pour travailler chez le constructeur automobile Seat, puis des latino-américains ou des africains.

Le taux de chômage officiel y tourne autour de 12%, dans la moyenne de la région. Entrecoupée d’autoroutes, de voies rapides et de voies ferrées, L’Hospitalet de Llobregat ne compte aujourd’hui que 50% environ de population autochtone, et près de 40% des habitants ne parlent pas le catalan. Lors du référendum d’auto-détermination sur l’indépendance de la Catalogne du 1er octobre dernier, c’est une des villes où le vote pour le non a été le plus élevé.

« Défendre la démocratie, les droits humains, les libertés civiques »

Pourtant, dès le mois de septembre, la ville a été emportée par la large mobilisation citoyenne qui a secoué toute la Catalogne et permis, in fine, la tenue du référendum. Des Comités de défense du référendum (CDR) y ont fleuri dans les différents quartiers. Depuis la victoire du « oui » puis la proclamation de la République le 27 octobre, ces collectifs se sont transformés en Comités de défense de la République. Aujourd’hui, 280 à 300 CDR irriguent le territoire (Voir leur implantation géographique sur cette carte) et laissent entrevoir dans l’indépendantisme catalan un mouvement bien plus profond et populaire que l’image classique d’un nationalisme rance et égoïste.

Ces mouvements de base auto-organisés, sans structure dirigeante, regroupent d’ailleurs bien au-delà des cercles indépendantistes. Victor, membre d’un des CDR de L’Hospitalet, en rappelle l’origine : « Les CDR sont nés pour défendre un référendum que l’État espagnol voulait empêcher à tout prix. Des gens qui ne sont pas indépendantistes ont défendu les bureaux de vote, ce qui montre bien qu’au fond, il est aussi question de défendre la démocratie, les droits humains et les libertés civiques. »

Héritiers des Indignados

Cette mobilisation a surpris les plus anciens activistes dont Iñaki Garcia, qui milite depuis plus de 30 ans dans les mouvements libertaires, toujours influents en Catalogne. Il est l’un des fondateurs d’El Lokal, boutique et espace ouvert autogéré où convergent les luttes et les résistances à la gentrification et aux mafias de toutes sortes, dans le quartier du Raval à Barcelone.« Les phénomènes aussi amples, personne ne les prévoit, résume Iñaki. Tu les désires, tu sais que quelque chose peut se passer mais quand ils arrivent, ils te surprennent. Le 1er octobre s’inscrit dans cette logique. Surtout par la magnitude que l’événement a pris : des milliers de personnes, de tous âges, de toutes classes sociales, mettant leur corps en avant pour protéger des urnes, pour défendre un droit élémentaire. C’était très impressionnant. »

Comme lors des épisodes du 15-M (souvent appelé mouvement des « indignés » ou indignados, en 2011) ou plus récemment en France, lors de Nuit debout, les gens ont l’impression de pouvoir agir à nouveau. Ils tissent des liens, débattent, se réapproprient la parole politique. Témoins de cette effervescence démocratique et populaire, les nombreuses journées, les assemblées, les multiples actions et mobilisations organisées un peu partout.

« Je veux d’autres façons de nous gouverner nous-mêmes »

Ainsi mi-novembre, les CDR de L’Hospitalet se sont réunis pour une journée de mise en commun des pratiques, pour commencer à penser collectivement leur rôle dans la Cité. Au programme, des ateliers de résistance passive, de relaxation, de sécurité informatique ou de création de pancartes pour les futures manifestations, et des tables rondes sur la question du féminisme ou des migrations… Des familles viennent avec leurs enfants, des anciens racontent les luttes des années 70, les indépendantistes de la première heure côtoient ceux qui veulent refaire le monde.

On échange sur la démocratie et sur l’indépendance. Sonia :« Moi, je ne me considère pas comme indépendantiste. Par contre, l’indépendance est une opportunité pour rompre avec le statu quo et tout repenser depuis zéro, autant les relations économiques que politiques. Quel type de démocratie nous voulons et comment la faire fonctionner ? On vote pour des partis politiques qui se chargeront de tout et auxquels nous déléguons toute la responsabilité. Non ! Moi, je veux prendre des responsabilités sur ma vie, je veux d’autres façons de nous gouverner nous-mêmes. »

Roman ne dit pas autre chose. Mal assuré en catalan, il s’exprime en castillan : « Un drapeau, ça ne me dit rien. Si j’avais la capacité de demander quelque chose, ce serait un État où la séparation de pouvoirs soit réelle. C’est la base de toute démocratie. Et surtout, un État sans monarchie et sans fascisme. S’il y a une République catalane avec une séparation des pouvoirs et sans aucun « Rajoy »[du nom du chef de gouvernement espagnol, le conservateur Mariano Rajoy, ndlr], ni Maison royale… je prends ! »A côté de lui, Jordi renchérit : « On me demande de quoi je veux être indépendant. Mais de tout ce que représente le régime de 78, de la corruption politique et économique, de l’autoritarisme, de l’impunité des tortionnaires qui ont gagné la guerre civile, de l’extrême droite ! »

Un indépendantisme de gauche et internationaliste ?

L’indépendantisme catalan cristallise un certain nombre de problèmes que l’État espagnol n’a jamais réglé. De la coexistence de plusieurs nationalités au sein d’un même pays à la transition démocratique de l’après-Franco, en passant par la corruption ou les luttes féministes, les CDR veulent s’emparer de tous les sujets. Sonia Farré, députée au Parlement espagnol, affiliée à Podemos et membre de la formation politique des « Comuns », rappelle les origines du conflit actuel : « A peu près au même moment que la crise de 2008, qui entraîne le mouvement des Indignés, en Catalogne un nouveau Statut d’autonomie est adopté par référendum, en lien avec Madrid. Or, quand ce statut passe devant les députés, il est amendé. Puis le Parti populaire le traîne devant le Tribunal constitutionnel qui finit de le vider de son sens. En ce qui concerne l’autonomie des provinces, il y a bien peu de respect des aspirations citoyennes. A partir de là naît un mouvement populaire assez large, qui réclame le droit de pouvoir décider des relations entretenues avec l’État. Une partie est nationaliste, mais pas seulement. Beaucoup de gens voient dans l’indépendance la possibilité de rompre avec le régime sorti de la Constitution de 1978. »

Cette aspiration à la rupture soude au-delà du seul bloc indépendantiste. Un bloc qui n’est pas monolithe, et dans lequel le nationalisme patriotique et égoïste est loin d’être majoritaire. Est-ce à dire qu’il existerait un indépendantisme de gauche ? Voire internationaliste ? C’est ce que revendique en tout cas Eduardo Caliz, membre du secrétariat national de la Candidature d’unité populaire (CUP), le parti de gauche radicale catalan :« Oui, nous sommes internationalistes. La reconnaissance d’une communauté ne repose pas sur la glorification d’une nation, mais dans la libre relation avec les autres communautés et les autres peuples du monde. L’indépendantisme ouvre de réelles possibilités de transformation sociale. »

Une gauche radicale très active

Aux dernières élections en Catalogne, la CUP s’est retrouvée dans une position centrale, puisque l’alliance de Junts per Si (regroupant le Parti démocrate catalan et l’Esquerra Republicana Catalana – Gauche républicaine catalane) n’a pas réussi à obtenir la majorité absolue. La CUP milite depuis longtemps pour l’indépendance, la sortie de l’Union européenne et la rupture avec les politiques économiques néolibérales. Ses militants et dirigeants viennent souvent des milieux populaires ou libertaires, dans lesquels tout se débat et tout se vote en assemblée.

Depuis le milieu des années 2000, ce sont souvent eux qui sont à l’origine des centaines de consultations organisées au niveau local, demandant l’organisation d’un référendum. Et avec ses dix députés, la CUP a porté ces revendications au Parlement catalan. Elle a négocié son soutien à Junts Per Si autour de plusieurs points clés, notamment le départ d’Artur Mas, l’ancien président de la Généralité plombé par des affaires de corruption, une date butoir pour l’organisation d’un référendum et un agenda social et législatif marqué par des réformes progressistes.

« Rupture avec les États autoritaires et centralistes »

Pour Mireïa Boya, député de la CUP au parlement catalan et candidate aux élections du 21 décembre, « les politiques centralistes se font toujours au détriment des classes populaires. La crise en Espagne a affecté essentiellement les travailleurs. Les grands pouvoirs économiques et financiers en portent la responsabilité. Ils se cachent derrière le pouvoir politique. C’est le cas en Espagne mais ça l’est aussi en France. En ce sens, je suis étonnée que les mouvements de gauche les plus réformateurs de France ne comprennent pas que la liberté en termes de souveraineté sociale, économique, écologique passe aussi par une rupture avec ces États autoritaires et centralistes. »

Pour Victor, membre d’un des CDR de L’Hospitalet, l’indépendantisme est « une autre manière de vivre cette maxime issue de l’altermondialisme : agir local, penser global ». Et de préciser lui aussi : « On ne vit pas l’indépendantisme comme un nationalisme. C’est un outil pour construire des souverainetés, de la souveraineté alimentaire à la souveraineté énergétique en passant par le logement. Depuis longtemps, on a été dépossédés de notre capacité à prendre des décisions sur de très nombreux aspects de nos vies : l’éducation, la santé, l’alimentation… C’est un outil pour rompre toutes ces chaînes. »

« L’indépendance pour transformer la réalité, pas pour changer le drapeau du balcon »

Jesus Rodriguez, journaliste à La Directa, porte le même regard sur le mouvement et son ancrage à gauche : il s’agit de « faire l’indépendance pour transformer la réalité, pas pour changer le drapeau du balcon de la Généralité ». Pour cette sensibilité politique, les nombreuses lois progressistes adoptées ces dernières années par le Parlement catalan et déclarées inconstitutionnelles à Madrid seraient une marque de plus que l’Espagne n’est pas réformable. Au total ce sont plus de vingt lois, n’ayant a priori rien à voir avec l’indépendantisme, qui ont été ainsi retoquées. Parmi les plus emblématiques, la loi sur la précarité énergétique garantissant la fourniture d’énergie aux familles pauvres, la loi instaurant un impôt sur les logements vides, la loi pour une égalité effective homme-femme, la loi interdisant l’installation des grandes surfaces en dehors des grandes villes, la loi contre la fracturation hydraulique ou encore la réforme du code du commerce.

Jesus Rodriguez poursuit : « La bataille de l’Etat contre l’indépendantisme catalan prend beaucoup plus de virulence quand ils identifient le fait que le processus n’est pas de droite mais qu’il est traversé par toute une série de revendications pour une transformation de la société catalane. Une redistribution de la richesse et une amélioration des conditions de vie, qui affecteraient les intérêts de grandes corporations et oligarchies dans l’énergie, l’habitat, ou encore la banque. »

« Je ne crois ni à l’État espagnol, ni à l’État catalan »

Cette même analyse pousse une partie importante du mouvement libertaire à rejoindre l’indépendantisme. Joan Solana, alias Juanito Piquete, musicien, activiste, membre de la Coopérative intégrale catalane, n’est pas dupe pour autant : « Que la bourgeoisie essaye de manipuler ce qui se passe ou de le transformer en nationalisme, il en a toujours été ainsi et cela ne m’étonne pas. Le nationalisme est l’imposition d’une culture sur une autre. Je ne suis pas nationaliste, je ne suis pas patriote. Je défends mon droit à décider. Je ne crois ni à l’État espagnol, ni à l’État catalan. Simplement, un ennemi plus petit, l’État catalan, pourrait ouvrir la possibilité de voir émerger des processus autogestionnaires, d’autonomie, de gestion directe de nos vies bien plus proches de ce que nous voulons et désirons. »

Jusqu’à très récemment, Joni D., musicien, auteur, manager et responsable d’une maison de disques, ne voyait dans la question de l’indépendance qu’un écran de fumée du parti de la droite catalane, Convergencia i Unio (CiU) pour masquer sa corruption et se maintenir au pouvoir coûte que coûte. Il a changé d’opinion récemment « en constatant que ce sont les citoyens eux-mêmes qui ont forcé les politiques à aller de l’avant, que ce soit pour adopter des lois progressistes ou pour le processus d’indépendance ». Et de poursuivre : « Le mouvement libertaire n’a rien à perdre dans cette affaire. Au contraire, cela ouvre des opportunités. Donc oui, je préfère la République catalane, non pas que la République soit mon objectif mais parce qu’elle me permet d’en finir avec la monarchie. »

La crise d’un régime « à bout de souffle »

Pour s’opposer aux aspirations catalanes, Madrid s’est arc-bouté sur la légalité constitutionnelle, érigée en horizon juridique indépassable. Or, c’est aussi cette Constitution, le « régime de 1978 » issu de la fin du franquisme, que combattent aujourd’hui de plus en plus de personnes. « Ce qui se produit en Catalogne est un symptôme révélant la crise de ce régime, analyse Iñaki Garcia. Il est à bout de souffle. Et cela affectera aussi les autres régions. »Un constat partagé par Sonia Farré : « Dans le reste du pays, il y a aussi une demande de transformation et d’adaptation du régime. La majorité des gens vivant aujourd’hui en Espagne n’a pas voté pour cette Constitution et ne peut même pas donner son avis. »

En Espagne, la « transition démocratique », de la mort de Franco jusqu’à l’arrivée du Parti socialiste au pouvoir en 1982, est pratiquement sanctifiée. Or, comme le rappelle Eduardo Caliz, « la Constitution de 1978 a été rédigée sous la menace constante de l’armée espagnole et dans la peur d’un coup d’État ». Franco avait nommé lui-même son successeur, et réinstauré de fait la Monarchie avant même sa mort afin de laisser le pays « atado y bien atado »(ficelé et bien ficelé) selon la formule employée lors de son discours de Noël 1969. La transition a aussi permis aux élites franquistes de se maintenir longtemps au pouvoir. Quant à la loi d’amnistie adoptée avant la Constitution en 1977, elle a empêché tout jugement des crimes de la dictature. Pour beaucoup, le PP et le PSOE qui se sont partagés depuis le pouvoir, n’ont fait que prolonger les contradictions issues de la période de la transition.

Les élections sous menace de répression

Quel avenir désormais pour le mouvement indépendantiste et le vent de réformes qu’il veut promettre ? Comment continuer à avancer malgré la mise sous tutelle de la région à travers l’article 155 de la Constitution ? Pour l’instant, les élections du 21 décembre prochain semblent vouloir donner à nouveau une majorité aux partis indépendantistes. Des menaces d’interdiction de certains partis, notamment la CUP, sont de plus en plus présentes. Mireïa Boya veut rester sereine : « S’ils le font, ce sera un signe de plus de ce qu’est réellement l’État espagnol, un État autoritaire. Je ne sais pas si les élections du 21 décembre, avec toutes ces menaces, bénéficieront de garanties démocratiques. Mais que devons-nous faire ? Rester à la maison et abandonner la lutte ? Ce n’est pas notre culture politique ! Pour ma part, que je sois élue au Parlement ou non, mon objectif sera le même : défendre la République. »

Les militants, ceux des CDR ou d’autres organisations, voient la répression se rapprocher avec inquiétude. Pour autant l’espoir ne les quitte pas comme l’explique Victor : « Toutes les espérances sont permises. De nombreuses personnes se mettent à penser activement, à agir collectivement. C’est merveilleux. Et aujourd’hui, nous ne demandons plus l’indépendance. Nous nous interrogeons déjà sur ce que sera cette République. Rien n’est écrit. Rien n’est décidé. Des débats peuvent être ouverts dans tous les domaines. Il faut profiter de ce moment. »

Stéphane Fernandez

Le texte complet et traduit de la déclaration d’indépendance de la Catalogne

Quoi qu’on en pense, le texte de déclaration d’indépendance est un document historique qui mènera la Catalogne soit à l’indépendance soit au chaos. L’Indépendant vous a traduit ce document signé par 72 députés (soit la majorité du Parlement de Catalogne). Ses effets ont été suspendus le temps de négocier la sortie de l’Espagne avec le pouvoir central.

« Au peuple de Catalogne et à tous les peuples du monde,

La justice et les droits humains individuels et collectifs intrinsèques, fondements essentiels qui donnent la légitimité historique et la tradition juridique et institutionnelle de la Catalogne, sont la base de la constitution de la République catalane.

La nation catalane, sa langue et sa culture ont mille ans d’histoire. Pendant des siècles, la Catalogne a été dotée et a bénéficié de ses propres institutions qui ont exercé l’autonomie avec plénitude, avec la Generalitat comme la plus grande expression des droits historiques de la Catalogne.

Le parlementarisme a été, pendant les périodes de liberté, la colonne vertébrale sur laquelle ces institutions ont été soutenues, il a été canalisé par les « Cortes catalans » et a été cristallisé dans les Constitutions de Catalogne.

« Depuis l’adoption de la Constitution espagnole, la Catalogne a joué un rôle clé avec une attitude exemplaire »

La Catalogne restaure aujourd’hui sa pleine souveraineté, perdue et largement attendue depuis des décennies lors d’une coexistence institutionnelle honnête et loyale avec les peuples de la péninsule Ibérique.

Depuis l’adoption de la Constitution espagnole de 1978, la politique catalane a joué un rôle clé avec une attitude exemplaire, loyale et démocratique à l’égard de l’Espagne et un sens profond de l’Etat. L’Espagne a répondu à cette allégeance en refusant la reconnaissance de la Catalogne en tant que nation; et a accordé une autonomie limitée, plus administrative que politique et a provoqué une processus de recentralisation; un traitement économique profondément injuste et une discrimination linguistique et culturelle. 

Le statut d’autonomie, approuvé par le Parlement et le Congrès et approuvé par la citoyenneté catalane, devrait constituer le nouveau cadre stable et durable des relations bilatérales entre la Catalogne et l’Espagne. Mais c’était un accord politique brisé par la décision de la Cour constitutionnelle et qui a fait émerger de nouvelles plaintes des citoyens.

Reprenant les demandes d’une grande majorité de citoyens de Catalogne, le Parlement, le gouvernement et la société civile ont demandé à plusieurs reprises à l’état espagnol la tenue d’un référendum sur l’autodétermination. Devant la constatation les institutions de l’Etat ont rejeté toutes les négociations, elles ont violé le principe de démocratie et d’autonomie et ont ignoré les mécanismes juridiques prévus par la Constitution, la Generalitat de Catalogne a organisé un référendum pour l’exercice du droit à l’autodétermination reconnu en droit international.

L’organisation et la célébration du référendum ont conduit à la suspension de l’autonomie gouvernementale en Catalogne et à l’application de fait de l’état d’urgence. Les opérations policières brutales de caractère et de style militaires orchestré par l’Espagne contre les citoyens catalan ont touché, en de multiples occasions répétées, leurs libertés civiles et politiques et les principes des droits de l’homme, et a contrevenu aux accords internationaux signés et ratifiés par l’Etat espagnol.

Des milliers de personnes, parmi lesquelles des centaines d’élus, institutionnels et professionnels du secteur des communications, l’administration et la société civile ont été surveillées, détenues, frappées, interrogées et menacées par de sévères peines de prison.

« Les citoyens de Catalogne ont voté majoritairement en faveur de la République catalane »

Les institutions espagnoles, qui doivent rester neutres, protéger les droits fondamentaux et arbitrer le conflit politique, sont devenues une partie et un instrument de ces attaques et ont laissé les citoyens de Catalogne sans protection. Malgré la violence et la répression visant à empêcher un processus démocratique et pacifique, les citoyens de Catalogne ont voté majoritairement en faveur de la constitution de la République catalane.

La Constitution de la République catalane se fonde sur la nécessité de protéger la liberté, la sécurité et la coexistence de tous les citoyens de la Catalogne et d’avancer vers un Etat de droit et une démocratie de meilleure qualité et répond à l’interdiction de la part de l’Etat espagnol de rendre effectif le droit à l’autodétermination des peuples.

Le peuple de Catalogne est l’amant du droit, et du respect de la loi est et sera l’une des pierres angulaires de la République.

L’Etat catalan remplira toutes les dispositions conformes à la présente Déclaration et garantira le maintien de la sécurité juridique et le maintien des accords de l’esprit fondateur de la République catalane.

La constitution de la République est une main tendue au dialogue. Conformément à la tradition catalane, nous maintenons notre engagement en faveur de l’accord comme moyen de résoudre les conflits politiques. De même, nous réaffirmons notre fraternité et notre solidarité avec le reste des peuples du monde et en particulier avec ceux avec lesquels nous partageons la langue et la culture et la région euro-méditerrannée pour la défense des libertés individuelles et collectives.

« Nous constituons la République catalane »

La République catalane est une opportunité pour corriger les déficits démocratiques et sociaux actuels et de construire une société plus prospère, plus juste, plus sûre, plus durable et plus solidaire. En vertu de tout ce qui vient d’être exposé, nous, représentants démocratiques du peuple de Catalogne, dans le libre exercice du droit à l’autodétermination et conformément au mandat reçu des citoyens de Catalogne,

NOUS CONSTITUONS la République Catalane, en tant qu’État indépendant et souverain, de droit, démocratique et social.

NOUS METTONS EN VIGUEUR la loi de transition juridique et fondamentale de la République.

NOUS INITIONS le processus constitutif, démocratique, citoyen, transversal, participatif et contraignant.

NOUS AFFIRMONS la volonté d’ouvrir des négociations avec l’Espagne, sans conditions préalables, visant à établir un système de collaboration au bénéfice des deux parties. Les négociations doivent nécessairement être sur un pied d’égalité.

NOUS PORTONS A LA CONNAISSANCE de la communauté internationale et des autorités de l’Union européenne la constitution de la République catalane et la proposition de négociations avec l’Espagne.

NOUS DEMANDONS instamment à la communauté internationale et aux autorités de l’Union européenne d’intervenir pour mettre fin à la violation continue des droits civils et politiques et de suivre le processus de négociation avec l’État espagnol et d’être témoins.

NOUS MANIFESTONS le désir de construire un projet européen qui renforce les droits sociaux et démocratiques des citoyens ainsi que l’engagement à continuer à appliquer les normes de l’ordre juridique de l’Union européenne et celles de l’Espagne et de la Catalogne autonome qui transposent cette norme.

NOUS AFFIRMONS que la Catalogne a le désir sans équivoque de s’intégrer le plus rapidement possible à la communauté internationale. Le nouvel Etat s’engage à respecter les obligations internationales actuellement appliquées sur son territoire et à continuer à faire partie des traités internationaux auxquels le Royaume d’Espagne est partie prenante.

NOUS APPELONS les États et les organisations internationales à reconnaître la République catalane comme un État indépendant et souverain.

NOUS DEMANDONS au Gouvernement de la Generalitat de prendre les mesures nécessaires pour rendre possible la pleine réalisation de cette déclaration d’indépendance et des dispositions de la loi de transition juridique et fondamentale de la République.

NOUS APPELONS chacun des citoyens de la République catalane à nous rendre dignes de la liberté que nous avons donnée et à construire un Etat qui se traduit par des actions et en conduite des inspirations collectives.

Les représentants légitimes du peuple de Catalogne

Barcelone, 10 octobre 2017″